Amazon Web Services (AWS) collecte un nombre incalculable de données sur les monoplaces de F1, se mettant au service des pilotes, des écuries, mais aussi des spectateurs, qui font aujourd'hui vivre une Formule 1 de plus en plus poussée vers le divertissement.
Au cours des dernières années, la Formule 1 a connu une transformation spectaculaire grâce à l'explosion du nombre de capteurs sur les voitures, passant de quelques dizaines à plusieurs centaines. Cette profusion de données a révolutionné la manière dont les équipes comprennent et optimisent les performances des monoplaces. Des millions de simulations par tour, un impact sur la stratégie et des initiatives innovantes entre AWS et la F1, voyons comment la donnée change et changera la donne en course, mais aussi dans les tribunes et derrière l'écran de télévision.
Direction Las Vegas et l'AWS re:Invent, où nous avons pu discuter de ces évolutions avec Rob Smedley, ancien ingénieur technique en chef en Formule 1, aujourd'hui consultant technique de luxe auprès d'Amazon Web Services.
Les équipes de F1 exploitent plus et mieux que jamais les données qu'on leur fournit
Il y a quelques années, on ne comptait que 10 à 20 capteurs au maximum sur une F1. Aujourd'hui, les monoplaces en comptent 300 chacune. Certaines peuvent même monter jusqu'à 600 capteurs, selon les circonstances. « On génère des milliers et des milliers de données à chaque milliseconde, et on exécute des dizaines de millions de simulations sur chaque tour, pour essayer d'optimiser le véhicule et son efficacité. C'est juste totalement surréaliste quand on compare avec ce que nous faisions dans les années 90 », explique Rob Smedley.
« Les équipes assimilent et comprennent mieux comment générer de la performance avec une Formule 1. Détenir ces données, ce niveau d'analyse de la data, cela vous donne une compréhension très détaillée des voitures, des équipes, des pilotes et de la course », ajoute celui qui fut notamment l'ingénieur de course de Felipe Massa (2006-2013) chez Ferrari.
Nous évoquions la course, et pour cause. La fiabilité a augmenté, mais celle-ci est grandement nourrie par la donnée. « 9 fois sur 10, si une voiture s'arrête, c'est soit parce que le pilote a commis une erreur, soit parce qu'il y a eu une collision », le fameux incident de course qui permet parfois d'éviter les pénalités. « Nous avons une F1 beaucoup plus professionnelle et fiable maintenant qu'auparavant, avec plus de voitures qui terminent la course, ce qui est mieux pour le spectacle, et au final pour les fans. Plus il y a de monoplaces, plus il y a de combat sur la piste. Et la data a été un aspect clé de cette réussite, je pense ».
Pour les fans, le rêve d'une F1 « matricielle »
L'incursion d'Amazon Web Services dans la F1 aide les équipes, mais elle est aussi un précieux levier de divertissement, que les propriétaires américains (Liberty Media) du plus célèbre des sports mécaniques chérissent tant. Depuis le début du partenariat, « AWS récupère des petites parties des infinies données générées pour renforcer l'expérience des spectateurs de la Formule 1 », explique Rob Smedley. On retrouve d'ailleurs quelques-uns des bénéfices dans l'abonnement payant à Formula 1, destiné à se développer dans les années à venir, bien aidé par la data.
L'ancien directeur des systèmes de données de Formula One Group (2019-2022) veut aller encore plus loin dans les informations rendues accessibles aux fans. « Nous devons leur permettre d'accéder de plus en plus aux coulisses de la course, par exemple par la data ». C'est ce que fait déjà la F1 avec les Insights, qui offrent aux spectateurs et aux diffuseurs une vision de l'impact des décisions des pilotes et de leurs équipes sur une course, que ce soit sur les dépassements, les arrêts aux stands, la gestion des pneus et autres. Plusieurs autres initiatives nées du partenariat entre AWS et Formula One, comme Watch Party et AWS GameDay : F1 League permettent aussi de développer tout un écosystème immersif autour de la Formule 1.
AWS veut passer au niveau supérieur maintenant, que ce soit à l'aide de la réalité virtuelle ou de la réalité augmentée, pour aider à suivre ce qui se passe au niveau de la stratégie de course, pour ne pas se "contenter" de voir des voitures tourner en rond , mais pour mieux comprendre à son tour le grand prix. « Et peut-être ainsi le faire à l'aide d'un second ou même d'un troisième écran, pour que le spectateur puisse organiser sa propre expérience de données », nous dit Rob Smedley.
L'ingénieur est convaincu du potentiel de la réalité augmentée dans la Formule 1. « J'adore l'idée de pouvoir imaginer une F1 "matricielle", façon Matrix où je peux mettre mes lunettes et leur demander de m'afficher telles ou telles données sur la course. L'idée, c'est de pouvoir le faire aussi bien depuis son canapé que depuis la tribune de course. Pour moi, ce sera le prochain niveau d'utilisation des données, pour un engagement vraiment amusant ».
Les données et la simulation ont aidé les pilotes à Las Vegas
Actualité récente oblige, nous avons discuté avec Rob Smedley du Grand Prix de Las Vegas, remporté le 19 novembre 2023 par un Max Verstappen pas si dominateur, qui a fini par dire qu'il trouvait des qualités à un circuit qu'il avait au départ fustigé. Et justement, on peut légitimement se demander si les données collectées sur les monoplaces ont une influence plus importante sur des courses au circuit urbain (comme à Las Vegas ou à Singapour, en Azerbaïdjan, ou encore à Monaco), par rapport à des tracés plus traditionnels.
« Je pense que si vous remontez 30 ans en arrière, lorsque nous n'avions pas cette capacité et ces données, les pilotes viendraient ici, et même en qualifications et en course, ils seraient probablement encore en train d'apprendre le circuit. Je pense donc que les données sont d'une importance cruciale pour les nouveaux circuits mais aussi pour les circuits en centre-ville, car le pilote peut conduire et avoir une idée de ce à quoi ressemble la voiture, comment elle va potentiellement se comporter », analyse Smedley, qui rappelle que les pilotes avaient déjà parcouru des centaines de tours du circuit en simulateur, leur permettant notamment de mieux appréhender les trajectoires les obligeant à longer certains murs de la boucle. Le spectacle fut plutôt à la hauteur des immenses attentes, malgré les couacs.