Pionnière sur le marché des smartphones, la société canadienne Research In Motion est coeur d'une transition vers un nouveau système basé sur QNX. Avec 150 millions de smartphones commercialisés, dont 13,2 millions au trimestre dernier, la firme bénéficie aujourd'hui d'une base de 370 000 développeurs à travers le monde. De passage à Paris, Sanyu Kirulita, responsable des relations avec la communauté des développeurs pour la zone Europe et Moyen-Orient, revient sur les différents outils de développement et les récentes polémiques autour de l'entreprise.
Pourriez-vous rappeler les différents outils de développement proposés par RIM ?
Sanyu Kirulita : Si vous programmez en Java, il y a le kit de développement Java. Il y aussi WebWorks si vous utilisez HTML, JavaScript et CSS. Pour les smartphones, nous avons des outils permettant d'encapsuler le contenu web au sein d'une application Java, laquelle tournera sur le moteur de rendu du navigateur. Sur le Playbook, la plateforme native est celle d'Adobe AIR. L'outil d'encapsulation prendra le même contenu pour créer un fichier .bar pour le système QNX.
Une application initialement développée avec WebWorks fonctionnera-t-elle sur WebOS de HP faisant également usage du HTML, CSS, JS ?
S.K : Dans la mesure où WebWorks permet d'encapsuler une application fonctionnant en dehors du navigateur, vous pouvez y coupler de nouvelles interfaces de programmation par exemple pour accéder au système de fichiers, à l'appareil-photo ou au calendrier. En tant que développeur web ce qui vous importe c'est votre contenu, celui que vous souhaitez déployer sur toutes les plateformes. Aujourd'hui le moteur de rendu Webkit est utilisé un peu partout et vous n'avez pas besoin de cibler les user-agents par exemple pour Gecko. Les développeurs web s'intéresseront davantage aux possibilités du téléphone en se disant « Y a t-il la prise en charge de Local Storage ? » ou « si c'est un Blackberry, je vais faire telle chose ». Aussi il existe des outils externes comme PhoneGap qui facilitent la compilation pour plusieurs plateformes.
Récemment plusieurs sociétés ont montré leur mécontentement vis-à-vis du développement pour Blackberry en pointant du doigt les différents types de smartphones et plusieurs systèmes ? Comment régissez-vous à cela ?
S.K : Tout le monde est différent et je n'aime pas qu'une société me dicte mon choix. Vous savez c'est un peu comme cette phrase de Henry Ford qui disait « Vous pouvez choisir la couleur de votre voiture pourvu qu'elle soit noire ». Pour ma part, je viens d'avoir un Blackberry 9800, avant j'avais un Torch, c'est mon choix. J'adore le grand clavier et mon frère ne jure que par les écrans tactiles. D'autres choisiront le Pearl précisément parce qu'il est plus petit. Tout le monde est différent.
Donc vous estimez qu'il s'agit-là d'une forme de paresse de la part de ces développeurs ?
S.K : Je pense que le fond du problème c'est de savoir développer pour différentes tailles d'écrans. Sur le Blackberry nous mettons à disposition chaque composant de l'interface utilisateur et si vous utilisez ces derniers alors ils s'adapteront à l'écran. Et si vous être un développeur web, il vous suffit simplement de présenter une autre feuille de style. D'ailleurs il y a beaucoup de développeurs web et de flasheurs qui arrivent à surmonter ce problème. Le développeur web est plus sensible à la fragmentation et reste plus au fait des raisons poussant l'utilisateur à choisir tel écran ou tel navigateur. Et puis il y a aussi ces outils tiers comme Dojo, JQuery et bien sûr PhoneGap.
Sur le long terme, le kit de développement Java sera-t-il conservé ou l'objectif est-il de faire migrer tout le monde sur WebWorks ?
S.K : Je ne suis pas sûre que tout le monde migrera sur WebWorks. Le développeur web reste un développeur web et on ne change pas de langage comme ça aussi facilement. Et si vous développez avec Java alors peut-être n'aimez-vous pas le web. Par ailleurs je suis assez impatiente de l'arrivée des applications Android. Les développeurs ont besoin d'établir leurs propres limites pour être à l'aise et les sociétés mettent tout en oeuvre pour les aider. Par exemple Adobe prend soin de mettre à disposition les outils nécessaires afin qu'un développeur n'ait pas besoin d'apprendre un nouveau langage. De notre côté, ce qu'il nous faut c'est nous assurer que l'ensemble des interfaces de programmation soit disponible pour tout le monde.
Et d'ailleurs, WebWorks 2.1 est sorti tout récemment, toutes ces APIs sont-elles désormais disponibles ?
S.K : Non pas déjà mais c'est l'objectif. Ceci dit, vous n'avez pas besoin d'attendre puisque c'est complètement open source. Il y a une feuille de route que vous pouvez consulter sur le répertoire de GitHub. Récemment l'objectif était de complètement séparer WebWorks du système d'exploitation pour faciliter le développement d'APIs. Il est possible de développer ses propres interfaces, de les partager ou même de choisir de les conserver pour avoir un avantage sur la concurrence.
Peut-être avez-vous vu cette lettre supposée avoir été rédigée par un employé de RIM et dans laquelle il pointe, entre autres, les relations de la société avec les développeurs. Qu'en pensez-vous ?
S.K : Je voyage à travers l'Europe et le Moyen-Orient pour savoir, non pas ce que les partenaires aiment bien mais au contraire ce qui leur déplaît. Mon rôle est de rassembler toutes ces données et de les remonter afin d'aller de l'avant. Certains développeurs et partenaires nous permettent de repousser nos limites et parfois vous savez exactement l'origine de telle ou telle nouveauté. Par exemple lors du BlackBerry App World quelqu'un se plaignait de la lenteur du simulateur et nous l'avons alors optimisé. Ceci dit il n'existe pas de plateforme parfaite et la communauté a également largement contribué à l'amélioration de cette dernière grâce aux outils open source. Quoi qu'il en soit nous sommes très à l'écoute.
Selon les derniers chiffres de Comscore, RIM perdrait des places sur le marché du smartphone et serait désormais devancé par l'iPhone. De quelle manière pensez-vous pouvoir rester compétitifs ?
S.K : Vous savez lorsque RIM a commencé, la société avait 100% de part de marché. C'est nous qui avons créé ce dernier et lorsque l'on parle de pourcentage, l'arrivée de la concurrence ne pouvait se traduire autrement que par une baisse de notre part du gâteau. Cependant ce que les analystes ont tendance à oublier lorsqu'ils publient ce type de chiffres c'est qu'aujourd'hui le gâteau ne fait plus la même taille. En fait ce gâteau est aujourd'hui composé de milliards d'utilisateurs et il y a assez d'espace pour que tout le monde soit rentable. D'ailleurs nous continuons notre croissance et au trimestre dernier nous avons vendu 13,2 millions de smartphones.
Je vous remercie.