La Cour d'appel de Paris a donné raison à Google, qui avait désactivé le compte d'un avocat. Ce dernier avait stocké des images sensibles issues d'un dossier pénal sur Drive. Il n'aurait pas dû.
Les résultats de l'audience du 7 novembre dernier sont tombés. La Cour d'appel de Paris a rendu, le 24 janvier 2025, un arrêt qui vient donner raison à Google dans une affaire l'opposant à un avocat parisien. Le juriste avait été pris au piège de la détection automatisée de fichiers sensibles de Google, qui a fermé son compte.
Le problème, c'est que ces fichiers, qui étaient hébergés sur Google Drive, étaient issus d'un dossier pénal dans lequel l'avocat représentait la défense, autrement dit l'accusé. Voilà qui pose la question fondamentale de l'utilisation des services cloud grand public par les professions réglementées. Mais revenons sur cette affaire.
Google Drive détecte des pièces à conviction sensibles
Tout a commencé en janvier 2021 lorsque Google a détecté, grâce à ses systèmes automatisés, pas moins de 77 images de mineurs à caractère pornographique sur le compte Google Drive d'un avocat parisien. Les fichiers provenaient d'un dossier pénal dans lequel l'avocat intervenait comme conseil de la défense.
La firme américaine a donc immédiatement désactivé le compte de l'utilisateur, le 6 janvier très exactement, en restant en conformité avec ses conditions d'utilisation, nous allons y revenir. L'entreprise a aussi effectué un signalement auprès du National Center for Missing and Exploited Children (NCMEC), une organisation américaine qui aide à retrouver les enfants disparus et à lutter contre leur exploitation. Notons que ce signalement est une obligation outre-Atlantique pour les hébergeurs.
L'avocat a à l'époque rapidement contesté ces actions, en assignant Google en justice, devant le tribunal judiciaire de Paris, les 22 et 25 janvier de la même année. Il réclamait à la firme de Mountain View la bagatelle de 200 000 euros pour son préjudice professionnel, et 100 000 euros au titre de son préjudice personnel,. Il avait mis en avant le fait qu'il était avocat et qu'il détenait ces fichiers de manière légitime.
Les obligations américaines s'imposent aux avocats français
Ne passons par quatre chemins : la cour d'appel de Paris a grosso modo donné tort à l'avocat. Dans l'arrêt, il est précisé que Google n'avait pas à vérifier la légitimité professionnelle des contenus, et qu'une telle vérification pouvait même constituer une violation du secret de l'instruction. Voilà qui évidemment lance le débat sur la conservation des pièces judiciaires et pénales sensibles.
La position des juges semble illustrer un certain vide juridique concernant le stockage en ligne de ces fameuses pièces. Les avocats doivent-ils recourir à des solutions spécialisées (de type Proton ou Infomaniak), plutôt qu'aux services grand public comme Google Drive, Microsoft OneDrive et autres ? La question se pose, à l'heure où la justice numérise tout ou presque.
Les magistrats de la cour d'appel ont aussi confirmé la légalité du signalement de Google au NCMEC. Ils confirment que les obligations légales américaines s'appliquent sans exception, même pour les usages professionnels légitimes. Tout cela révèle néanmoins une certaine complexité de l'application extraterritoriale du droit dans l'univers numérique.
Malgré la victoire, Google a été sanctionnée
La cour d'appel de Paris a toutefois sanctionné Google Ireland, en condamnant la filiale à verser 12 000 euros à l'avocat lésé, pour ne pas avoir communiqué le signalement NCMEC dans les délais impartis par l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 12 janvier 2023.
La morale de l'affaire, donc, et surtout le point jurisprudentiel, est que si les services cloud grand public comme Google Drive offrent des solutions pratiques et accessibles, ils ne sont pas nécessairement adaptés à tous les usages professionnels.
Les conditions d'utilisation standardisées, conçues à la base pour le plus grand nombre, se heurtent, on le voit bien ici, aux exigences spécifiques des professions réglementées.