Passe-t-on trop de temps devant nos écrans ? © Shutterstock
Passe-t-on trop de temps devant nos écrans ? © Shutterstock

Tant de séries, si peu de temps ! Ces dernières années, le binge-watching, ou visionnage de séries ou de films en masse, a pris de plus en plus de place dans nos vies. Les plateformes de streaming, Netflix, Amazon Prime Video ou Disney+ en tête, ne s’en plaignent pas, bien au contraire. Si, de prime abord, se détendre devant quelques épisodes peut sembler inoffensif, la pratique n’est pourtant pas sans risques.

Serait-ce l’heure de faire une petite détox digitale ? De plus en plus d’études nous mettent en garde contre le visionnage compulsif de vidéos. Loin d’être un innocent passe-temps, le binge-watching peut avoir un réel impact sur notre bien-être. Pourquoi aimons-nous tant passer du temps devant nos écrans ? Quelles répercussions psychologiques cela peut-il avoir ? Comment trouver le bon équilibre ? On en parle dans cet article.

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Binge-watching : quand le monde devient accro au streaming vidéo

La pratique du binge-watching ne date pas d’hier mais l’avènement des plateformes de streaming vidéo a changé la donne.

Le binge watching, un phénomène de masse

On aime tous se détendre devant la télévision, mais à partir de quand peut-on parler de binge-watching ? Dans les années 90 déjà, les fans de séries télé achetaient des coffrets DVD pour regarder des épisodes à la suite. On parlait alors de binge-viewing.

Il faut attendre 2013 et le succès de Netflix pour que le terme “binge-watching” (en français “boulimie de visionnage”) soit sur toutes les lèvres. A l’époque, une étude menée par cette plateforme montre que 61 % des abonnés s’adonnent à cette pratique, qui consiste à regarder entre 2 et 6 épisodes, voire plus, lors d’une session télé.

Les binge-watchers sont de plus en plus nombreux © Anastasia Shuraeva / Pexels

Il faut dire que cette année-là, Netflix a révolutionné le monde du streaming en proposant l'intégralité des épisodes d’une saison à ses abonnés. La fonctionnalité Autoplay, qui permet d’enchaîner les épisodes, a également été lancée.

Le succès est tel qu’en 2019, en France, 86 % des internautes avouent pratiquer le binge-watching. En 2020, les confinements modifient encore les habitudes et le temps accordé au streaming fait un bond de 75 %. Le visionnage compulsif est alors perçu comme un "acte de self-care”. Les plateformes se multiplient, les pratiques se diversifient et on entend parler de “full-binge”, “semi-binge”, “micro-binge”, etc.

Mais pour fidéliser leurs clients, les plateformes doivent rivaliser de créativité, quitte à frustrer leur audience.

Pourquoi on binge-watch ?

Aujourd’hui, nous avons tous, moyennant une bonne connexion internet, accès à un vaste choix de programmes. On peut regarder des films et des séries quand on veut, où l'on veut et sans aucune publicité (du moins sur certaines plateformes).

73 % des streamers estiment que le binge-watching est positif et cela n’a rien d’étonnant : comme toute activité plaisante, cette pratique provoque des pics de dopamine, l’hormone du bonheur. Tant que l’on continue à se divertir, notre cerveau libère cette molécule. Toutefois, cela peut provoquer un comportement proche de l’addiction.

Bien d’autres éléments peuvent expliquer le succès du binge-watching :

  • En s'immergeant dans une histoire, on s’éloigne de la réalité : ce sentiment d’évasion peut aider à se sentir moins stressé.
  • La culture du cliffhanger (l’effet de suspense à la fin de nombreux épisodes) peut pousser les gens à vouloir connaître immédiatement la suite d’un divertissement.
  • Terminer une série procure un sentiment d’accomplissement et incite à aller plus loin.
  • Connaître une série est aussi un moyen de se connecter socialement à d’autres fans et de discuter des intrigues, des personnages, etc.
  • On peut aussi souffrir de FOMO (Fear Of Missing Out) : quoi de pire que de se faire spoiler un moment capital parce qu’on aura pas vu un divertissement à temps ?

Pourquoi et comment les plateformes encouragent cette pratique ?

Rentabilité et fidélisation sont les deux problématiques des plateformes de streaming vidéo. Proposant toutes des abonnements sans engagement, elles doivent s’assurer que leurs clients restent le plus longtemps possible. Le fait que, ces dernières années, la concurrence se soit multipliée n’a fait qu’empirer le problème.

Les services de SvoD se doivent d'être rentables © Karolina Grabowska / Pexels

Pour survivre, ces services ont tout intérêt à rendre l’expérience des utilisateurs aussi immersive et addictive que possible, d’autant que cela génère de précieuses données. Les tactiques sont nombreuses :

  • Diffuser des saisons en entier et proposer une fonctionnalité Autoplay.
  • Recommander des contenus en fonction des habitudes de l’utilisateur.
  • Faire en sorte que les vidéos puissent être visionnées sur n’importe quel écran.
  • Créer des divertissements originaux disponibles exclusivement sur une plateforme.
  • Éviter d’interrompre le visionnage par des publicités ou proposer un épisode sans pub après un certain temps, etc.

Le Binge watching, un mal pour un bien ?

Si le binge-watching est une pratique agréable, elle n’en reste pas moins controversée.

Des comportements différents selon les âges

Les pratiques de binge-watching différent selon les générations. Une étude montre, par exemple qu’aux États-Unis :

  • 60 % des ados entre 13 et 17 ans disaient visionner compulsivement des vidéos en 2020.
  • Chez les 18-29 ans, le chiffre monte à 69 %.
  • Les 30-44 ans vont encore plus loin avec 70 % de binge-watchers.

On apprend également que 50% des adultes de moins de 45 ans avaient, en 2019, pour habitude de regarder l’intégralité d’une saison en une seule fois. Des organismes sont parvenus à segmenter les pratiques et ont constaté que 58% d’ “heavy bingers” avaient entre 18 et 34 ans tandis que les “light-bingers” se retrouvaient plutôt chez les personnes de plus de 45 ans.

Le binge-watching peut devenir une addiction © Amateur Hub / Pexels

Notons, que le binge-watching gagne aussi du terrain chez les boomers.

Une pratique non sans avantages

Le visionnage en grand volume est loin d’être une pratique négative, loin de là. Certaines études y voient même des avantages, quant cela ne tombe pas dans les extrêmes :

  • Le binge-watching augmente la sensation de satisfaction et de bien-être.
  • À petites doses, cette pratique peut même aider à réguler les émotions et à combattre l’anxiété et la dépression.
  • On a même observé que binge-watcher des contenus pourraient accroître la sensation d’autonomie, la vitalité et la capacité de récupération.

Mais ce n’est pas tout : en plus d’aider à se détendre, le binge-watching permet également de se cultiver, de maintenir le lien social en discutant de films et de séries et, pour certains créatifs, de trouver l’inspiration. Encore faut-il, bien sûr, ne pas en abuser.

Des conséquences inquiétantes, dans certains cas

Les professionnels de santé ont constaté que la consommation excessive de séries et de films pouvaient sérieusement impacter le quotidien : certaines personnes ont, par exemple, tendance à préférer le binge-watching à d’autres activités, comme la pratique d’un sport ou une sortie à l’extérieur.

Pire, certains perdent le sommeil et restent éveillés toute la nuit pour aller au bout d’une saison. D’autres perdent leurs repères et ne mangent plus pour se nourrir mais pour se faire plaisir, ouvrant la porte à des comportements de binge-eating. C’est le cas, notamment, des enfants ou encore, des adolescents.

Le binge-eating, une conséquence du binge-watching © Aleksandra Sapozhnikova / Unsplash

Si la pratique n’est pas bien cadrée, d’autres problèmes peuvent apparaître, tels que :

  • Une dépendance : certains ne peuvent plus s’empêcher de suivre leurs divertissements, et ce, même au travail.
  • De l’isolement social : 1 personne sur 4 annulerait des rencontres avec leurs connaissances pour continuer à regarder une série.
  • De l’anxiété : sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes se plaignent d’un sentiment de vacuité ou de stress après avoir terminé de regarder un divertissement. Le trouble a même un nom : le Post Binge-watching Blues.
  • Une dépression : des études montrent une corrélation entre le binge-watching et ce trouble mental. Attention, cependant, pour l’heure, on ne sait pas si c’est le visionnage compulsif qui cause la dépression ou le contraire.

Notons que ce genre de conséquences n’arrive, bien souvent, qu'à des personnes qui ont déjà des difficultés à se réguler.

Binge-Watching et santé mentale : une question d’équilibre

Comme pour tous les aspects de notre existence, l’important est de trouver le bon équilibre pour ne pas tomber dans l’addiction.

Binge-watching : comment savoir si l’on fait face à une addiction ?

En soit, il n’y a rien de mal à passer quelques heures devant une série. Cependant, des dérives existent. Comme dans toute addiction, c’est la fréquence et l’impact sur la vie personnelle qui fait la différence.

Réguler le visionnage est crucial © Cottonbro studio / Pexels

Si vous vous posez des questions, voici quelques indices à rechercher, chez vous ou bien chez vos proches :

  • Vous vous sentez tendu, voire irritable avant de regarder un programme et seul le binge-watching vous procure du bien-être.
  • Vous consacrez de plus en plus de temps à cette activité et abandonnez peu à peu vos autres hobbies.
  • Vous avez du mal à réduire cette pratique et cela vous frustre, voire vous met en colère.
  • Votre consommation est telle qu’elle s’immisce dans votre vie familiale ou sociale. Elle impacte également votre éducation ou votre travail.
  • Si vous réduisez temporairement votre binge-watching, vous retombez dans vos vieux travers sans pouvoir vous contrôler.

Il n’est pas nécessaire de cumuler tous ces comportements pour que la pratique soit considérée comme problématique. Le bon curseur ? Plus le binge-watching provoque de l’anxiété, plus il est nécessaire d’être vigilant.

Comment éviter de devenir dépendant ?

Il est essentiel de trouver un équilibre entre le plaisir du visionnage et une vie normale. Voici quelques stratégies pour contrôler son binge-watching :

  • Ne pas rester isolé : informez vos proches de votre intention de réduire votre consommation. Leur soutien est essentiel. Vous pouvez également mettre un professionnel de santé dans la boucle.
  • Poser un cadre : limitez le temps consacré au visionnage. En établissant des plages horaires, on évite de passer tout son temps devant un écran, en particulier la nuit (garder ses lumières allumées peut aider à ne pas perdre la notion du temps). Pour s’aider, on peut aussi régler une alarme sur son téléphone.
  • S’écouter et faire des pauses : pour ne pas rester trop longtemps devant votre écran, levez-vous de temps en temps, passez un coup de téléphone ou faites autre chose.
  • Remettre le social au centre de cette pratique : invitez des amis ou vos proches à regarder un programme ensemble. Ainsi, il sera plus facile de poser des limites. Petit bonus, le visionnage sera bien plus amusant !
  • Varier les hobbies : trouvez d’autres activités à laquelle consacrer votre temps afin de ne pas rester tout le temps devant un écran.
Remettre le social à l'honneur est essentiel © August de Richelieu / Pexels

En conclusion

Prendre quelques heures pour profiter de sa série favorite est toujours agréable. Mais ne serait-il pas plus sage de prendre son temps ? Il y a quelques années déjà, des études montraient que les binge-watchers oubliaient plus rapidement ce qu’ils venaient de voir que les consommateurs hebdomadaires.

De plus, diffuser des séries entières peut aussi nuire à la vie de ces divertissements : d’excellents contenus ont été supprimés car le bouche-à-oreille n’avait même pas eu le temps de se mettre en place (Tuca & Bertie, etc.).

En 2023, nombre d’articles annonçaient la fin du binge-watching et le retour à des pratiques plus mesurées. Afin d’éviter des désabonnements massifs au bout d’un mois à peine d’inscription, les plateformes ont revu leur stratégie : avec des séries comme You ou Stranger Things, Netflix a opté pour une diffusion en deux parties. D'autres services ont, de leur côté, décidé de mettre en ligne 3 épisodes au départ et d’échelonner la diffusion par la suite.

L’abondance n’aurait finalement pas que du bon, que ce soit du côté des spectateurs ou celui des plateformes et des créateurs. Créer l’évènement, susciter la curiosité, remettre au goût du jour les rendez-vous hebdomadaires pourrait permettre à tous d’envisager ce passe-temps de façon plus saine et d’en faire un véritable plaisir.

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