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Décidément, la polémique internationale autour du logiciel espion Pegasus ne désenfle pas. C'est à présent en Allemagne qu'une nouvelle ne devrait aucunement faire plaisir à sa population : l'Office fédéral de la police criminelle s'est dotée du spyware et s'en est servi.

Dans un pays où le rapport à la confidentialité est l'un des plus élevés au monde, l'emploi de ce logiciel est d'autant plus controversé. Néanmoins, le Bundeskriminalamt affirme que le cadre légal a toujours été respecté.

Pegasus sévirait également au pays de Goethe

La polémique autour du logiciel espion Pegasus ne faiblit pas. Alors que les révélations vont bon train depuis de longs mois à présent, c'est désormais l'Allemagne qui est au cœur de la tempête. Car, si c'est la nature de Pegasus et l'utilisation qui en est faite qui sont, entre autres, décriées, son achat et son emploi au sein de la République fédérale ne fait pas beaucoup d'émules.

Pourtant, le Bundeskriminalamt (BKA), ou Office fédéral de la police criminelle, a bien reconnu avoir fait l'acquisition du spyware. Les négociations se seraient tenues à compter de 2017, pour un achat en 2019 et un début d'utilisation au cours de l'année 2020. Ces informations ont été révélées par Deutsche Welle, et le processus d'obtention en dit long sur la tension autour de cette acquisition. Selon Die Zeit, c'est bien dans le « plus grand secret » que Pegasus a été acheté par le BKA. Des sources parlementaires, citées par Die Zeit, font état de négociations menées à huis clos entre l'Office fédéral de la police criminelle d'un côté, et la Commission gouvernementale relative à l'Intérieur de l'autre.

Une discrétion pour le moins éloquente, sinon pesante : l'enquête journalistique ayant permis ces révélations a été menée par une union entre divers médias majeurs du pays, tels que le Süddeutsche Zeitung, la NDR et la WDR, en plus de Die Zeit. Il faut dire que le passif au sein du pays y est pour beaucoup.

Le peuple allemand est un fervent défenseur de la confidentialité

Quelques lignes ne suffiraient pas pour comprendre l'importance accordée à la confidentialité pour le peuple allemand. Résultat de multiples facteurs historiques et sociologiques au cours du vingtième siècle, notamment dans une période où l'Allemagne nazie (1933-1945) maintenait une surveillance et une peur permanentes par le biais de sa police secrète d'État, également connue sous le nom abrégé de Gestapo, mais aussi en RDA avec la Stasi (1950-1990), une grande majorité d'Allemands ne souhaite pas entendre parler d'espionnage.

Comme le souligne d'ailleurs 9to5Mac, la population allemande est, selon un test réalisé par NordVPN auprès de 24 000 utilisateurs dans 197 pays, le peuple le plus au point en matière de confidentialité. 70 % des répondants allemands font ainsi preuve d'un bon niveau de compréhension de ce domaine, évalué à partir de la « compréhension de 10 problèmes de confidentialité et de sécurité numériques différents » par NordVPN.

Alors que le Conseil constitutionnel allemand a donné un usage limité à de tels logiciels d'espionnage, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la BKA a assuré qu'elle dispose d'un version limitée de Pegasus, afin d'éviter de potentiels abus d'usage. Une déclaration certainement insuffisante pour faire dégonfler la polémique outre-Rhin.