Reconnaissance faciale : la justice juge contraire au RGPD une expérimentation menée dans deux lycées

Alexandre Boero
Par Alexandre Boero, Journaliste-reporter, responsable de l'actu.
Publié le 28 février 2020 à 09h08
IA Reconnaissance Faciale
© Shutterstock

C'est une première en France en matière de reconnaissance faciale. La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l'Homme, à l'origine du recours contre une décision prise par la région PACA, ont obtenu gain de cause à Marseille jeudi.

La reconnaissance faciale vient de subir une première déconvenue judiciaire. La Quadrature du Net et la Ligue des droits de l'Homme avaient déposé, il y a maintenant un an, un recours devant le tribunal administratif de Marseille en demandant l'annulation d'une délibération prise le 14 décembre 2018 par le conseil régional Sud (pour région PACA). Après avoir reconnu la pertinence des requêtes des associations épaulées de la CGT Educ'Action des Alpes-Maritimes et de la Fédération des Conseils de Parents d'Élèves des écoles publiques des Alpes-Maritimes, le tribunal a décidé d'annuler la délibération ce jeudi 27 février.


Une délibération qui ne respecte pas le RGPD

L'expérimentation fut menée dans deux établissements de la région, le lycée Ampère à Marseille et le lycée des Eucalyptus à Nice. Elle faisait partie d'une démarche de sécurisation des accès aux deux établissements en faisant appel à la reconnaissance faciale, nommée d'ailleurs avec insistance « système de comparaison faciale » par la région Sud. Celle-ci permettait de confirmer l'identité du lycéen en comparant sa photo prise à l'entrée et celle de son badge, prise en début d'année scolaire.

Les associations requérantes demandait l'annulation de la délibération ayant autorisé l'expérimentation au motif que celle-ci ne respectait pas l'article 9 du Règlement général sur la protection des données (RPGD), en vigueur depuis le 25 mai 2018.

Les parties demanderesses avaient obtenu une première victoire au mois d'octobre, lorsque la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) avait rendu un avis très critique quant à un tel dispositif. « Les traitements de reconnaissance faciale sont des dispositifs, de nature biométrique, particulièrement intrusifs qui présentent des risques importants d'atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles des personnes concernées ».


Un consentement qui ne fut pas donnée de manière libre et éclairée

Face à l'absence d'un véritable cadre juridique à la reconnaissance faciale, le juge administratif a annulé la délibération et reconnu l'incompétence du conseil régional pour mettre en place l'expérimentation de la technologie du fait que seuls les chefs de ces établissements étaient compétents s'agissant d'encadrer et de surveiller les élèves.

Mais ce n'est pas tout puisque le tribunal dénonce le fait que les lycéennes et lycéens (ou leurs représentants légaux) n'ont donné leur consentement à la collecte de leurs données personnelles qu'en signant un simple formulaire, ce qui ne suffisait pas à qualifier ce consentement comme « libre, spécifique, univoque et éclairé », surtout s'agissant de données critiques, comme les données biométriques.

Enfin, la Région Sud n'est pas parvenue à prouver que des mesures moins excessives n'auraient pas suffi à assurer l'objectif de sécurité voulu par la collectivité. Par la voie de son Président, Renaud Muselier, la région nous indique regretter une décision qui « ne lui permet pas de mettre en œuvre des solutions complémentaires et modernes ».

C'est la première décision juridictionnelle prise en France sur la reconnaissance. Une décision qui en appelle peut-être d'autres. Un second recours fut déposé au tribunal administratif de Marseille, contre la vidéosurveillance automatisée. La réponse du juge est attendue pour le début du mois de mars.

Source : La Quadrature du Net
Alexandre Boero
Par Alexandre Boero
Journaliste-reporter, responsable de l'actu

Journaliste, responsable de l'actualité de Clubic – Sensible à la cybersécurité, aux télécoms, à l'IA, à l'économie de la Tech, aux réseaux sociaux ou encore aux services en ligne. En soutien direct du rédacteur en chef, je suis aussi le reporter et le vidéaste de la bande. Journaliste de formation, j'ai fait mes gammes à l'EJCAM, école reconnue par la profession, où j'ai bouclé mon Master avec une mention « Bien » et un mémoire sur les médias en poche.

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BetaGamma

quels juges ?

AlexLex14

Comment ça « quels juges » ?

nicgrover

Ancien enseignant je pense que ce type de sécurisation présente un réel intérêt s’il est bien cadré. La sécurité des établissements scolaires est une priorité et on n’y fait pas rentrer n’importe qui…

Il suffit de voir aux US les carnages qui ont eu lieu dans certains établissements et on ne peut pas reprocher aux US un manque de vigilance, tous les établissements sont vidéo-surveillés.

bmustang

c’est une réponse fécal pour la région paca et j’espère qu’il y an aura d’autres

bmustang

clairement les US manque de vigilance qui doit posséder une arme ! Avant de poser des cams de surveillance dans les établissements ? Ne renversons pas le problème !

keyplus

je vois pas en quoi un systeme judiciaire orienté politiquement à le droit de décider

Styxou

La justice ne décide rien politiquement, elle applique et fait respecter ce qui a été décidé à travers les lois.

Caka

C’est assez amusant de vous lire et vous contredire en quelques phrases. Notez cela dans votre carnet quand vous irez voir votre médecin. Il va falloir augmenter la dose.

juju251

Sauf que quand ce sont des élèves de l’établissement qui provoquent des tueries, la reconnaissance faciale ne pourra rien y faire.

Dans le cas, assez particulier, des tueries de masses, il faudrait peut-être prendre le problème à la base, c’est à dire commencer par se poser la question de la pertinence du port d’armes autorisé pour tout le monde, non ?

Biggs

Le RGPD est une immense mascarade technocratique. Il n’aura servi qu’à alourdir les sites internet d’avertissements sur les données privées – que tout le monde valide de toute manière sans lire, par lassitude – et à empêcher maintenant les établissements scolaires d’assurer un minimum de sécurité dans leur enceinte. À côté de ça, Facebook et consorts continuent de se gaver allègrement de données personnelles sans être le moins dérangés, eux qui étaient pourtant les acteurs visés directement par le RGPD.

Je travaille justement en établissement scolaire. Merci le RGPD, grâce à lui nous continuerons donc de nous esquinter les yeux sur des images de vidéosurveillance pourries pour tenter d’identifier les auteurs de vols ou d’agressions. Ah oui, et aussi il nous faudra passer de longues heures à remplir el famoso « registre des activités de traitement » de la CNIL permettant de justifier l’utilisation de toutes les données d’ordre personnel dans l’établissement (750 élèves et 80 enseignant, lol).

Bien joué le Parlement Européen, le RGPD c’est vraiment du beau travail de technocrate : fastidieux et inutile (voire nuisible).

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