Reconfinement oblige, il va falloir trouver de quoi s'occuper durant les semaines à venir. C'est le moment d'enfin prendre le temps pour (re)découvrir quinze films cultes qui ont marqué l'histoire du septième art.
Alors que les Français sont appelés à rester chez eux pour freiner la seconde vague de l'épidémie de COVID-19, beaucoup redoutent ces jours de repos forcés enfermés. Pourtant, cette nouvelle période de confinement marque l'occasion de parfaire sa culture cinématographique. Installé bien confortablement dans votre canapé, il vous suffit de lancer Netflix, Prime Video ou OCS pour découvrir ou redécouvrir quinze films incontournables.
Fahrenheit 451 de François Truffaut (Netflix)
En ces temps troubles, comment ne pas penser à Fahrenheit 451 ? On ne parlera pas ici du (mauvais) téléfilm américain sorti en 2018, mais bien de l'adaptation du roman de Ray Bradbury réalisée par Truffaut en 1966. Dans un futur proche, les pompiers sont devenus pyromanes de métier, brulant les livres accusés de plonger la société dans l'angoisse. La culture est restreinte aux écrans, omniprésents, interactifs. Comme un air de déjà vu, n'est-ce pas ?
Dans son désir de pousser la dystopie de Bradbury jusque dans ses retranchements, Truffaut a souhaité se départir du générique de fin. Dans un monde où les mots écrits n'ont plus le droit d'être, le casting et les équipes techniques sont cités en voix off. À ce stade, on ne peut plus compter que sur sa concentration et sa mémoire, à l'instar des résistants Clarisse (Julie Christie) et Guy Montag (Oskar Werner). À ce propos, si vous étiez un homme ou une femme-livre, lequel / laquelle seriez-vous ?
Le Mépris de Jean-Luc Godard (Netflix et OCS)
Sorti en 1963, Le Mépris raconte la lente descente aux enfers d'un couple rongé par les malentendus et brisé par le mépris qu'ils suscitent. À la demande d'un célèbre producteur américain, Paul Javal (Michel Piccoli) accepte de reprendre le scénario d'une adaptation de l'Odyssée réalisée par Fritz Lang. Le tournage ayant lieu en Italie, il s'y rend avec sa femme, Camille (Brigitte Bardot). Rapidement, le producteur tente de séduire Camille sous les yeux de Paul qui, loin de la défendre, l'encourage à passer du temps avec lui.
Il faut savoir que la version du Mépris dévoilée en juillet 1963 a subi quelques retouches pour aboutir au film sorti en décembre de la même année. Alors qu'aucune scène de nu n'était présente dans la première proposition de Godard, les producteurs Carlo Ponti et Joe Levine ont exigé davantage de scènes « sexy ». Réticent mais contraint de céder après un procès compliqué, le réalisateur s'est finalement exécuté, donnant naissance à l'un des plans les plus célèbres du cinéma de la Nouvelle Vague : Camille étendue sur le ventre, nue, demandant à Paul : « Tu les trouves jolies, mes fesses ? » sur l'adagio non moins mythique de George Delerue.
Gatsby le magnifique de Jack Clayton (OCS)
Porté plus d'une fois à l'écran, Gatsby le magnifique connaît l'une de ses plus célèbres adaptations avec celle signée Jack Clayton. Fidèle au roman éponyme de Francis Scott Fitzgerald, le film réunit Robert Redford et Mia Farrow autour d'une histoire d'amour tragique sur fond d'années folles et de nostalgie.
Initialement sollicité pour l'écriture du scénario, Truman Capote a rapidement laissé sa place à Francis Ford Coppola, tout juste libéré du tournage du Parrain. Peu familier de l'œuvre de Fitzgerald (qu'il avait pourtant déjà lue), Coppola est parvenu à composer un récit cinématographique équilibré à partir d'un roman presque exempt de dialogues. Et bien que l'accueil critique se soit montré mitigé à la réception du film, Gatsby le magnifique a su convaincre le public des salles obscures (plus de 26 millions de dollars de recettes), dont un certain Tennessee Williams qui n'hésitera pas à dire de l'adaptation qu'elle surpasse l'œuvre originale.
Shining de Stanley Kubrick (Netflix)
Peut-on réellement comparer le Shining de Kubrick à celui de Stephen King ? La question fait encore aujourd'hui débat. Pour l'écrivain, c'est un NON catégorique : Kubrick n'aurait pas su saisir l'essentiel de son roman et en aurait gâché l'adaptation. À contrario, on pense ici que le film Shining a su capter l'effroi du récit tout en se débarrassant des travers verbeux qui plombent l'œuvre originale. Car Stephen King a beau être un excellent créateur d'ambiance horrifique, il faut avouer que la subtilité narrative lui fait souvent défaut.
Pour mettre tout le monde d'accord, il faudrait davantage parler du Shining de Kubrick comme d'une réappropriation du récit qu'il porte à l'écran. Visuellement très réussi et emmené par un casting en béton (Jack Nicholson, Shelly Duvall, Danny Lloyd), le long métrage tire sa toute-puissance d'un quatrième protagoniste pour le moins inattendu : l'Overlook. À la manière d'une bête sadique tapie dans l'ombre, l'hôtel tel qu'imaginé par Kubrick s'immisce discrètement dans les esprits et les pousse inexorablement à la folie. Un sentiment de malaise grandissant, certes entretenu par des fantômes (en sont-ils seulement ?), mais également par l'architecture impossible de la bâtisse.
Le Salaire de la peur d'Henri-Georges Clouzot (OCS)
Lauréat la même année de la Palme d'or du Festival de Cannes et de l'Ours d'or du Festival de Berlin, Le Salaire de la peur trouve naturellement sa place dans la liste des grands classiques du cinéma. Réalisé par Henri-Georges Clouzot, le film relate l'épopée suffocante de quatre hommes que 2000 dollars par tête convainquent de transporter deux chargements de nitroglycérine sur 500 kilomètres de route accidentée. 141 minutes de « Ça va exploser ? Oui ? Non ? ». Ambiance.
On ne peut dissocier Le Salaire de la peur de la critique politico-sociale qui l'accompagne. Ces hommes ne prennent pas le volant par amour du danger ni par appât du gain. Qui accepterait de troquer sa vie contre 2000 misérables dollars ? Dans une première partie un peu plus lente que la seconde, Clouzot s'attache à peindre un portrait saisissant de la misère avant d'embrayer sur l'expédition que l'on imagine condamnée d'avance. Une œuvre désespérée qui se visionne en apnée.
Sueurs froides d'Alfred Hitchcock (Netflix)
Considéré comme le chef-d'œuvre de la filmographie hitchcockienne, Sueurs froides - ou Vertigo - figure à la neuvième place du dernier classement AFI 100 Years... 100 Movies. En clair, il fait partie des cent longs métrages américains à voir avant de mourir, et pas uniquement parce qu'il est le premier film à recourir au travelling compensé, plus connu sous le nom d'effet Vertigo.
Sueurs froides met en scène James Stewart dans le rôle de Scottie, policier sujet au vertige depuis le décès de l'un de ses collègues, et contraint de quitter son métier. À la suite de sa démission, un ancien camarade de classe le contacte et lui demande de suivre son épouse qu'il croit possédée par l'esprit de son arrière-grand-mère. Commence alors une mission déroutante, où se mêlent névroses, suspense et, comme souvent chez Hitchcock, histoire d'amour déroutante.
M le maudit de Fritz Lang (Amazon Prime video)
1931. Fritz, le visionnaire, prophétise les heures sombres que s'apprête à vivre l'Allemagne. M le maudit, c'est d'abord l'histoire de ce tueur d'enfants que la police ne parvient pas à arrêter. Les fouilles récurrentes des bas-fonds de la ville gênent les affaires de la pègre, qui décide également de mener l'enquête de son côté, alors que le meurtrier semble insaisissable.
Bien que Fritz Lang se soit inspiré de faits divers réels pour son premier film parlant, il faut y voir un prétexte à la sonnette d'alarme que tire le réalisateur. C'est dans un contexte d'angoisse et de paranoïa croissantes qu'évolue l'intrigue de M le maudit, alors que la population succombe à la peur, à la suspicion et à la délation. Un climat délétère qui trouve son apogée dans la vindicte populaire, alors que la société balaie l'État de droit d'un revers de main, basculant à son tour dans une dynamique criminelle. À la lumière des faits historiques qui suivirent, difficile de ne pas y voir une métaphore glaçante de la montée en puissance du nazisme.
Monthy Python : La Vie de Brian de Terry Jones (Netflix)
« Always look on the briiiiightsiiiide of life! », un conseil bien avisé pour garder le moral en ces temps de pandémie. Cette maxime reprise en chœur par une vingtaine de crucifiés clôt de manière guillerette La Vie de Brian, détournement évangélique parfaitement absurde signé Monty Python (Terry Jones à la réalisation).
Venus d'Orient pour rendre hommage à Jésus, les rois mages se trompent d'étable et honorent Brian Cohen. Se rendant compte de leur erreur, ils récupèrent leurs cadeaux et s'en retournent adorer le vrai Messie. Une introduction totalement loufoque qui donne le ton : La Vie de Brian narre celle d'un double raté de Jésus, celui qui se trouve toujours au mauvais endroit au mauvais moment, vendeur de « truffes de loutres » en guise de snacks dans les arènes de gladiateurs, responsable involontaire de la sortie du mutisme d'un ermite ayant fait vœu de silence pendant 18 ans. Tout ça n'a aucun sens, et ça n'en est que plus délicieux.
Les Enfants du paradis de Marcel Carné (FilmoTV)
De la rencontre de Marcel Carné et Jacques Prévert sont officiellement nés sept films dont le sixième n'est autre que Les Enfants du paradis. Mettant en scène Arletty, Jean-Louis Barrault, Maria Casarès et Pierre Brasseur, cet hybride relevant à la fois du cinéma, du théâtre et de la poésie raconte les amours contrariées du mime Baptiste Deburau, secrètement amoureux de Garance, femme libre rattrapée par ses fréquentations toxiques, mais également celles de Nathalie, éprise de Baptiste, et de Frédérick Lemaître, jeune espoir des planches.
Tourné pendant la Seconde Guerre mondiale, Les Enfants du paradis a connu un parcours de création houleux. Carné et Prévert ayant en effet décidé de faire appel à Alexandre Trauner (décorateur) et à Joseph Kosma (compositeur), juifs tous les deux, l'écriture du film (scénario, décors, musique) s'est faite dans la clandestinité d'une demeure louée dans le sud de la France. De cette retraite artistique singulière ont émergé les synergies et les idées en partie responsables du succès des Enfants du paradis.
Le Parrain de Francis Ford Coppola (Prime Video)
Impossible de faire l'impasse sur ce classique des classiques. Sorti en 1972, Le Parrain balaie les stéréotypes du cinéma de gangster. La petite pègre tire sa révérence pour laisser place à une mafia riche, puissante et tentaculaire, nourrie par une société indéniablement corrompue. Le crime s'apparente désormais à un business familial lucratif, héritage précieux qui se transmet de père en fils.
Pour incarner le visage fascinant de la famille Corleone, Francis Ford Coppola a su composer le casting idéal, Marlon Brando et Al Pacino en tête d'affiche. Comptez près de trois heures pour visionner dix années de magouilles mythiques, le triple si vous enchaînez avec les deux volets suivants.
Les Affranchis de Martin Scorsese (Netflix)
Un peu plus récent mais tout aussi culte, Les Affranchis fait partie de ces œuvres à voir au moins une fois dans sa vie. Tiré d'une histoire vraie, le film retrace l'ascension et la déchéance d'Henry Hill, dont l'ambition est assumée dès la scène d'ouverture : « Autant que je me souvienne, j'ai toujours rêvé d'être gangster ».
À nouveau, casting grand luxe pour ce film de Scorsese qui réunit Robert de Niro, Ray Liotta, Joe Pesci et Lorraine Bracco. À l'instar du Parrain, Les Affranchis fait partie du National Film Registry et dispose d'une copie conservée à la Bibliothèque du Congrès des Etats-Unis. C'est dire son importance au regard du patrimoine culturel et cinématographique.
Le Dictateur de Charlie Chaplin (Netflix)
On aurait pu citer tous les Chaplin. Toutefois, Le Dictateur, en plus d'être son premier film parlant, fut son plus grand succès. Puissante satire des fascismes, et plus particulièrement du nazisme, cette comédie burlesque est le parfait exemple du rire dénonciateur. Lanceur d'alerte de son époque, Charlie Chaplin se met en scène dans un quiproquo d'un peu plus de deux heures dont le discours final prend encore tout son sens aujourd'hui.
La portée du Dictateur fut telle que le film tourné en 1940 ne sortit en France qu'en 1945, en Allemagne en 1958 et en Espagne en 1976. Également censurée en Irlande et boudée par les Etats-Unis pour qui le message politique penchait trop en faveur du communisme, l'œuvre est aujourd'hui mondialement reconnue comme un pilier du cinéma engagé.
Voyage au bout de l'enfer de Michael Cimino (Prime Video)
Sujet central du cinéma américain dans les années 1980, la guerre du Vietnam n'a pas échappé à l'œil amer de Michael Cimino. En 1978, il présente Voyage au bout de l'enfer, premier film à faire état des conséquences psychologiques et traumatiques liées au conflit. Trois amis de longue date, ouvriers dans une petite ville de Pennsylvanie, sont enrôlés pour le Vietnam. Sur place, ils éprouvent les pires horreurs physiques et psychologiques, qui les marqueront à jamais.
Vivement critiqué par le bloc de l'Est à sa sortie, Voyage au bout de l'enfer rencontre un succès important aux Etats-Unis, où la guerre du Vietnam était extrêmement impopulaire. Nommé neuf fois aux Oscars, le film remporte cinq statuettes dont celle du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur dans un second rôle pour Christopher Walken.
Mulholland Drive de David Lynch (Prime Video)
Puisque nous avons désormais tous et toutes plus de temps pour réfléchir, le moment est venu de s'attaquer à du Lynch. Prix de la mise en scène au Festival de Cannes en 2001, Mulholland Drive est peut-être la meilleure façon de se familiariser avec le style et l'esthétique d'un réalisateur connu pour sa patte sur-surréaliste. Actrice, Betty Elms (Naomi Watts) débarque à L.A. la tête pleine de rêves. Elle y rencontre une jeune femme amnésique (Laura Harring) avec qui elle se lie d'amitié. À priori, rien d'incompréhensible. Jusqu'à ce qu'elles déverrouillent la boîte bleue.
Mulholland Drive est une énigme, tant dans sa structure que dans l'effet qu'il produit sur le spectateur. Plus le scénario plonge dans un non-sens total, plus on se creuse la cervelle à essayer d'en capter la logique insaisissable. Lynch, refusant de fournir des explications, se contentera de le résumer ainsi : « Une histoire d'amour dans la cité des rêves ». À bon entendeur.
Jules et Jim de François Truffaut (Netflix)
Thème central chez Truffaut, la femme fatale affiche le visage de Jeanne Moreau dans Jules et Jim. Incontournable du cinéma, ce classique français met en scène un amour triangulaire tragique. Jules et Jim sont amis depuis toujours lorsqu'ils s'éprennent tous les deux de Catherine. Catherine épouse finalement Jules. Peu épanouie dans son mariage et éternelle insatisfaite, elle prend Jim pour amant avec l'accord de Jules.
Avec Jules et Jim, Truffaut porte à l'écran le roman éponyme d'Henri-Pierre Roché de manière inédite. Farouchement remonté contre les adaptations libres, il décide de faire lire en voix off les passages du livre jugés intournables plutôt que de les remplacer par des scènes inventées équivalentes.