La guerre en Ukraine et les sanctions internationales contre la Russie ont des répercussions inattendues. Le projet open source Linux vient en effet de retirer une douzaine de contributeurs russes de la liste officielle des maintainers du noyau, suscitant un vif débat au sein de la communauté.

Linux se fâche avec ses petites mains russes © Shutterstock
Linux se fâche avec ses petites mains russes © Shutterstock

Le monde de l'open source se veut souvent en dehors des considérations politiques, prônant la collaboration sans frontières autour de projets technologiques communs. Pourtant, la réalité géopolitique rattrape parfois même les initiatives les plus ouvertes. C'est ce que vient d'illustrer la décision de retirer plusieurs développeurs russes de leur rôle de maintainers du noyau Linux.

Une décision soudaine aux contours flous

C'est Greg Kroah-Hartman, l'un des principaux développeurs du noyau Linux, qui a annoncé la nouvelle la semaine dernière avec un patch retirant une douzaine de noms, pour la plupart russes, de la liste des maintainers. Son explication reste vague, évoquant simplement le respect de « diverses exigences de conformité ».

Les développeurs concernés n'étaient pourtant pas des contributeurs marginaux. Ils supervisaient la maintenance de pilotes matériels importants, pour des équipements de marques comme Acer ou Cirrus Logic. Leur éviction soudaine, sans concertation apparente avec la communauté, a donc suscité incompréhension et critiques de la part de nombreux participants au projet.

Linus Torvalds, le créateur de Linux, est finalement intervenu pour clarifier la situation. Selon lui, cette décision est directement liée aux sanctions internationales contre la Russie à la suite de la guerre en Ukraine. Il souligne qu'il ne s'agit pas uniquement d'une exigence américaine, la fondation Linux gérant le noyau étant installée aux États-Unis, mais d'une problématique plus large.

L'ombre des sanctions internationales

Les développeurs exclus seraient en effet pour la plupart liés à des entreprises ou organisations russes visées par les sanctions économiques, notamment américaines. Leur retrait viserait donc à assurer la conformité du projet Linux avec ce cadre réglementaire de plus en plus contraignant.

Cette décision illustre comment même un projet open source emblématique comme Linux, reposant sur des contributions volontaires et décentralisées du monde entier, peut se retrouver affecté par les tensions géopolitiques. Elle rappelle que dans un monde interconnecté, la technologie n'est jamais totalement imperméable au contexte politique et économique.

Pour autant, les développeurs concernés ne sont pas totalement bannis du projet. Ils peuvent toujours proposer des modifications du code et pourraient théoriquement être réintégrés s'ils fournissent à l'avenir une « documentation suffisante » prouvant qu'ils ne sont pas liés à une entité sanctionnée. Les modalités précises restent cependant à clarifier.

Après NVIDIA, c'est à la Russie que Linus Torvald semble faire un bon gros... © Alto Center
Après NVIDIA, c'est à la Russie que Linus Torvald semble faire un bon gros... © Alto Center

Un débat qui divise la communauté

Au-delà du cas de ces contributeurs russes, c'est le processus de décision qui fait débat au sein de la communauté Linux. Beaucoup s'interrogent sur la légitimité et la transparence d'une telle éviction décidée par un petit cercle, sans consultation large de la communauté.

Certains y voient une entorse aux principes fondamentaux de l'open source, à savoir la libre participation de tous à l'amélioration d'un logiciel dont le code est ouvert. D'autres soulignent la nécessité pour le projet de se conformer au cadre légal, aussi contraignant soit-il, pour assurer sa pérennité.

Une chose est sûre, cet épisode montre que même les projets open source les plus ouverts et collaboratifs ne sont pas à l'abri des soubresauts du monde. À l'heure où les tensions internationales s'invitent jusque dans le code informatique, la communauté du logiciel libre va devoir trouver un difficile équilibre entre ses idéaux et les réalités géopolitiques.

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Source : Ars Technica