En mai dernier aux USA, le conflit de taille opposant le géant du commerce Amazon à l'éditeur Hachette éclatait au grand jour : on apprenait alors que le premier fait pression sur le second pour vendre ses livres électroniques au prix qu'il désire, aux environs de 10 dollars. Mais Hachette souhaite rester maître de ses tarifs. Résultat : Amazon continue de vendre les ouvrages papiers de l'éditeur, mais traîne les pieds pour la livraison, faisant perdre des ventes à Hachette.
La démarche d'Amazon - qui est dans son bon droit malgré ce qu'on pourrait croire - plombe les ventes d'Hachette, mais également les revenus des écrivains édités par ce dernier. Pour pallier ce problème, Amazon a rapidement proposé la création d'un fond d'indemnisation pour les auteurs lésés, financé à 50% par lui et 50% par l'éditeur, durant la durée des négociations. Mais Hachette a refusé.
Amazon vient de faire une nouvelle offre proche, dans laquelle il propose de verser « 100% des recettes des ventes de livres électroniques » aux auteurs publiés chez Hachette touchés par cette phase critique, et ce durant toute la durée des négociations. De cette façon, le cybermarchand cherchait à dédommager les auteurs, et idéalement de les rallier à sa cause, en vue de discussions qui vont potentiellement durer longtemps : « à moins que Hachette ne change rapidement son rythme de négociation, cela va prendre beaucoup de temps » explique Amazon dans un courrier envoyé à certains écrivains concernés.
Proposition rejetée
Hachette a immédiatement rejeté cette proposition, qualifiée de « suicidaire », dans la mesure où elle sous-entend que l'éditeur ne touchera rien sur les ventes d'ebooks jusqu'à la fin du litige. « Nous invitons Amazon à lever les sanctions unilatéralement fixées, et nous continuerons les négociations de bonne foi pour trouver une conclusion rapidement » a déclaré un porte-parole de l'éditeur. Et Amazon de répondre : « Hachette fait partie d'un conglomérat mondial qui pèse 10 milliards de dollars. Ce ne serait pas un suicide. Ils peuvent se le permettre. »
Pour Amazon, Hachette cherche à mettre ses auteurs sous le feu de la bataille : « ils pensent que cela leur donne un moyen de pression. » Mais la guilde des auteurs, qui défend les intérêts des écrivains aux Etats-Unis, s'est également déclarée défavorable à la proposition d'Amazon, qualifiée de « solution à court terme qui incite les auteurs à se dresser contre les éditeurs, tout en les laissant au milieu du conflit. »
Le bras de fer entre les deux acteurs du marché du livre pourrait continuer encore un moment, puisqu'aucun compromis ne semble pointer à l'horizon. Les observateurs sont néanmoins nombreux à pointer Amazon du doigt : dans une lettre ouverte signée par près de 400 auteurs, l'écrivain Douglas Preston déclarait début juillet que la pratique du commerçant prend tout le secteur du livre « en otage », y compris les lecteurs. « Amazon n'a pas le droit d'utiliser un groupe d'auteurs, extérieur au conflit, pour mener des représailles ciblées » dénonce la lettre. « Nous sommes fermement convaincus qu'aucun libraire ne devrait ni empêcher, ni gêner la vente de livres, ni même décourager les clients de commander ou de vouloir recevoir les livres qu'ils désirent. »
De son côté, Amazon se défend en déclarant que ce type de négociation musclée n'est pas nouveau. Le commerçant se trouve cependant dans une évidente position de force : le groupe Lagardère, dont dépend Hachette, a déclaré à Reuters qu'Amazon.com comptait pour 60% dans les ventes numériques de l'éditeur aux Etats-Unis. On est donc en droit de se demander si Hachette ne sera pas le premier à plier.