L'autorité administrative indépendante appelle à la vigilance face à l'utilisation croissante potentielle des nouveaux dispositifs vidéo, sollicités dans le cadre de la crise sanitaire.
Pour lutter contre le coronavirus, de plus en plus d'acteurs à la fois publics et privés envisagent d'utiliser des caméras dites « intelligentes » ainsi que des caméras thermiques. Si la démarche paraît justifiée au moment où des outils de prévention et de lutte contre la maladie à Covid-19 se mettent en place, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) rappelle que les objectifs sanitaires ne doivent pas empiéter plus que de raison sur les libertés individuelles.
Une menace potentielle pour les libertés individuelles
La CNIL a publié, mercredi 17 juin, une synthèse dans laquelle elle indique avoir constaté une volonté, dans des lieux publics ou ouverts au public (comme les transports, les lieux de travail, les commerces, etc.), une intention de démocratiser des outils comme les caméras intelligentes qui apportent, à des systèmes de vidéoprotection préexistants, une couche logicielle supplémentaire. L'autorité note aussi le déploiement envisagé de nouveaux systèmes vidéo dédiés : il s'agit des caméras thermiques, qui feront office de dispositifs de prise de température automatique. La détection du port de masque et le respect des mesures de distanciation physique sont aussi à l'étude.
Si ces différents dispositifs permettraient officiellement « d'évaluer le risque de contagion », la CNIL alerte sur le fait qu'ils auraient « des conséquences importantes pour la vie privée des personnes, qu'il s'agisse de passants, de clients ou de salariés ».
Qui dit dispositif intelligent, dit collecte de données individuelles. Et là est toute l'inquiétude de la Commission, qui en gardienne des libertés individuelles, prévient que tout développement incontrôlé « présente le risque de généraliser un sentiment de surveillance chez les citoyens, de créer un phénomène d’accoutumance et de banalisation de technologies intrusives, et d’engendrer une surveillance accrue, susceptible de porter atteinte au bon fonctionnement de notre société démocratique ».
La CNIL s'inquiète du vide juridique autour des caméras intelligentes
Pour anticiper la mise en œuvre de ces systèmes de surveillance, la CNIL appelle à l'apport de garanties visant à préserver le droit à la vie privée, et plus largement les libertés individuelles. L'autorité rappelle que « les dispositifs de vidéoprotection, comme d’autres dispositifs de captation d’images dans l’espace public, font l’objet d’un encadrement législatif spécifique dans le Code de la sécurité intérieure ». Sauf que pour l'heure, l'utilisation de caméras intelligentes n'est justement prévue par aucun texte. Un vide juridique qui pourrait être exploité par certains, et qui doit inciter à une régulation.
La CNIL rappelle que les dispositifs qui seront déployés ne devront l'être qu'avec le recueil du consentement des personnes filmées et devront être conformes au RGPD, notamment pour le traitement des données sensibles, comme les données biométriques. Ils devront aussi respecter le principe de proportionnalité, « c’est-à-dire ne pas porter une atteinte disproportionnée à la vie privée », précise le gendarme des données.
Cela s'appliquera également à l'usage des caméras thermiques, qui pourront aussi permettre d'identifier des personnes, ce qui aboutira à de la collecte de données personnelles et, en l’occurrence pour la prise de température, de données de santé. Évoquant le principe du consentement, la CNIL appelle à l'extrême prudence et évoquent les conséquences qui pourraient être engendrées par ces caméras, comme le refus d'accès à un local ou service en cas de non-consentement, ou le défaut technologique de caméras qui peuvent ne pas repérer toutes les personnes infectées.
Source : CNIL