Avant le déferlement de concurrents allemands à partir de 2019, le Tesla Model X reste encore le seul grand SUV 100 % électrique disponible en France, deux ans après son lancement. Loin de la culture automobile traditionnelle, il constitue un petit paradis à quatre roues pour les geeks. Nous avons passé deux jours à bord, entre émerveillement et agacement.
Introduction
Le patron de Tesla, Elon Musk, peut certes se targuer d'avoir fait changer la vision de la voiture électrique, mais il ne peut échapper à la réalité du marché : dans le monde entier, le SUV a le vent en poupe et malgré ses lignes élancées, la berline modèle S ne pouvait répondre à cette aspiration.C'est toute la raison d'être du Model X mais aussi son paradoxe. Rien de plus contradictoire en effet qu'une carrosserie lourde et haute sur un châssis de véhicule 100 % électrique, dont on attend une certaine efficacité énergétique. Présenté pour la première fois en 2012 au Salon de Genève, ce véhicule, dont les soubassements techniques sont largement semblables à ceux de la Model S, est commercialisé dès 2015 aux USA et 2016 en France. Depuis son lancement, il a cependant reçu de nombreuses mises à jour et sa gamme a été remaniée l'année dernière. À l'instar de la Model S, trois versions sont proposées : la 75D, la 100D et la P100D, le chiffre correspondant à la capacité de la batterie, soit 100 kWh dans le cas de notre 100D d'essai.
« On remarque son gigantesque pare brise, le plus grand du marché »
Si le Model X est d'abord présenté comme un véhicule électrique, il s'agit aussi d'une voiture américaine et cela se voit à ses dimensions. Avec plus de 5 m de long et 2,07 m de large, il dépasse allègrement en largeur toutes les places de stationnement publiques et est mal à l'aise dans la plupart des parkings souterrains. Il est donc préférable de bien préparer son voyage, non seulement pour les recharges mais aussi pour s'assurer de pouvoir le garer. Par rapport à ses concurrents thermiques ou hybrides, il dépasse un Range Rover de 10 cm en largeur et un Porsche Cayenne de plus de 8 cm en longueur. Car avec un tarif de 110 900 €, hors bonus écologique, le Model X évolue bien parmi l'élite des SUV.
Dommage dès lors qu'il n'apporte pas plus de soin à l'ajustage des panneaux de carrosserie. Dans l'univers du luxe automobile, ce genre de détails compte. Nous ne commenterons pas son style sinon pour noter qu'il ne fait pas autant l'unanimité que celui de la Model S. Hormis sa silhouette massive et lisse, on remarque son gigantesque pare-brise, le plus grand du marché, dont le haut est teinté et donne une sensation d'ouverture sur l'extérieur. Gare à la facture en cas d'impact !
Bienvenue à bord
L'expérience de conduite décalée du Tesla Model X commence par l'installation à bord. Les passagers arrière y accèdent grâce aux immenses portières « Falcon » à ouverture papillon, tandis que le conducteur s'étonne de voir sa porte se refermer toute seule lorsqu'il appuie sur la pédale de frein. Il cherche ensuite, en vain, des commandes de phare ou de frein à main. Confiant dans ses automatismes, Tesla invite à une conduite assistée par défaut, même si les systèmes sont modulables à loisir grâce à l'écran central de 17 pouces - nous y reviendrons.« Confiant dans ses automatismes, Tesla invite à une conduite assistée par défaut »
C'est bien sûr autour de cet écran, qui donne l'impression de pianoter sur une télévision 16/9 renversée, qu'est dessinée la planche de bord. Entièrement vêtue de cuir, elle n'apparaît pas exactement comme un monument de design et de finition. En la matière, le constructeur a encore quelques leçons à prendre de la part des fabricants traditionnels et notamment de Range Rover, qui réalise sans doute les plus beaux habitacles du marché des SUV.
Sans surprise vu son gabarit, le Model X offre beaucoup d'espace même s'il a tendance à le gâcher par des aménagements étranges, comme celui de notre version d'essai 6 places qui substitue à la traditionnelle banquette centrale deux sièges individuels non repliables. Heureusement, une définition sept places est bel et bien disponible et permet de disposer d'une modularité à peu près conforme aux standards du marché. À noter : la présence d'un coffre à l'arrière mais aussi à l'avant grâce à l'absence de moteur thermique. Au total, le Model X offre un volume de 544 litres en configuration 6 ou 7 places, ce qui le hisse au meilleur niveau de sa catégorie.
Une débauche logicielle
Aussi étrange que cela puisse paraître, ce n'est pas tant par sa motorisation électrique que par son interface électronique que Tesla se distingue le plus des constructeurs automobiles traditionnels.« Tout est configurable grâce à des menus plutôt bien pensés et facilement accessibles »
En premier lieu, le système de bord peut être mis à jour par Wi-Fi exactement comme le firmware ou le système d'exploitation d'un ordinateur ou smartphone. Les Tesla ont d'ailleurs dernièrement inauguré la « version logicielle 9.0 » dont les nouveautés sont présentées comme s'il s'agissait de la dernière mouture d'Apple OS. Ce cœur logiciel est bien entendu entièrement commandé par l'écran central et donne accès à toutes les fonctionnalités de la voiture. Depuis l'extinction des phares jusqu'à la hauteur de suspension, tout est configurable grâce à des menus plutôt bien pensés et facilement accessibles. Une petite prouesse, si l'on considère la profusion de réglages disponibles.
Le nouveau système facilite d'ailleurs grandement la navigation grâce à un lanceur d'application qui permet d'accéder aux éléments essentiels comme le tableau d'énergie pour calculer son autonomie ou le menu du téléphone associé. Il compte également quelques fonctionnalités loufoques typiques de l'univers de la Silicon Valley, avec par exemple un étonnant émulateur Atari qui permet de jouer à l'arrêt aux premiers jeux vidéo de l'histoire. C'est dans ce menu que l'on trouvera également la fonction « spectacle de Noël ». Celui-ci active tous les éclairages, les portières Falcon et l'installation sono de l'auto pour produire un véritable show son et lumière. Pour sûr, aucune concurrente n'est capable d'en faire autant !
« Tesla désactive le pilotage automatique jusqu'à la fin du trajet s'il considère que vous ne laissez pas suffisamment les mains sur le volant »
La version logicielle 9.0 ne se contente pas d'amuser les foules. Elle gère également l'Autopilot, qui reste l'un des principaux arguments de vente de Tesla. Avec les années, celui-ci a progressé, notamment sur le plan de la sécurité : son activation est désormais clairement visible à l'écran alors que la confusion était encore possible auparavant. Tesla a même poussé loin la limitation de son système puisqu'il désactive le pilotage automatique jusqu'à la fin du trajet s'il considère que vous ne laissez pas suffisamment les mains sur le volant. Une « sanction » d'autant plus sévère que le « contrôle » des mains n'est pas réalisé par une caméra mais par une légère contrainte qu'il faut constamment exercer sur le volant. Et attention à bien la doser : si elle est trop forte, l'Autopilot se désactive également.
En revanche, en matière de guidage, le système apparaît tout simplement comme le meilleur du marché, tant par sa réactivité que sa pertinence. Il est vrai qu'avec huit caméras et 12 capteurs ultrasoniques, il ne lésine pas sur les moyens. Il est donc possible de laisser la voiture accélérer, tourner et freiner sur l'autoroute mais aussi de lui laisser réaliser les manœuvres de dépassement, simplement en actionnant le clignotant.
« Tesla a su tirer les leçons des différents incidents qui ont émaillé la carrière de l'Autopilot »
Une image au tableau de bord permet de comprendre ce que la voiture « voit » puisque les véhicules environnants et les marquages au sol sont symbolisés. Une aide particulièrement pratique pour anticiper son comportement et d'éventuelles erreurs de jugement, toujours possibles. C'est exactement ce qui est nécessaire au conducteur pour réaliser sans stress sa nouvelle mission : superviser le bon fonctionnement de la machine. On comprend ici que Tesla a su tirer les leçons des différents incidents qui ont émaillé la carrière de l'Autopilot depuis le lancement de la Model S.
La navigation est quant à elle assurée par Google Maps, qui déploie sa cartographie photoréaliste sur l'écran. Si le système se révèle efficace, il existe mieux aujourd'hui avec Waze, disponible désormais sur n'importe quelle voiture dotée d'Android Auto. Cette dernière application apparaît à la fois plus efficace grâce à son info trafic plus performante et son guidage adapté en temps réel, sans parler du signalement des radars. La version de Google Maps utilisée par Tesla étant conçue pour indiquer les points de recharge et adapter la navigation en fonction de l'autonomie restante, on comprend que le passage à Waze ne soit pas immédiat, si tant est qu'il soit possible. Enfin, notons que le Model X est équipé d'un système de saisie vocale plutôt très efficace.
Des performances impressionnantes
Malgré ses talents robotiques, le Tesla Model X reste une automobile. Avec deux moteurs situés sur chacun des trains roulants, il s'agit donc d'un véhicule à transmission intégrale.« le passage de 0 à 100 km/h réalisé en moins de 5 secondes traduit bien ses étonnantes capacités »
Depuis peu, Tesla ne communique plus sur sa puissance mais, aux dernières nouvelles, développe toujours aux alentours de 310 kW soit l'équivalent de 422 ch. Comme toujours, s'agissant d'un véhicule électrique, c'est cependant la valeur de couple (que l'on peut définir par la force instantanée produite par le moteur) qui impressionne, avec 658 Nm. À titre de comparaison, une Renault Clio 1.2 TCe 120 ch ne dispose que de 205 Nm. C'est bien cette dernière valeur qui permet au Model X de réaliser immédiatement des accélérations impressionnantes.
Lorsque l'on accélère depuis 0 km/h, l'impression fugace est celle d'un vaisseau spatial satellisé sur la route. Le passage de 0 à 100 km/h, réalisé en moins de 5 secondes, traduit bien ses étonnantes capacités, qui ne s'effondrent pas sur autoroute comme d'autres véhicules électriques. Si on apprécie de réaliser des records de départ au feu rouge, on se rend bien vite compte qu'il ne s'agit pas là d'une manière rationnelle d'utiliser l'engin : l'autonomie s'effondre en effet rapidement, ce qui incite bien vite à rouler tout doux en utilisant un très petit pourcentage des capacités de l'auto.
« les mouvements de caisse sont très présents sur les routes bosselées »
Le Tesla est équipé en série d'une suspension pneumatique qui a fort à faire pour amortir ses 2,45 tonnes. Pas question d'en attendre la même efficacité que sur le Tesla Model S, plus basse et plus légère. Les mouvements de caisse sont très présents sur les routes bosselées. Néanmoins, le niveau de confort apparaît correct tout comme la motricité et la précision en courbe. On peut considérer cependant que le Model X ne mène plus la danse en la matière : les derniers BMW X5 et Mercedes GLE ont repris l'avantage.
L'épineuse question de la recharge
Évidemment, quand on parle voiture électrique, les premières interrogations concernent l'autonomie et la recharge. Jusqu'à l'année prochaine, Tesla raisonne toujours en chiffres NEDC (beaucoup plus optimiste que la nouvelle norme WLTP) et annonce 565 km de rayon d'action. Un chiffre difficile à réaliser à moins de rouler à basse vitesse pendant tout le trajet. Pour notre part, nous avons quasiment vidé la batterie et réalisé un total de 336 km, en alternant routes de campagne à 80 km/h et voies rapides à 110 km/h. Compte tenu de la masse de l'engin et de la météo de l'essai avec des températures aux alentours de 2 °C (le froid altérant les performances des batteries), le chiffre apparaît plutôt très honorable.« il convient de bien préparer son voyage avant le départ et de s'assurer qu'il existe une station de recharge sur le trajet »
Pour autant, il ne suffit pas à se défaire complètement de l'angoisse de la panne électrique. Certes, Tesla propose un réseau de Supercharger efficace, qui permet de recharger à 80 % en moins d'une heure, si toutes les conditions sont réunies. Reste qu'il convient de bien préparer son voyage avant le départ et de s'assurer qu'il existe une station sur le trajet. Difficile ainsi d'en trouver pour l'instant dans certaines zones de l'ouest de la France, mais cette situation n'est que temporaire : celles de Sées et de Chartres seront ouvertes dans le courant de l'année.
« L'utilisation d'une voiture électrique pour de longs trajets n'est pas toujours la promenade de santé que le constructeur annonce »
Certes, il est possible de brancher la Tesla sur des bornes publiques ; mais la fiabilité de celles-ci n'est pas assurée : nous en avons fait l'expérience à Mortagne-au-Perche dans l'Orne, qui compte plusieurs bornes accessibles avec une simple carte de crédit. Celle que nous avons tenté d'utiliser à deux reprises ne possédait pas de prise du type 2 compatible Tesla, comme annoncé sur Internet, et la prise secteur ne fonctionnait tout simplement pas. Nous avons fini par recharger notre Model X quelques heures sur une prise domestique privée, qui demande plus de 48 heures pour réaliser une charge complète. Bien entendu, il n'est pas question d'incriminer Tesla sur cette question d'autant que le constructeur est le seul à proposer un réseau de recharges aussi étendu et efficace. Mais notre expérience illustre que l'utilisation d'une voiture électrique pour de longs trajets n'est pas toujours la promenade de santé que le constructeur annonce.
Bilan : faut-il acheter le Model X ?
Si Tesla présente son Model X comme une solution « responsable » vis-à-vis des plus gros SUV du marché, il faut bien reconnaître qu'il s'agit avant tout d'un véhicule hors norme, qui s'achète par anticonformisme et goût des nouvelles technologies.« un véhicule hors-normes qui s'achète par anticonformisme et goût des nouvelles technologies »
Sur le plan strictement automobile, l'engin impose en effet des contraintes d'utilisation importantes liées à sa taille et à son mode de propulsion. Avec son format plus modeste et ses caractéristiques plus adaptées à la propulsion électrique, la Model 3, dont nous allons très prochainement publier notre test, devrait correspondre beaucoup mieux aux aspirations de la clientèle européenne. Ceux qui persistent à vouloir rouler en SUV électrique peuvent également attendre l'arrivée du futur Model Y en 2020, qui adoptera lui aussi des dimensions compactes. Le Model X lui aura au moins ouvert la voie !
Fiche technique Tesla Model X 100D
Dimensions L x l x h (en m) | 5,04 x 2,07 x 1,68 |
Empattement | 2,96 |
Volume de coffre arrière | 357 |
Volume de coffre avant | 187 |
Poids à vide | 2 487 kg |
Nombre de places | De 5 à 7 selon config. |
Moteur | Deux moteurs électriques asynchrones |
Puissance | 310 kW ou 422 ch |
Batterie | 100 kWh |
Direction | Électrique à crémaillère |
Suspension avant | Double triangulation pneumatique |
Suspension arrière | Multibras pneumatique |
0 à 100 km/h | 4,9 secondes |
Vitesse maximale | 250 km/h |
Autonomie NEDC | 575 km |
Recharge à 100% | 50h sur prise domestique |
Prix et équipement
Prix Tesla Model X 100D : 110 900€Bonus écologique : 6 000€
Equipement | Série | Options |
Peinture métallisée | - | De 1 600€ à 2 600€ |
Caméra de recul | - | 575 euros |
Sellerie mixte | - | 1 275 euros |
Sellerie cuir | - | 2 350 euros |
Jantes | 19 pouces 5 branches alu. | |
Entrée et démarrage sans clé | Oui | |
Connectivité 4G | Oui | |
Navigation | Oui | |
Connectivité | Oui pendant 1 an | |
Phares à LED | Oui | Projecteur matrix LED (1 750 euros) |
Sièges chauffants | - | 450 euros pour l'avant, 900 euros pour l'arrière |
Rétroviseurs caméra | - | 1 850 euros |
Toit panoramique | - | 1 800 euros |