En Allemagne, la Cour fédérale de justice a affirmé, mardi, que la position dominante de la firme de Mark Zuckerberg sur le marché des réseaux sociaux ne fait "aucun doute." Une décision pas encore irrémédiable mais qui pourrait être lourde de conséquences à long terme.
La décision pourrait passer inaperçue en France, mais à l'heure où de nombreux pays européens ont engagé une lutte contre les grandes entreprises du numérique, parmi lesquelles Facebook, celle-ci trouvera une certaine résonance bien au-delà des frontières allemandes. Mardi 24 juin, le Bundesgerichtshof, la Cour fédérale de justice et surtout la plus haute instance judiciaire d'Allemagne, a jugé que le géant des réseaux sociaux abusait de sa position pour faciliter la collecte massive de données personnelles des utilisateurs de ses différentes marques.
La justice allemande veut freiner la collecte de données de Facebook
"Facebook ne permet aucun choix", a déclaré le juge en chef Peter Meier-Beck mardi, en marge du prononcé de la décision. Des mots forts qui donnent l'idée générale de cette décision rendue par la Cour fédérale allemande, venant confirmer et appuyer celle rendue le 6 février 2019 par le Bundeskartellamt, l'Office fédéral de lutte contre les cartels (équivalent de l'Autorité de la concurrence française).
Cette première autorité avait considéré que Facebook viole la loi allemande sur les restrictions à la concurrence (GWB) pour le grief de l'abus de position dominante sur le marché des réseaux sociaux, et les dispositions du RGPD pour le grief de la collecte de données personnelles sans recueillir le consentement des utilisateurs.
L'autorité de la concurrence allemande avait ainsi menacé Facebook d'une amende de plusieurs milliards d'euros si l'entreprise (et ses filiales WhatsApp et Instagram) ne freinait pas sa collecte de données. Une décision qui avait conduit la société fondée par Mark Zuckerberg à interjeter appel. Un tribunal inférieur avait ensuite déclaré que Facebook n'avait pas besoin de se conformer à la décision jusqu'à ce que la Cour fédérale allemande se prononce. Et elle vient de se prononcer. Et sans mauvais jeu de mots, la décision est sans appel.
Quand la justice antitrust pose les données au centre de la table
Dans un premier temps, la Cour fédérale a annulé la décision du tribunal inférieur, puis confirmé celle du garde fou de la concurrence et enfin demandé à Facebook de s'y conformer. La Cour considère qu'il "n'y a aucun doute sérieux sur la position dominante de Facebook sur le marché allemand des réseaux sociaux ni sur le fait que Facebook abuse de cette position dominante avec les conditions d'utilisation interdites par l'Office fédéral des cartes."
Pour la haute autorité, le géant Facebook a enfreint la loi du moment qu'il a combiné la collecte de données d'utilisateurs sur différentes plateformes : Facebook, Instagram, WhatsApp ainsi que d'autres sites web extérieurs et applications tierces. Le tout sans le consentement des internautes et en position dominante.
Ce manque de choix "affecte [….] leur autonomie personnelle", précise la décision, puisque s'ils n'offrent pas un blanc-seing à Facebook, les utilisateurs se voient alors refuser l'utilisation des services de l'entreprise californienne. Et le fait de concentrer 95% de l'utilisation des réseaux sociaux en Allemagne (Facebook compte 32 millions d'utilisateurs mensuels) renforce ces différents reproches faits au réseau social. "En tant qu'opérateur de réseau dominant le marché, Facebook a la responsabilité particulière de maintenir une concurrence encore existante sur le marché des réseaux sociaux", peut-on encore lire dans la décision.
En Allemagne, la société Facebook pourrait donc bien devoir modifier la façon dont elle collecte et traite les données des utilisateurs. Est-ce que d'autres en seront inspirés ? L'avenir nous le dira. En attendant, Facebook, qui n'entend rien changer en Allemagne en affirmant défendre sa "position selon laquelle il n'y a pas d'abus de position dominante", compte sur la procédure d'appel de la première décision qui, elle, se poursuit à Düsseldorf. Certains affirment qu'elle pourrait être une formalité, au vue de ce que vient d'affirmer la Cour fédérale. Dans le cas inverse, la haute autorité allemande repartirait de zéro.
Source : Décision du Bundesgerichtshof