Commençons par un gadget idiot, mais qui devrait se vendre si l'on en juge par la réaction de jeunes japonaises le découvrant. Il s'agit d'un cube avec un écran à cristaux liquides (LCD) monochrome, qui, à première vue ressemble à une sorte de "Tamagochi", en un peu plus gros. Le rapprochement coule de source car tout comme lesdits Tamagochi, l'objet est signé Bandaï. Sur son écran s'agite un animal virtuel, un petit personnage ou autre figurine. Sur le côté du cube, un orifice. On y glisse son index et l'image de ce dernier apparaît alors sur l'écran pour titiller la bêbette. Voilà, c'est tout. C'est crétin, mais ça marche. "Nihon rashii" (typiquement japonais) s'exclame une japonaise, stagiaire dans l'entreprise de l'auteur, la vingtaine d'années. Elle trouve ce gadget amusant et cela ne surprend pas Bandaï puisque la babiole en question est précisément destinée à cette cible dépensière. Mais non, ce n'est pas totalement inutile précise Bandaï, puisque le "tsutsukibako" fait aussi office de pendule.
Auprès de la cible masculine plus âgée, 30-60 ans, Bandaï fait aussi un carton depuis plusieurs années avec les Little Jammers. Il s'agit grosso modo de petites maquettes de musiciens formant un groupe de Jazz. Ils miment les mouvements de vrais instrumentistes de façon synchrone, au son des grands standards du jazz vendus sur des CD spéciaux à glisser dans la mini-chaîne Kenwood associée. Certains bars qui n'ont ni la place ni les moyens de se payer un trio ou un quintette ont posé les Little Jammers sur le comptoir et les clients sont ravis.
Une version un peu différente et plus high-tech, Live Dream, signée Sega Toys a fait récemment son apparition dans les rayons. Cette fois, l'arrangement musical varie en fonction des instruments posés sur la mini-scène et de leur emplacement. Ils sont reconnus grâce à une étiquette électronique (RFID) servant d'identifiant, un petit plus technologique ou argument de vente qui sonne toujours bien aux oreilles de la "dankai no seidai". Cette génération du baby-boom est peuplée de techniciens, ingénieurs, chercheurs et ouvriers qui ont participé au redressement du Japon après-guerre en innovant, essentiellement dans le secteur de l'électronique, des télécommunications, de l'automobile ou de diverses autres industries. Pour l'anecdote, le jeune concepteur de ce produit a songé à l'utilisation de puces sans contact en passant chaque jour les portillons de métros avec sa carte RFID (Suica ou Pasmo), un sésame que possèdent plus de 33 millions d'habitants des conurbations de Tokyo et Sendai, c'est-à-dire presque tout le monde.
Puisqu'on parle musique, poursuivons avec la dernière trouvaille en date des gérants de salles de "karaoke", un loisir de masse et un business énorme au Japon, toutes générations confondues, depuis près de six décennies.
La firme spécialisée, Daiichikosho, qui exploite la populaire chaîne de véritables buildings de "karaoke box" Big Echo, a lancé un nouveau service qui mixe karaoke et internet. Daiichikosho offre désormais la possibilité d'enregistrer ses performances vocales avec l'équipement de chaque salon privé, la Dam Station, et de poster les morceaux sur un site communautaire accessible par les amis depuis un téléphone portable ou un ordinateur.
Dans le même registre "revivre une expérience en différé et la faire partager aux autres grâce aux progrès technologiques", on a encore rien vu. A l'avenir, il sera possible de regarder ses rêves à la télévision, promet une équipe du laboratoire de neurologie japonais ATR, dirigée par Yukiyasu Kamitani. Ce dernier dit avoir réussi "pour la première fois au monde à recréer tel quel, en images, le contenu de complexes perceptions cérébrales". "Si nous arrivons un jour à mettre en images les signaux qui traversent nos neurones, nous pourrons peut-être regarder sur un écran nos rêves et autres pensées comme des films ou émissions de TV", assure l'équipe, forte de ses premiers résultats.
Ses travaux ont consisté à faire observer une forme (lettre de l'alphabet) à un individu et à la reconstituer ensuite sur un écran, simplement en analysant au passage l'activité cérébrale du sujet. Les chercheurs ont pour cela intercepté des signaux électriques émanant de l'oeil et sont parvenus à vérifier la concordance de la forme observée et de celle reproduite. Selon eux, leur procédé devrait aussi permettre le développement de nouveaux modes d'interaction entre l'homme et les machines, en établissant un ensemble de relations entre une combinaison de mouvements et un motif de signaux cérébraux. La technique employée pourrait également donner la possibilité à des architectes, à des concepteurs d'objets ou autres créateurs de montrer directement ce qu'ils ont en tête, même s'ils ne trouvent pas les mots pour le dire ou ne savent pas le dessiner.
Pour aboutir à ce dispositif de conversion de signaux cérébraux en images, inverse de celui qui s'effectue entre l'oeil et le cerveau, l'équipe Kamitani a développé une sorte de décodeur des variations cérébrales, via l'association d'un type de signal et d'une forme basique connue. Ils ont ensuite combiné plusieurs couples signal-forme pour recréer des images complexes. Pour le moment, le système est très limité et ne permet pas de reproduire toutes les perceptions. Il exige en outre de dresser d'abord un tableau de correspondances entre formes et signaux basiques pour chaque individu. Cependant, les chercheurs estiment avoir construit une méthode d'analyse qui ouvre la voie à diverses applications relevant jusqu'à présent du fantasme.
Plus terre à terre est en revanche la nouvelle expérimentation lancée cette semaine par la compagnie de chemin de fer japonaise JR Est, qui exploite des centaines de gares et lignes dans la région de Tokyo. Elle expérimente depuis mercredi 10 décembre un dispositif qui utilise les pas des usagers pour générer de l'électricité. JR a disposé au sol des dalles de 40 centimètres de côté qui intègrent des capteurs, sur une surface de 25 mètres carrés, devant et entre les portiques d'accès aux quais d'une des entrées/sorties de la gigantesque gare centrale de Tokyo (Tokyo Eki). Sans y prêter attention, les usagers piétinent ces tapis électrogènes sensibles, créant ainsi un courant par la conversion en électricité de la force exercée par leurs pas pressés.
Selon JR, le courant généré en une journée par ce dispositif permet potentiellement d'alimenter un éclairage à LED (diode) d'une puissance de 40 Watts pendant 17 heures. Le seul accès équipé à titre expérimental voit transiter "en moyenne 70.000 à 80.000 personnes par jour", selon un porte-parole, soit 10% des 800.000 voyageurs qui fréquentent quotidiennement la Tokyo Eki, une des dizaines de grandes gares de la mégapole et pas la plus encombrée (Shinjuku voit passer deux fois plus de monde). Cette expérimentation est la troisième du genre conduite in situ par JR, la compagnie améliorant le système pas à pas. "Cette fois, le test durera deux mois et la technologie employée permet de générer dix fois plus d'électricité à force égale que lors de la précédente expérience grandeur nature en 2007", assure JR.
L'objectif est bel et bien d'exploiter à terme cette nouvelle source d'énergie propre pour alimenter par exemple les portillons de lecture de cartes sans contact et tickets magnétiques présents à toutes les entrées et sorties des gares et métros. "C'est une excellente idée", s'exclame une passante surprise que JR ne fasse que très discrètement mention de son initiative sur un tableau affichant la puissance générée. "C'est une piste intéressante du point de vue environnemental et pour économiser l'énergie", acquiesce un autre usager. Le préposé de JR, toujours en faction près des portillons, est quant à lui fier, mais la compagnie souligne qu'elle n'est pas encore prête à installer définitivement ce système encore trop coûteux et dont le rendement reste insuffisant.