YouTube Red : pourquoi il veut vous faire payer

Thomas Pontiroli
Publié le 10 avril 2015 à 08h08
En dix ans d'existence et malgré une audience colossale, le modèle du financement par la pub n'a pas porté ses fruits pour YouTube, qui tente une incursion dans le payant. Explications.

NB : suite à l'annonce de YouTube Red le 22 octobre, nous revenons sur les raisons de ce virage.
Lire : YouTube Red : vidéo sans publicité et musique hors ligne sur abonnement

Être le numéro un dans son domaine ne signifie pas qu'on est rentable. Lorsque Google a déboursé 1,65 milliard de dollars pour YouTube en 2006, alors à peine âgé de 1 an, sans doute le voyait-il en futur gros relais de croissance. Si le site de streaming vidéo est effectivement devenu hégémonique avec 1 milliard d'usagers actifs par mois, son modèle basé sur la publicité ne transforme pas cette audience en profits.

En février dernier, des sources proches de la plateforme rapportaient au Wall Street Journal que YouTube avait, certes, augmenté ses revenus publicitaires de 30 % en 2014, à 4 milliards de dollars, mais que ses coûts de fonctionnement (72 heures de vidéo sont envoyées chaque minute) ainsi que d'autres frais comme les cachets distribués aux créateurs de contenus (les « youtubeurs »), ne lui laissaient, en fait, que des miettes.

Pourtant, YouTube capte une large part des investissements publicitaires vidéo. Sur 10 dollars dépensés par les annonceurs l'an dernier aux États-Unis, 2 allaient à YouTube. Mais dans les deux ans à venir, son rythme de croissance devrait être divisé par deux. Il passera de 39 % en 2014 à 18 % environ en 2016, alors que le reste du marché évoluera à un rythme stable de 16 %, dit eMarketer. YouTube a des raisons de s'inquiéter.


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YouTube versera 55 % des revenus aux éditeurs partenaires des chaînes - Crédit : YouTube.

L'audience est trop concentrée

C'est le premier défaut de l'offre YouTube, pour les annonceurs : son audience est trop ramassée. Selon un analyste de Pivotal Research, 9 % des visiteurs totaliseraient 85 % des vues - confirmant la loi des « 80-20 » de Pareto. Pour un publicitaire, cela signifie que la cible potentielle est plus restreinte que ce qu'il y paraît. Selon TubeMogul, les annonceurs dépensent trois fois moins sur YouTube que sur les grandes chaînes de TV.

Autre problème lié à YouTube : les visiteurs consommeraient trop de petits formats amateurs pas forcément qualitatifs, rendant difficile pour un annonceur d'y adosser une publicité. C'est dans cette optique que la plateforme a entrepris en 2013 de lancer des chaînes premium, mais sans qu'elles ne décollent vraiment. Le site soutient aussi activement les créateurs de contenu, avec l'ouverture de studios à Londres, Tokyo et Los Angeles. Le but est de se doter d'un catalogue à même d'attirer les investissements de plus de marques.

La concurrence devient pressante

Non, il ne s'agit pas de Dailymotion. La principale menace de YouTube s'appelle en fait Facebook. Le réseau social captait déjà une certaine audience vidéo, mais les chiffres ont fortement augmenté depuis qu'il a lancé l'autoplay, permettant de lancer la vidéo automatiquement à son survol. Selon ComScore, Facebook affiche 4 milliards de vidéos vues par mois... autant que YouTube (màj : un niveau, depuis, atteint par Snapchat).

Pour inciter les créateurs de vidéos à publier avec son propre outil, Facebook a mis à jour son algorithme de recommandation en début d'année afin de pénaliser (avec un facteur de 10) la visibilité du lecteur YouTube.

C'est une mauvaise nouvelle pour la filiale de Google, dont la majorité des vidéos sont vues hors de ses murs, via les « embeds ». Et Facebook a d'autres arguments, comme la synchronisation des spots publicitaires avec la télévision (via Social Moov par exemple) car le réseau social réunit une grosse audience au moment des prime times. Pour attirer des créateurs originaux, Facebook tente d'approcher des youtubeurs (tout comme Yahoo...) et envisage de les rémunérer. Le réseau social compte aussi sur sa forte communauté Instagram.

Installer un écosystème payant

L'une des astuces de Google pour élargir l'audience de YouTube est de gagner le salon. L'américain a pour cela développé deux options : Android TV, la version de son système d'exploitation mobile adapté aux grands écrans, et sa clé HDMI Chromecast, permettant d'envoyer par exemple ses vidéos YouTube sur le téléviseur.

Bien installés dans leur canapé, les internautes volatils se transformeront, Google l'espère, en téléspectateurs engagés. Ils pourront alors consommer les contenus à plus forte valeur ajoutée que finance la plateforme, mais aussi les chaînes payantes ou des événements sportifs, comme des extraits des matchs de la NFL. Il y a aussi la musique, sur laquelle YouTube essaie de capitaliser avec son offre sur abonnement Music Key.

Mais sur les contenus à valeur ajoutée comme sur la musique, la plateforme se heurte déjà à des acteurs bien en place, comme Netflix d'un côté, et Spotify de l'autre. Le pire est que ces portails ne sont pas forcément rentables, surtout dans la musique - qui n'a pas tourné complètement le dos à la publicité d'ailleurs.

C'est ainsi que Google se résout finalement à tester une version payante de YouTube. Et ce n'est pas une première. En novembre, Google jetait un pavé dans la marre avec Contributor. Il s'agissait alors de s'essayer à la suppression de la publicité sur les sites Web partenaires, moyennant une contribution financière.


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