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La loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure, adoptée jeudi par le Parlement, consacre tout un pan à l'utilisation de moyens de « captations et fixations d'images dans les lieux publics », ce qui donnera lieu à l'utilisation de drones et de la reconnaissance faciale.

Un retour en arrière après la censure, par le Conseil constitutionnel, de diverses dispositions de la loi Sécurité globale.

Une évolution sur la responsabilité pénale

Après un ultime vote du Sénat, le Parlement a adopté, le 16 décembre, le projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure. Celui-ci vient créer une exception au régime d'irresponsabilité pénale, qui avait fait grand bruit dans le cadre de l'affaire Sarah Halimi. En effet, son le meurtrier a été déclaré irresponsable pénalement, en raison de sa grosse consommation de cannabis.

Désormais, même l'auteur de faits criminels consommateur de « substances psychoactives » à un point tel que cela abolit son discernement, pourra être pénalement responsable. Mais c'est surtout le second volet du projet du loi qui nous intéresse plus particulièrement, puisqu'il contient des dispositions sur la sécurité intérieure qui vous rappelleront vaguement celles assimilées, contestées, puis censurées au moment des débats sur la loi Sécurité globale, avec l'utilisation de drones et de la reconnaissance faciale.

Une loi pour compenser le couac de la loi Sécurité globale ?

L'article 8 bis de cette loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure prévoit qu'« il peut être recouru, au moyen de caméras aéroportées, à la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement sans leur consentement à l'image d'une ou de plusieurs personnes, se trouvant dans un lieu public, si cette opération est exigée par les nécessités », nécessités dont nous allons reparler.

Traduction de cet article : les drones pourront donc, dans diverses situations, procéder à de la captation d'images, sans même avoir obtenu le consentement des personnes visées. Dans le cadre de la loi Sécurité globale, les sages du Conseil constitutionnel avaient certes reconnu le caractère utile de la surveillance par drone pour certaines infractions pénales. Ils n'avaient toutefois pas approuvé le fait qu'un tel moyen puisse être utilisé pour tout type d'infraction, comme une simple contravention. La disposition fut alors censurée par le Conseil. Se dirige-t-on vers un bis repetita et un nouvel article censuré ? C'est loin d'être certain, d'autant plus que la captation se limite à des actes bien spécifiques.

Dans le cadre de la nouvelle loi, trois situations pourront autoriser les autorités de police à procéder à cette captation : en cas d'enquête ou d'instruction portant sur un crime ou un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement ; en cas d'enquête ou d'instruction de recherche des causes de la mort ou de la disparition d'une personne ; ou dans le cas d'une procédure de recherche d'une personne en fuite. Cette dernière nécessité n'était d'ailleurs pas citée dans la loi Sécurité globale. Et tout le problème, c'est que la fuite peut entraîner la surveillance d'une zone totalement indéterminée, de même que d'un nombre de personnes totalement indéterminé, qui n'auront pas à donner leur consentement. De plus, l'autorisation accordée par le procureur pour lutter contre les infractions ou les personnes en fuite pourra être renouvelée, chaque mois, indéfiniment.

Reconnaissance faciale : les images captées par drones pourront être analysées ailleurs

Sur l'épineux sujet de la reconnaissance faciale, il est intéressant de noter que la loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure précise, dans son article 9, que « les caméras embarquées dans les véhicules, embarcations et autres moyens de transport ne peuvent comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale. Ces dispositifs ne peuvent procéder à aucun rapprochement, interconnexion ou mise en relation automatisé avec d’autres traitements de données à caractère personnel ». L'article 8 applique cette même disposition aux « dispositifs aéroportés », donc aux drones, qui ne pourront pas procéder à la captation du son ni comporter de traitements automatisés de reconnaissance faciale. On insiste sur le terme « automatisés ».

La Quadrature du Net, dont nous vous invitons à lire l'analyse de la loi, indique que, désormais, rien n'empêchera les images captées par les drones d'être analysées par des logiciels de reconnaissance faciale installés sur des dispositifs autres que les drones eux-mêmes. Car, oui, si l'aspect de l'automatisation saute, rien n'empêchera effectivement de procéder, sur des ordinateurs, à l'exploitation et à l'analyse des images captées par les différents dispositifs. Et rien n'empêchera ainsi les autorités de faire un rapprochement par reconnaissance faciale en comparant les images captées avec celles contenues dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires, qui comprend quelque 9 millions de photos.

Ce deuxième volet de la loi vise plus globalement à renforcer la répression des atteintes commises contre les forces de l'ordre. « En théorie, tout devrait conduire à une nouvelle censure des drones dans cette nouvelle loi. Pourtant, le Conseil constitutionnel n’a toujours pas été saisi par les parlementaires. Depuis trois semaines, nous attendons que les différents groupes de gauche réunissent les 60 député·es ou 60 sénateur·ices nécessaires pour saisir le Conseil, ce qu’ils avaient réussi à faire sans soucis contre la loi sécurité globale », a déclaré la Quadrature du Net.

Source : Sénat