Ces téléphones "100% chinois" affichent pourtant des caractéristiques techniques très similaires, parfois supérieures, à celles des smartphones de marques connues, à des prix défiant toute concurrence. Nous nous en sommes procurés trois, parmi les modèles qui font le plus parler d'eux sur le Web : Meizu MX3, OnePlus One et Xiaomi MI4.
L'article a été mis à jour depuis sa publication initiale avec l'arrivée du MX4. Mais avant de parler téléphones, quelques mots sur ces sociétés, et sur la marche à suivre pour trouver ces appareils.
OnePlus : l'esprit start-up qui vend sur invitation
OnePlus est un cas un peu à part. La société domiciliée à Shenzhen a été fondée fin 2013 par Pete Lau, ancien vice-président de l'autre chinois OPPO, avec lequel OnePlus partage une partie de ses investisseurs et de ses chaînes de fabrication (tout en restant indépendante). Un hasard si les initiales de OnePlus One sont OPO ? La société que nous avons contactée ne se considère pas comme 100 % chinoise : Miguel Martin Romero, responsable des relations presse avec l'Europe, précise que OnePlus est faite de gens venant de dix pays différents. « We have born global » lance Romero, qui ajoute que OnePlus dispose de centres logistiques en Europe et aux USA, zones que OnePlus a effectivement décidé de couvrir dès sa création (en plus de l'Asie).
La méthode en revanche a de quoi laisser perplexe. Les ventes de OnePlus reposent en effet sur un système d'invitations. On peut en demander une sur le site, s'en voir attribuer par un membre du forum, ou en obtenir via les différents réseaux sociaux que OnePlus utilise (Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et Google+). Au-delà de l'effet buzz (on se souvient de l'application Mailbox et son interminable compte à rebours), c'est surtout de l'incompréhension, voire de la frustration, que cette mise en route génère. Toutefois, un système de précommande devrait bientôt être mis en place : il y aura toujours de la file d'attente, mais les potentiels acheteurs n'auront plus à courir derrière une invitation. La commercialisation reste 100% basée sur le online, permettant une économie conséquente sur la logistique.
A défaut de pouvoir nous transmettre un exemplaire pour la presse, OnePlus nous a attribué une invitation. Invitation qui expire au bout de sept jours, pour être remise à quelqu'un d'autre : il ne faut pas rater le coche ! A partir du moment où la commande a été passée (un 3 septembre), le OnePlus One est arrivé depuis Wanchai en à peine deux jours (le 5 septembre, par DHL). Furieusement rapide !
Meizu : du MP3 vers le smartphone
Etabli en 2003 à Zhuhai, le constructeur Meizu s'est d'abord spécialisé dans les baladeurs MP3, avec un certain succès (notamment chez les lecteurs de Clubic). Ce n'est qu'en 2008 que le chinois a opéré sa diversification sur le marché des smartphones. Meizu revendique aujourd'hui plus de 1 000 employés et 600 distributeurs, implantés à Hong-Kong, en Israël, Russie et Ukraine. Signe d'un véritable souci d'expansion, Meizu a depuis peu ouvert un bureau en France et a confié sa communication à une agence de presse, qui a pu nous prêter le MX3 (en attendant le récemment annoncé MX4, que nous avons bien sûr demandé). Outre les nombreuses spécifications alléchantes mises en avant sur le MX3, c'est la couche audio qui semble se distinguer puisque le smartphone embarque un DAC Wolfson, chipset annonçant un rapport signal bruit de 113 dB.
Entre temps, le MX4 a pu nous être envoyé par le distributeur Lenteen.fr, nous l'avons ajouté au comparatif.
Xiaomi : le véritable géant chinois
Basée à Pékin, la société Xiaomi (prononcez "chiaomi" ou même "MI" tout court désormais) a connu une ascension fulgurante. Créée en avril 2010, elle s'impose déjà comme leader sur le marché chinois, avec 14% de parts de marché au deuxième trimestre de 2014, devant Samsung et ses 12 % (source Canalys, via Le Monde). D'après Bloomberg, Xiaomi prévoit d'écouler 100 millions d'unités en 2015. Autre chiffre clé à mentionner pour bien cerner MI : l'entreprise est aujourd'hui valorisée à 10 milliards de dollars ! L'Apple chinois, comme certains aiment à l'appeler, s'est appuyé sur sa ROM particulière d'Android, MIUI, réputée sobre et légère à faire tourner. Mais surtout, elle a su appliquer des modèles économiques efficaces, façon Amazon pour sa distribution majoritairement sur le Web, façon Apple pour le minimalisme de ses gammes de produits. Et MI a également su s'entourer, notamment en débauchant Hugo Barra, ancien cadre de Google chargé du développement d'Android.
MI s'attaque aux marchés les uns après les autres. D'abord "limité" à la Chine, MI s'est rapidement ouvert à Hong-Kong, Taïwan et Singapour. Son champ d'action continue de s'étendre, au sud-est de l'Asie (Malaisie, Indonésie, Thaïlande), puis en ligne de mire l'Inde, la Turquie et l'Amérique du Sud. On peut malgré tout se procurer les smartphones de MI, soit par le biais du site Xiaomi-France (géré par un distributeur hongkongais), soit par le biais d'autres marchands en ligne, comme Ibuygou, ce que nous avons fait. La livraison fut également rapide (commandé le 3/09, reçu le 8/09).
Quid des droits de douanes et taxes ?
Cette question se pose évidemment lorsqu'on achète de la marchandise hors UE (pays tiers) à un professionnel (distributeur, e-commerçant), au-delà du seuil de franchise de droit de douanes. C'est-à-dire lorsque la valeur hors taxe est inférieure ou égale à 150 €. Pour nos smartphones, à un peu plus de 300 € pièce, c'est le cas. Un détail qui nous a mis la puce à l'oreille, c'est que la boîte du MI4 envoyée par ibuygou.com était emballée dans du papier cadeau. Etait-ce la feinte bien connue de l'envoi en cadeau ("gift") pour esquiver les contrôles douaniers ? Peut-être, mais c'était inutile.
En effet, les téléphones portables ne sont pas taxés quand ils entrent en Europe. Le TARIC (Tarif Intégré des Communautés Européennes) indique dans sa nomenclature (code produit 8517 12 00) un droit de 0%. En revanche, la TVA de 20% ne nous a pas été facturée, ni pour le OnePlus One, ni pour le Xiaomi MI4. Comme nous l'a confirmé Patrick Leduc, Inspecteur Régional, responsable d'Info Douane Service, "c'est le transporteur qui se charge de toutes les formalités de dédouanement et acquitte à l'administration des douanes, le montant des éventuels droits de douane et de la TVA. Il facture ensuite le montant correspondant au destinataire, ainsi que des honoraires pour ses différentes prestations de service." En clair, nous sommes passés à travers les mailles du filet, le transporteur n'ayant pas accompli les formalités qui lui incombaient.
Comment proposer de tels tarifs ?
322,99 € le OnePlus One en 64 Go, 335,16 € le MI4 en 16 Go et moins de 200 € aujourd'hui pour le MX3 de Meizu (prix bradés à l'approche du MX4) : la question qui brûle les lèvres, c'est « comment font-ils ? » Les explications sont nombreuses, entremêlées et parfois un peu obscures.Dégageons tout de suite la partie obscure, à savoir les conditions de travail, qui mériterait une enquête de longue haleine, ce qui n'est pas le propos de cet article. Nous savons déjà que Foxconn, Pegatron ou HEG, pour ne citer que ces trois sous-traitants employés par Apple et Samsung (parmi d'autres), sont régulièrement pointés du doigt pour toutes les atteintes portées au droit du travail chinois, pourtant déjà particulièrement souple. Il n'y a guère de chance pour que les acteurs autochtones soient plus respectueux de leur main-d'oeuvre.
Li Qiang, Directeur Général du China Labor Watch que nous avons contacté à ce sujet, nous explique ceci. Les sous-traitants qui font affaire avec les grandes marques sont souvent les mêmes que ceux utilisés par les marques chinoises. La différence, c'est qu'ils n'exigent pas forcément les mêmes standards de production. Les travailleurs des lignes de production Apple ou Samsung sont peut-être payés un peu mieux, mais aussi davantage mis sous pression avec des exigences de quotas supérieures. Les petites mains des lignes 100% chinoises doivent probablement travailler plus longtemps, mais avec une intensité de production relativement moindre. Dans les deux cas, précise Li Qiang, les Chinois doivent travailler dans de mauvaises conditions et faire face à des violations sérieuses du droit du travail. Une possible économie sur la main d'œuvre n'est donc pas à exclure, mais elle reste délicate à quantifier.
En revanche, il existe des postes de dépenses sur lesquels les fabricants chinois peuvent réduire drastiquement leurs coûts. D'abord sur la recherche et développement (R&D). Ces marques se contentent généralement d'imiter vite et bien l'existant, mais elles n'innovent pas ou peu. C'est du moins vrai en matière de design, où les ressemblances avec, tantôt Apple, tantôt Samsung, tantôt LG sont souvent frappantes. Les composants ? Ils sont disponibles à domicile, il n'y a qu'à se servir.
Ensuite, deux des trois fabricants que nous avons retenus opèrent exclusivement (ou quasi) en ligne : pas de produit en boutique signifie pas de logistique, ni de stock. Par ailleurs, ces acteurs dépensent visiblement moins en marketing et en communication, contrairement aux grands groupes qui inondent nos contrées. Ce qui n'empêche pas OnePlus de proposer un packaging particulièrement élaboré. OnePlus nous a toutefois répondu qu'en bonne start-up qui se respecte, le business model prévoyait de ne pas gagner d'argent avant deux ans. Il y a aussi peut-être de cela à mettre dans la balance : une grande jeunesse et un appétit moindre en marges.
Il reste enfin le poste du service après-vente, pour lequel si l'on en croit ce qu'on peut lire rapidement sur les forums, il va falloir s'armer de patience. Pourquoi ? Parce que du côté de Xiaomi et OnePlus, il appartient au client de retourner le mobile, après concertation avec les concernés, en Chine, à ses frais. Puis attendre que les réparations soient effectuées ou que le smartphone soit remplacé et enfin, retourné. Avec Meizu, comme la marque est distribuée en France, il faudra voir avec le vendeur. Ça pourra là aussi prendre du temps, mais au moins, l'envoi du terminal devrait coûter moins cher.
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Avant de pouvoir formuler une conclusion, il nous faut remettre ces trois smartphones en perspective, c'est-à-dire les inscrire dans la concurrence actuelle de notre marché français. Le Meizu MX3 en 16 Go se négocie à un peu moins de 199 €. A ce prix, on trouve en face les Moto G 4G ou Wiko Wax par exemple. Si l'absence de 4G ne fait pas trop défaut, le MX3 s'impose : bien meilleur écran, couche audio de qualité et finition supérieure lui donnent l'avantage. Maintenant entre l'Exynos du Meizu ou le Tegra 4i du Wax, le match est plus serré. La différence n'est donc pas si majeure que cela, à moins d'opter pour le MX4 (à 300 € donc plus cher) ou de partir sur la version 64 Go qu'on trouve à 249 €.
Le OnePlus One est commercialisé à 269 ou 299 € (16 ou 64 Go). A ce prix là, on ne trouve pas grand-chose de récent... Le Wiko Highway (entre 270 et 300 €) mais il ne fait clairement pas le poids (SoC Tegra 4i, HSPA+ à 21 Mbps seulement et pas de 4G, batterie de 2350 mAh, 16 Go de stockage non extensible, etc.). Le HTC Desire 816 (environ 300 €) mais là-aussi, la comparaison tourne au pugilat (écran en 720p, SoC Snapdragon 400, 1,5 Go de RAM, 8 Go de stockage interne certes extensibles, batterie de 2 600 mAh, etc.). Bref, le OnePlus One est résolument un tueur de flagship cru 2014, puisque pour trouver une qualité de smartphone équivalente, il faut aller taper dans du Xperia Z3, du Galaxy S5 ou du One M8, dans les 530 à 680 € (à l'heure où nous écrivons ces lignes) ! Seul le LG G3, dont les prix ont bien baissé (environ 470 €) peut faire réfléchir. Et encore, 170 € d'écart, ce n'est pas une paille !
Le OnePlus One n'a pas de concurrent qui tienne la route, au même prix. Il faut quasiment doubler la mise pour trouver des modèles aussi ou plus intéressants !
Quid du MI4 ? Son prix n'arrête pas de fluctuer (puisque calculé sur le taux de change dollars - euros). Nous l'avons acheté début septembre à 335 € en version 16 Go (frais de port compris), le même site (ibuygou.com) le vendait hier à 370 € et aujourd'hui à 330 €. Disons 350 € pour 16 Go et 380 € pour 64 Go. Là, il vient se frotter directement au Nexus 5. Et la comparaison lui donne plutôt l'avantage, même si le Nexus 5 reste un téléphone très compétitif pour son prix (100 % Google, 4G, plus compact, design affirmé). Le MI4 dispose d'un meilleur SoC, d'une couche photo plus performante, d'une finition plus robuste et d'une meilleure autonomie. La victoire est logique, mais moins criante qu'avec le OnePlus One, un véritable pavé dans la mare.
Tout cela met en lumière les progrès phénoménaux qu'ont accomplis certains acteurs chinois, qui plus est, en un temps record. Il y a des géants de la téléphonie qui doivent grincer des dents face à la redistribution des cartes qui est en train de s'opérer (on pense notamment à Samsung dont le bénéfice opérationnel chuterait de 60% cette année, en grande partie à cause des smartphones). En même temps, à trop vouloir sous-traiter pour enregistrer des marges toujours plus grasses, il ne faut pas s'étonner que des sous-traitants aient décidé de prendre en main leur destin. Ils ont acquis des compétences maîtresses au fil des années, autant de savoir-faire qu'ils mettent aujourd'hui à leur profit. Si le travailleur des chaînes de montage chinois n'y trouve malheureusement toujours pas son compte, l'ouverture du commerce à l'échelle mondiale nous fait profiter à nous Européens, et très simplement, de cette nouvelle génération de produits, conçus et assemblés sur place. « Il n'y a pas de route droite dans le monde » écrivait Mao Tsé-Toung. Celles de OnePlus, Xiaomi et Meizu semblent toutefois bien tracées.
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