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Les mondes virtuels de Minecraft et Roblox sont désormais touchés par la guerre de l'information qui sévit dans le contexte du conflit entre le Hamas et Israël.

Georges Friedman écrivait dans son ouvrage The Next 100 Years: A Forecast for the 21st Century, édité en 2009 : « Les conflits locaux du XXIème siècle auront des implications mondiales, car la mondialisation a tissé un réseau dense de liens politiques, économiques et sécuritaires entre les nations ». En revanche, il n'imaginait certainement pas les proportions que son propos visionnaire pourrait prendre. On sait à quel point les réseaux sociaux peuvent jouer un rôle prépondérant dans le récit de guerre, mais pour ce qui est du jeu vidéo, la certitude est moindre. Pourtant, dans le cadre du conflit entre le Hamas et Israël, les jeux Minecraft et Roblox (déjà dans le collimateur de la justice en raison de pratiques plus que douteuses de son éditeur) deviennent de nouveaux vecteurs de propagande et d'influence.

Des canaux de propagande insoupçonnés

Un triste constat, très bien expliqué par Mustafa Ayad, chef du bureau Moyen-Orient de l'Institute for Strategic Dialog : « Minecraft a été utilisé par les partisans de Wagner pour créer des répliques des images diffusées par le Hamas ». Un phénomène loin d'être inédit, puisqu'il avait déjà été observé en 2016 lors de l'expansion de l'État Islamique. Depuis le 7 octobre (date de l'opération Déluge d'al-Aqsa menée par le Hamas contre Israël), ce genre de pratique s'est intensifié.

Minecraft et Roblox jouent un rôle très important dans l'opinion du jeune public, malgré leur aspect pixelisé. Leur succès est immense et s'étend au-delà des frontières de leurs matrices ludiques. Sur YouTube, le nombre de vidéos ayant rapport avec Minecraft a dépassé le trillion de vues en 2021. Même si Roblox ne peut pas prétendre à de telles statistiques, deux vidéos montrant des rassemblements virtuels pro-palestiniens ont été vues plus de 4 millions de fois sur TikTok. À savoir que la moitié des joueurs de Roblox est âgée de treize ans ou moins.

D'autres joueurs de Roblox se prennent également pour des soldats virtuels, comme on peut le voir sur une vidéo partagée le 21 novembre sur le même réseau social. Un individu se filmait, combattant virtuellement les forces israéliennes, avec le logo du Hamas en fond. En description : « la bataille ne s’arrêtera pas tant que la Palestine n’aura pas été libérée ». Même si un diclaimer suivait expliquant que tout ceci n'était qu'un jeu, la tendance soulève sérieusement la question de l'influence de ce genre de contenus sur une jeune audience.

 Exemple de ce que l'on peut trouver sur le jeu Minecraft. Le Merkava est une série de chars de combat israéliens  ©  Capture d'écran / Mustafa Ayad sur X.com
Exemple de ce que l'on peut trouver sur le jeu Minecraft. Le Merkava est une série de chars de combat israéliens © Capture d'écran / Mustafa Ayad sur X.com

Enjeux éducatifs et responsabilité des plateformes

Que font alors les éditeurs des jeux en question ? Un responsable de Roblox a été contacté par Le Figaro concernant cette problématique. Celui-ci, loin de répondre précisément, a botté en touche : « nos normes communautaires contiennent des politiques spécifiques qui interdisent certaines images, certains contenus et certaines communications d'utilisateurs en rapport avec des événements du monde réel ».

Traduction : afficher son soutien à telle nation ou organisation, quelle qu'elle soit, est autorisé. Les contenus incitant à la haine ou faisant la promotion de la violence sont supprimés automatiquement ou à l'aide de modérateurs en chair et en os. En revanche, une fois que ces contenus sont partagés sur les réseaux sociaux, la responsabilité de l'éditeur ne peut plus être mise en cause.

Voir les conflits s'internationaliser sur les réseaux sociaux était déjà inquiétant. Voir que le phénomène s'accroit et déborde désormais sur les univers ludiques, encore plus lorsque ceux-ci sont fréquentés principalement pas des enfants est franchement alarmant. La guerre d'information ne se contente plus de la simple information, mais s'attèle désormais à flouter les frontières entre le virtuel et la réalité.

Source : X.com, Le Figaro