HarmonyOS est un système d'exploitation développé par Huawei. Lancé en France en 2021 sur la tablette Huawei MatePad 11, l'OS maison est récemment revenu sur le devant de la scène avec les très bons Huawei P50 Pro et Huawei P50 Pocket que nous avons testés. Pour être précis, les deux téléphones tournent sous l'interface « EMUI 12 ». Mais ne vous y trompez pas, elle ressemble comme deux gouttes d'eau à HarmonyOS 2.0. On vous l'accorde, ils auraient pu faire plus simple.
EMUI et HarmonyOS, de quoi parle-t-on ?
Présenté fin 2012, EMUI (anciennement Emotion UI) est une interface développée par Huawei pour Android 4.0 Ice Cream Sandwich. L'OS a accompagné la montée en puissance de Huawei dans la téléphonie mobile, jusqu'à devenir numéro deux mondial du marché des smartphones.
Depuis ? Les États-Unis ont accusé l'entreprise d'espionnage au profit de la Chine. Washington a mis en place une série de sanctions économiques empêchant Huawei de travailler avec les entreprises américaines. Jamais le géant chinois n'avait connu un tel coup d'arrêt.
Loin de se laisser abattre, Huawei a commencé à développer HarmonyOS, son propre système d'exploitation multiplateforme qui reprend les bases de ce que l'on connait sous Android, mais sans les services et applications Google.
HarmonyOS a été créé avec l'ambition de réduire au maximum la fragmentation des appareils en utilisant l'internet des objets pour les connecter entre eux (et dans les ténèbres, les lier). Ainsi le système d'exploitation offre plus d'interopérabilité entre les produits pour qu'ils fonctionnent entre eux de manière transparente et intelligente.
Le principe mainte fois répété par Huawei est celui du 1 + 8 + N. Le 1 représente le smartphone qui est au centre de l'écosystème. Le 8 représente les écouteurs sans fil, les PC portables, tablettes, téléviseurs, enceintes audio, lunettes connectées, montres connectées et l'automobile. Que des appareils que la marque commercialise (à l'exception des voitures). Enfin, le N représente les autres appareils partenaires que Huawei souhaite intégrer à son écosystème.
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Huawei s'affranchit des applications et services Google
Conscient que les services Google sont très utilisés en Europe, le constructeur chinois a développé ses propres alternatives et noué des partenariats locaux (par pays) pour proposer toujours plus d'applications. Huawei a également débloqué une enveloppe de plus d'un milliard de dollars pour inciter les développeurs à jeter un œil à l'AppGallery, son magasin d'applications concurrent du Google Play Store.
Les « Google Mobile Services » (GMS) représentent l'autre élément important à remplacer. Qu'à cela ne tienne, la marque a créé ses « Huawei Mobile Services » (HMS), des kits utilisés par les développeurs pour proposer un système de cartographie, de notifications ou encore de paiement en ligne sur leurs applications.
Sur le papier, l'entreprise semble donc armée pour remplacer les services et applications du géant américain. Après des débuts difficiles et un AppGallery peu fourni, Huawei a continué ses efforts pour arriver aujourd'hui à une solution plus satisfaisante. Cependant, le chemin reste encore long pour rattraper le catalogue du Google Play Store et l'App Store d'Apple.
Concrètement, à quoi ressemble l'AppGallery de Huawei
On y retrouve de nombreuses applications classées par catégories. Certaines sont mises en avant selon le marché. Ainsi, on retrouve des applications très populaires comme : Leboncoin, Deezer, TikTok, Microsoft Office ou encore VLC. D'autres brillent par leurs absences, comme WhatsApp, Netflix ou encore Spotify. Mais rassurez-vous, tout n'est pas perdu. C'est à ce moment précis que Huawei nous aide à « bricoler » pour retrouver toutes nos applications.
Il est possible d'installer les applications qui ne sont pas sur l'AppGallery. Mais il faut utiliser un moyen détourné. Une fois que vous avez tapé le nom de l'application recherchée, le magasin d'application de Huawei (ou l'application Petal Search) vous propose de télécharger le fichier APK pour l'installer vous-même. Vous êtes alors redirigé vers le site officiel s'il propose de genre d'option, ou sur des magasins alternatifs du type « APKPure » ou « APKMonk ».
Des problèmes de mises à jour et de sécurité
Cela pose un certain nombre de problèmes de sécurité. Huawei affiche d'ailleurs des messages d'avertissement vous demandant d'être « vigilant lorsque vous accédez à du contenu tiers ». Une fois sur le site en question, il faut trouver le lien de téléchargement parmi les publicités. Au moment d'installer l'application, Huawei en remet une couche : « Télécharger des applications de sources externes pourrait être risqué pour votre appareil et vos informations personnelles ».
Si vous êtes redirigés vers des magasins alternatifs connus, il faudra tout de même aller vérifier régulièrement les nouvelles versions de vos applications. Vous devrez ensuite les mettre à jour manuellement, une par une, là où vous pouvez le faire en deux clics sur le Play Store. Autant dire que quelques applications ne se mettront pas à jour et resteront donc exposées à des problèmes de sécurité.
Si vous comptiez installer les fichiers APK des applications Google, cela n'est pas si simple… En effet, l'absence des services Google vous empêche de lancer Gmail, Maps, YouTube, etc. Il vous reste une dernière solution de secours : la version Web. Autant dire que l'expérience de navigation n'est pas optimale. Vous serez également privé de notifications « push ».
Et l'interface EMUI 12 dans tout ça ?
Maintenant que vous savez à quoi vous attendre avec les applications Google et les celles des développeurs tiers, parlons de l'interface EMUI en elle-même. HarmonyOS a beau être un « nouveau » système d'exploitation, il repose sur une version open source (AOSP) d'Android 11. Vous ne serez donc pas perdu dans la navigation.
Raccourcis et notifications font chambre à part
Cette version 12 est très agréable à l'œil, avec des icônes au coin arrondies et un design plus minimaliste qu'auparavant. Une des premières choses que l'on constate, c'est la séparation du panneau des raccourcis et de celui affichant les notifications.
Il faut aller chercher les notifications depuis le coin supérieur gauche de l'écran et les raccourcis sur le côté droit. On peut toujours passer de l'un à l'autre en faisant glisser son doigt à l'horizontale. Déroutant au début, on s'habitue vite à cet affichage qui apporte un peu plus de clarté.
Un très bon niveau de personnalisation
EMUI est une interface extrêmement personnalisable. Vous pouvez choisir entre le mode clair ou le mode sombre. Ce dernier permet, en plus de vous reposer les yeux, d'économiser de la batterie grâce à la technologie AMOLED de l'écran. Huawei propose par ailleurs des thèmes complets qui viennent changer le fond d'écran et de verrouillage, mais aussi l'apparence des icônes. Chacun de ces éléments est ensuite modifiable individuellement.
Bureau, lanceur d'applications et (grands) dossiers
Autre bon point : le choix laissé par l'interface d'afficher toutes les applications directement sur les bureaux, ou de les cacher dans un tiroir d'application. Une manière de ne pas changer les habitudes des nouveaux utilisateurs, qu'ils viennent d'iOS ou d'Android.
Une nouvelle fonctionnalité intéressante d'EMUI concerne les dossiers. En faisant un appui long, vous pouvez les agrandir, de telle sorte que vous pouvez cliquer directement sur les applications à l'intérieur, sans devoir rentrer au préalable à l'intérieur du dossier.
Navigation à une main, multi-fenêtres et mode sénior
Les écrans de nos smartphones sont de plus en plus grands et il n'est pas toujours évidemment de naviguer avec une seule main. Pour nous aider, EMUI propose donc un mode « navigation à une main » qui permet de réduire la taille de l'affichage dans l'un des deux coins du téléphone, pour les droitiers ou les gauchers.
À l'inverse, si vous souhaitez profiter pleinement d'un grand écran, vous pouvez utiliser le mode multi-fenêtres en affichant un dock sur le côté droit de l'écran. Ensuite, libre à vous de positionner deux applications l'une en dessous de l'autre, ou d'en afficher une par-dessus en fenêtre flottante.
L'interface propose aussi une option intéressante pour nos ainés : le mode senior. Ce dernier agrandit l'affichage (icônes, texte, etc.) et augmente le volume sonore. La possibilité de régler la durée de contact avec l'écran pour effectuer une action est également bienvenue.
Les (nombreuses) applications préinstallées
Les applications Google étant absentes, il est logique que la marque chinoise les remplace par les siennes. Ainsi on retrouve Huawei Musique, Vidéo, Livres, Santé, Agenda, Email, Docs, Cloud, Wallet, mais également Petal Clip (pour le montage vidéo), Petal Maps, Petal Search, un GameCenter, Miroir, Translator, Could, Phone Clone, Link Now, etc.
On compte environ une trentaine d'applications Huawei. Mais ce n'est pas terminé, il y a également des applications partenaires déjà présentent sur les P50 Pro et Pocket, comme Microsoft Office, Bing, Start, TikTok, Snapchat, Booking ou encore Qwant. La plupart d'entre elles peuvent être désinstallées, mais nous aurions préféré nous passer de cette étape, surtout sur les modèles de smartphones vendus plus de 1 000 euros.
L'application Huawei Vidéo ne nous a pas vraiment convaincus. On y retrouve essentiellement des vidéos à la demande payantes sur Rakuten TV, ainsi que certains médias spécialisés (information, jeux vidéos, etc.) Malheureusement, les vidéos présentées ne sont pas les dernières publiées. On s'en rend vite compte en allant faire un tour sur YouTube.
Avec un catalogue assez généreux, Huawei Music veut s'imposer comme une nouvelle référence du musical. Il faut rapidement souscrire à l'offre premium (9,99 € par mois) pour accéder à tous les artistes. Un essai gratuit de trois mois est proposé pour vous faire votre propre avis sur le service.
Huawei offre également son propre service de messagerie collaborative « Link Now ». Intéressante, cette application permet de communiquer avec les autres utilisateurs en créant des conversations privées ou de groupe, en version texte comme en vidéo. D'une réunion à une « salle de classe en ligne » qui enregistre le cours et permet de poser des questions, le potentiel est là. Encore faut-il que Link Now trouve un public prêt à délaisser les autres applications populaires qui existent déjà sur le marché…
Widgets et Huawei Assistant Today
En « pinçant » l'écran d'accueil avec deux doigts, vous avez accès aux paramètres pour changer le fond d'écran, les transitions, mais également ajouter des widgets. S'il y en a plusieurs pour une même application, ces derniers sont regroupés dans un bloc. Cliquez ensuite dessus pour voir les différents formats disponibles. Rien de neuf sous le soleil donc, EMUI (HarmonyOS) est logé à la même enseigne que tous les smartphones sous Android.
À gauche de l'écran d'accueil se trouve « Huawei Assistant Today ». Une page regroupant tout en haut des raccourcis vers des applications épinglées que vous pouvez personnaliser à votre guise. Juste en dessous, vos widgets permettent d'afficher rapidement certaines informations comme la météo, le nombre de pas que vous avez fait, le temps passé devant l'écran de votre smartphone ou encore les événements de votre agenda.
Les autres widgets par défaut s'apparentent plus à de la publicité. Ainsi, on retrouve une mise en avant de Nike ou un onglet shopping avec des « offres spéciales ». Enfin, la page se termine avec un flux d'actualité dont vous pouvez choisir une des trois sources : EarliNews, Squid News ou Microsoft Start. Si vous le souhaitez, Huawei Assistant Today peut-être complètement désactivé dans les paramètres de l'écran d'accueil.
L'application photo
Au fil des ans, Huawei s'est taillé une solide réputation en matière de photographie. Penchons-nous un peu plus sur l'application qui est au cœur de l'expérience photo des smartphones de la marque.
Simple, mais complète, voilà comment on pourrait qualifier l'application photo. De manière très classique, les différents modes de prise de vue sont positionnés à l'horizontale, juste au-dessus du bouton de capture. Par défaut, on retrouve les raccourcis vers les modes suivants : ouverture, cliché nocturne, portrait, photo, vidéo, pro et « plus ».
Un second menu situé en haut de l'interface s'adapte au mode de prise de vue dans lequel vous vous trouvez. Ainsi, le mode photo propose un accès aux paramètres, aux filtres, au flash, au mode intelligence artificielle et à l'application AI Lens. Cette dernière permet de flasher un QR Code, traduire un texte en temps réel ou encore trouver où acheter un objet que vous avez photographié.
L'onglet « Plus » du menu inférieur affiche les autres modes de prise de vue. On y retrouve ceux pour faire une story, un ralenti, un time-lapse, des clichés noir et blanc ou encore filmer simultanément avec les capteurs avant et arrière du téléphone. Vous pouvez évidemment choisir d'ajouter ces différents modes aux raccourcis dans l'ordre que vous souhaitez.
Conclusion
Huawei a beau mettre en avant sa « nouvelle » interface HarmonyOS, cette dernière est dans la continuité du travail effectué par la marque chinoise sur Android depuis des années. À tel point que le nom « EMUI » est conservé sur les smartphones de la marque.
C'est une bonne chose dans la mesure où l'interface est très mature et laisse à l'utilisateur la possibilité de personnaliser son expérience de navigation. On regrette un nombre d'applications préinstallées trop important et des publicités dissimulées dans l'interface, y compris sur les produits haut de gamme payés au prix fort.
Les plus gros changements viennent finalement des contraintes imposées à Huawei par l'administration américaine. L'absence des applications et services Google oblige le constructeur à proposer ses propres alternatives et noué des partenariats avec les éditeurs tiers pour « boucher les trous » et éviter que certains utilisateurs quittent le navire.