Aperçu du stand Microsoft à VivaTech 2024 © Alexandre Boero / Clubic
Aperçu du stand Microsoft à VivaTech 2024 © Alexandre Boero / Clubic

L'Autorité de la concurrence s'inquiète de la concentration du marché de l'intelligence artificielle générative, et de la place grandissante prise par Microsoft, présent sur l'ensemble de la chaîne de valeur.

Les géants du numérique, comme Microsoft et Nvidia, font partie des forces dominantes de l'intelligence artificielle générative, ce qui peut susciter des inquiétudes, en France et en Europe. L'Autorité de la concurrence hexagonale l'explique, ce vendredi 27 juin, dans un avis sur le fonctionnement du secteur, qui met en lumière les risques de concentration entre les mains des grands noms technologiques.

Face aux barrières élevées et aux avantages concurrentiels des acteurs dominants, l'autorité formule des recommandations pour favoriser l'innovation et la compétition dans ce domaine qui a le vent en poupe, et qui irrigue plus que jamais notre société.

Copilot et Bing : l'intégration verticale de Microsoft inquiète les régulateurs

Microsoft, Google, Nvidia, Intel, Salesforce ou encore Amazon bénéficient, du point de vue de l'Autorité de la concurrence, d'un accès privilégié aux intrants (matériaux) essentiels pour développer des modèles d'IA performants. Plus que toutes les autres entreprises du globe en tout cas.

La puissance de calcul, les volumes massifs de données et les talents rares sont devenus aujourd'hui des atouts dont ces mastodontes disposent, ce qui creuse irrémédiablement l'écart avec les acteurs émergents. Cette concentration des ressources stratégiques soulève d'ailleurs aujourd'hui des inquiétudes quant à la capacité d'innovation des nouveaux entrants.

L'Autorité de la concurrence fait le constat d'une intégration verticale et conglomérale des géants du numérique, qui se fait sur toute la chaîne de valeur dans le cas de Microsoft et Alphabet (la maison-mère de Google), quand Apple, Amazon, Meta et Nvidia sont « seulement présents sur certaines couches spécifiques ».

L'agence publique cible notamment l'intégration croissante d'outils d'intelligence artificielle générative propriétaires (ou partenaires, avec OpenAI) par Microsoft dans la fonction Copilot, pour améliorer la fonctionnalité de recherche du moteur Bing et Copilot for Microsoft 365, l'assistant d'IA qui fonctionne avec la suite applicative de la firme à la fenêtre. L'investissement de Microsoft dans OpenAI et celui de Nvidia dans des fournisseurs de services cloud spécialisés dans l'IA, comme Coreweave, « suscitent également des inquiétudes » au sein de l'Autorité de la concurrence.

Les pratiques potentiellement anti-concurrentielles des hyperscalers titillent aussi l'Autorité

L'Autorité veut alerter l'opinion sur les acteurs déjà présents dans le Cloud, passage obligé pour accéder à la puissance de calcul nécessaire à l'entrainement des grandes modèles de langage. L'institution déplore des « pratiques de verrouillage financier et technique » qui à la fois perdurent et s'intensifient. Parmi les obstacles, l'Autorité cite notamment les obstacles à la migration.

Les hyperscalers (ces entreprises qui détiennent d'immenses data centers), comme Microsoft, « proposeraient des solutions propriétaires, comme des services d'apprentissage automatique automatisés, pour les entreprises souhaitant créer ou régler leurs modèles plus facilement », nous dit l'Autorité.

Lorsque le modèle final est créé, les utilisateurs n'auraient alors pas accès à ce modèle directement, mais seulement à la possibilité de l'utiliser ou de déployer à partir de l'infrastructure du fournisseur de services cloud. Une pratique qui verrouillerait l'utilisateur qui devrait tout simplement recréer son modèle d'IA à partir de zéro, s'il venait à changer de fournisseur de services cloud.

Les géants du numérique ont investi dans de nombreux acteurs de l'IA générative © Autorité de la concurrence
Les géants du numérique ont investi dans de nombreux acteurs de l'IA générative © Autorité de la concurrence

Vers une régulation nécessaire et renforcée du secteur de l'IA générative

L'Autorité souhaite mobiliser tous les outils existants du droit de la concurrence. Elle appelle ainsi à la vigilance visant à prévenir les abus de position dominante et encourage notamment la Commission européenne à considérer la désignation des fournisseurs de services d'IA dans le Cloud comme des « contrôleurs d'accès », au sens du Digital Markets Act, pour encadrer leurs pratiques.

Pour tenter d'abaisser les barrières à l'entrée, l'avis préconise de développer l'accès à la puissance de calcul, notamment via les supercalculateurs publics, comme Jean Zay en France. Il recommande également de faciliter l'accès aux données, en incitant les ayants droit à proposer des modèles de licences adaptés et en encourageant l'ouverture des données publiques.

Enfin, face aux risques liés aux prises de participation des géants du numérique dans les start-up d'IA, l'Autorité plaide pour une meilleure transparence. Elle suggère d'étendre les obligations d'information prévues par le DMA aux participations minoritaires dans le secteur, afin de toujours garder un oeil sur la concentration du marché.

Face au risque de voir le secteur de l'IA générative être dominé par une poignée d'acteurs tout-puissants, l'avis de l'Autorité de la concurrence souligne l'urgence d'agir pour préserver un écosystème innovant et concurrentiel. Certes, ce que dit l'institution n'est que facultatif, mais son avis sera très rapidement complété par le règlement européen sur l'IA, l'AI Act, qui devrait être publié au Journal officiel dans le courant de l'été, avant d'être appliqué d'ici 2026 dans sa majeure partie.

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