DZ - Numilog, créée en 1999 par deux co-fondateurs et moi-même, a bénéficié de l'appui financier de business angels au début de l'année 2000. L'idée initiale est venue d'une part du constat de la numérisation déjà en marche dans plusieurs domaines de l'édition traditionnelle, notamment les articles de revues scientifiques et les encyclopédies, d'autre part de l'anticipation du vecteur extraordinaire que pourrait représenter Internet et les appareils électroniques mobiles pour la diffusion de ces contenus numériques. Le projet était donc de créer une vaste librairie en ligne de livres numériques (ou « e-books») avec des livres récents aussi plaisants à lire que leur version papier, mais proposant des fonctionnalités supplémentaires (recherche plein texte, navigation hyper-textuelle, vente au chapitre.). Depuis deux ans, Numilog s'est affirmé comme le principal site français pour la vente de « e-books » aux formats standards, tels que le PDF d'Adobe et le LIT de Microsoft, qui permettent de lire des livres sur ordinateur ou sur agenda électronique Pocket PC. Des titres au format PRC de Mobipocket lisibles sur Palm Pilot ont également commencé à être ajoutés. Notre catalogue comporte aujourd'hui environ 2500 titres en français et en anglais, avec un objectif de 3000 pour la fin 2002. Les titres récents en français sont proposés grâce à des droits concédés par un réseau de près de 40 éditeurs partenaires.
JB - Plutôt dynamique aux USA, le marché du eBook semble encore balbutiant en France. Disposez-vous de données sur ce marché ? (CA, croissance,etc...)
DZ - En effet, le marché des e-books est dynamique aux Etats-Unis, ce qui confirme leur avance sur l'Europe dans l'adoption des innovations technologiques. Palm Digital Media affirme par exemple avoir vendu 180.000 e-books en 2001, soit 40% de plus qu'en 2000. L'éditeur Simon & Schuster annonce une croissance à deux chiffres de ses ventes d'e-books entre début 2001 et début 2002. Le marché français est certainement moins dynamique pour le moment, mais progresse également. Nous ne disposons bien sur pas encore de données sectorielles globales. En ce qui concerne Numilog, je peux au moins vous donner cette indication encourageante : nous avons vendu pendant le seul 1° Semestre 2002 autant de e-books que dans les 18 mois précédents. Au total, je reprendrais à mon compte la déclaration récente de Nicholas Bogaty, Directeur Exécutif du Forum Open eBook : "The initial hype that surrounders the early days of eBooks has overshadowed the steady growth of a burgeoning industry".
Par ailleurs, les e-books présentent des perspectives de débouchés importants sur des marchés plus professionnels : les bibliothèques, les entreprises, les organismes de formation, les universités... sont intéressés par leurs avantages logistiques comme l'accès à distance par une large collectivité ou le prêt virtuel, par leurs fonctionnalités de lecture, par leurs possibilités de personnalisation (découpe au chapitre, logo de l'entreprise.), et bien sûr par les économies budgétaires (certains livres d'informatique récents sont vendus avec 50% de réduction !). Là encore les Etats-Unis ont de l'avance, notamment pour le marché des bibliothèques, mais la France devrait très prochainement s'y mettre. Numilog possède un catalogue de livres professionnels et a développé un module de « bibliothèque virtuelle » adapté à ce marché.
JB - Ne craignez vous pas l'arrivée des grands des biens culturels (Fnac, Alapage, Amazon) sur ce marché ?
DZ - Pour le moment, leurs initiatives en ce domaine sont bien modestes (voire inexistante en ce qui concerne Amazon.fr), comparativement à l'offre présentée sur le site de Numilog. Toutefois, le catalogue de Numilog pourrait avoir à terme vocation a être redistribué par les grandes librairies que vous citez, mais aussi par les portails généralistes, comme , AOL, ou MSN. Sur le marché grand public, notre rôle à terme serait alors plutôt celui d'un diffuseur ou d'un agrégateur de contenus, mettant en relation les éditeurs et les détaillants. Un exemple aux Etats-Unis est donné par les catalogues de sociétés comme Overdrive ou Lightning Source, où viennent se fournir non seulement les grandes librairies (Barnes&Nobble, Amazon), mais aussi un fourmillement de dizaines de librairies de e-books ou de sites thématiques désirant ajouter des e-books à leur contenu en ligne.
JB - Il existe de nombreux formats : Adobe Acrobat, Open eBook, MS Reader,Palm Reader, Mobipocket, etc.... Selon vous, lequel devrait s'imposer ?
DZ - Bien sûr, je souhaiterais que les formats ne se multiplient pas afin de faciliter l'accès aux e-books pour les lecteurs et leur compatibilité avec toutes les plate-formes de lecture existantes. C'est la condition du décollage d'un marché de masse et c'est le projet du consortium qui a crée le format « Open ebook ». Toutefois, le format Open eBook n'est pas aujourd'hui un format standard de lecture électronique pour les utilisateurs, c'est un format utilisé seulement par les éditeurs et concepteurs de e-books. Chaque logiciel de lecture du marché (Microsoft Reader, Palm Reader, MobiPocket Reader, ou Gemstar eBook Reader) requiert un format spécifique qui ajoute des spécifications complémentaires à l'Open eBook, si bien qu'un livre au format LIT (pour Microsoft Reader) ne peut pas être lu avec Palm Reader. Quant à Adobe Acrobat Reader, il permet de lire les e-books au format très répandu Adobe PDF qui est totalement indépendant de Open eBook. A cela s'ajoute des systèmes de protection des droits d'auteur propres à chaque "Reader". Le scénario qui semble se dessiner pour les prochains 12 à 18 mois, c'est une répartition du marché entre trois formats adaptés à trois segments d'appareils : Adobe PDF pour les ordinateurs, Microsoft LIT pour les Pocket PC et un format pour les Palm (Palm PDB ou Mobipocket PRC).
JB - Le eBook peut-il être téléchargé "par les airs", au même titre qu'une sonnerie de téléphone ou qu'un jeu java ? Ce marché pourrait intéresser les opérateurs cellulaires...
DZ - Pas encore, bien que des sociétés comme Phone Reader développent un projet de catalogue d'e-books pour le réseau GPRS. Le point clé est d'avoir à la fois un système de "téléconsultation" efficace et rapide (donc à haut débit), un système de gestion des droits d'auteur rassurant pour les éditeurs, et un système de lecture confortable pour les lecteurs. Ce triangle magique n'est , selon moi, encore réuni par personne. Mais plusieurs sociétés spécialisées dans la lecture numérique y travaillent. J'espère que d'ici la fin 2003, nous verrons les premiers e-books téléconsultables via GPRS ou iMode sur Pocket PC ou Palm aux formats Microsoft Reader, Palm Reader, ou Mobipocket.
JB - Sur MSN.com, Microsoft propose une version de son magazine Slate en eBook. Pensez-vous que des webzines pourraient opter pour ces formats pour diffuser leurs contenus ?
DZ - Oui, bien sûr. Les livres ne sont pas le seul horizon de l'e-document. Les revues (vendues par article comme nous le faisons déjà pour « Le Débat » avec les Editions Gallimard (
JB - Que pensez vous de l'aventure Cytale ? Trop ambitieux ? Trop tôt ?
DZ - Non, plutôt trop tard...et bien sûr aussi trop cher pour les services offerts : un lecteur dédié qui ne fait "que" lire 30 e-books, c'est insuffisant pour convaincre les utilisateurs à une époque où un PDA bien plus léger permet d'en emporter plus de 100 dans la poche tout en servant d'agenda, de tableur, de traitement de texte, de support de lecture audio et vidéo.et pour certains déjà de téléphone. La taille de l'écran, seul avantage compétitif de ce type de lecteur dédié pour certains lecteurs et pour certains livres, n'en sera même plus un dans quelques semaines avec la sortie des PC Tablets.
JB - Souhaitez vous ajouter quelque chose ?
DZ - J'invite bien sûr tous les curieux ou les passionnés de e-books à venir les découvrir sur le site www.numilog.com ! Les heureux possesseurs de PDA devraient en particulier essayer la lecture d'un roman sur l'écran de leur machine préférée, qui peut leur procurer un authentique plaisir de lecture, réconciliant culture et technologie.à l'heure où le succès des sonneries téléchargeables que vous évoquiez précédemment et autres jeux ultra-simplifiés pour téléphones mobiles confortent plutôt ceux qui s'inquiètent de la dégradation de l'une par l'autre. Enfin, j'invite les visiteurs de votre site qui veulent en savoir plus sur le sujet des e-books à découvrir courant septembre sur le site de Numilog la version numérique de l'excellent livre de Marie Lebert, "Le Livre 010101" , qui fait un point très complet sur l'historique et les développements actuels des livres numériques dans le monde.
JB - Monsieur ZWIRN, je vous remercie.