Petit rappel de l'affaire : Amazon souhaite pratiquer une politique de prix uniforme concernant la vente de livres électroniques, idéalement à moins de 10 dollars - 9,99 dollars étant un tarif psychologique. La plupart des éditeurs ont conclu un accord avec le commerçant, dont la plateforme de vente et les supports Kindle sont très puissants sur le marché. Mais Hachette résiste : la maison d'édition refuse de s'aligner sur les demandes d'Amazon. De fait, le commerçant, s'il continue de vendre les ouvrages de l'entreprise aussi bien au format électronique qu'en papier, fait preuve de mauvaise volonté en retardant la livraison des ouvrages physiques. Une démarche qui pénalise Hachette, puisque les clients américains d'Amazon, face à ces contraintes logistiques, préfèrent parfois ne pas commander de livres de l'éditeur.
Amazon et Hachette se sont engagés dans un bras de fer de négociations qui dure depuis le mois de mai : ce dernier pénalise de nombreuses personnes. L'éditeur, mais également les auteurs, sur lesquels se répercute le manque à gagner d'Hachette. Enfin, les clients d'Amazon sont également lésés. Ce dernier maillon de la chaîne est le seul qu'Amazon n'avait jusque-là pas tenté de convaincre de l'intérêt de sa démarche : le commerçant a en effet essayé de rallier les auteurs à sa cause, en vain, début juillet.
La nouvelle stratégie du commerçant est donc d'expliquer, dans un communiquer publié mardi, qu'il cherche à proposer un prix juste à ses clients adeptes du livre électronique. « Notre objectif est de faire baisser le prix des ebooks » explique la firme.« Les livres électroniques sont parfois vendus 14,99 dollars, voire 19,99 dollars. Avec un ebook, il n'y a pas l'impression, pas de stock invendu, pas besoin de prévision, pas de retour, aucune vente perdue en raison de rupture de stock, pas de frais de stockage, pas de frais de transport, et il n'existe pas de marché de seconde main car un ebook ne peut être revendu en occasion. De fait, ils devraient être moins chers » estime Amazon.
Un tarif moins cher serait plus rentable pour l'éditeur
Amazon continue en faisant ses estimations, basées sur ses propres chiffres de ventes. « Nous avons quantifié l'influence du prix de vente d'un livre par rapport à son prix en se basant sur différents titres que nous vendons : pour chaque copie d'un livre vendue à 14,99 dollars, il s'en vendrait 1,74 s'il était à 9,99 dollars. Ainsi, par exemple, si les clients achètent 100 000 exemplaires d'un ebook en particulier à 14,99 dollars, alors les clients achètent 174 000 exemplaires de ce même ebook lorsqu'il se retrouve à 9,99 dollars. »
Bien que concrètement invérifiable, la démonstration d'Amazon tend à prouver que tout le monde gagnerait à proposer des prix moins élevés pour les livres électroniques : l'éditeur vendrait plus et gagnerait donc plus d'argent malgré une baisse, dans ce cas, du prix du livre à hauteur de 33%. L'auteur, rémunéré au pourcentage sur chaque ouvrage, gagnerait aussi davantage en élargissant son lectorat. Et le lecteur paierait moins..
Une marge d'Amazon imposée par Hachette
A priori, Amazon oublie d'évoquer un point dans son calcul : sa propre marge. La réponse n'est pas esquivée : vis-à-vis d'Hachette, elle est de 30%. C'est à dire que sur un ouvrage vendu 10 dollars, Amazon en gagne 3, une situation que le commerçant estime « raisonnable ». Mais, il précise un point important : « En fait, la part de 30% du chiffre d'affaires correspond à ce que Hachette nous a imposé en 2010 lorsqu'ils se sont entendus illégalement avec leurs concurrents pour augmenter les prix des ebook. » Il s'agit d'une évocation de l'affaire dans laquelle 5 grand éditeurs américains se sont liés à Apple pour garder la main sur les prix des livres électroniques commercialisés. Paradoxe : ces mêmes éditeurs n'avaient pas hésité, durant le procès d'Apple, à laisser entendre que leur objectif était justement de s'opposer à la pratique commerciale d'Amazon. « Nous n'avions aucun problème avec les 30%, mais nous en avons eu avec la hausse des prix » glisse le commerçant.
Malgré son échec dans son opération séduction des auteurs, Amazon évoque encore une fois leur rémunération, et estime que l'éditeur les sous-paie : sur les 70% que touche Hachette sur chaque vente, le cybermarchand estime « que 35% devraient aller aux auteurs, et 35% à l'éditeur ». Alors qu'il cherchait, il y a peu, à mettre en place un fond de soutien pour la rémunération des auteurs, Amazon semble avoir baissé les bras sur ce point. « La façon dont nous fonctionnons actuellement, c'est que nous versons l'intégralité des 70% à Hachette, qui décide ensuite combien il veut reverser à ses auteurs. Nous pensons que l'éditeur ne leur donne pas assez d'argent mais, finalement, ça ne nous regarde pas » conclut la firme de Jeff Bezos.
Par ce communiqué, Amazon s'adresse pour la seconde fois de façon concrète aux internautes et à sa clientèle. Une manière pour l'entreprise de se justifier et probablement de prévenir que la situation pourrait encore s'intensifier. Rappelons que ce conflit commercial ne touche que le marché américain à l'heure actuelle.