Une amende record de 600 000 euros infligée au géant américain, forcément insignifiante sur un plan comptable, beaucoup moins sur le plan juridique et moral.
Google vient d’être condamnée en Belgique par l’Autorité de la protection des données (APD) à une amende de 600 000 euros pour non-respect du droit à l’oubli d’un citoyen du pays. L’individu, une personnalité publique dont l’identité exacte n'a pas été dévoilée, avait demandé le retrait de certains résultats le concernant du moteur de recherche. Ceux-ci mentionnent des accointances avec un parti politique, réfutées par l’intéressé, ainsi que des mentions d’une plainte pour harcèlement pourtant jugée illégitime il y a plusieurs années.
Une plainte pour harcèlement vieille de dix ans
L’APD n’a toutefois donné raison au plaignant que dans le second cas. En effet, en ce qui concerne d’éventuels liens avec un parti, la Chambre contentieuse « a estimé que, vu le rôle du plaignant dans la vie publique, le maintien de leur référencement était nécessaire à l’intérêt public et a ainsi donné raison à Google ».
En revanche, au sujet des « pages concernant une plainte à l’encontre du plaignant », elle considère que « la demande de déréférencement est fondée et que Google a fait part d’un manquement grave en la refusant. Vu que les faits n’ont pas été établis, sont anciens, et susceptibles d’avoir de sérieuses répercussions pour le plaignant, les droits et intérêts de la personne concernée doivent prévaloir ».
Un équilibre délicat entre droit à l’oubli et droit à l’information
Dans son jugement, l’APD distingue donc les informations à caractère public relevant du droit à l'information de celles à caractère privé susceptibles de nuire à une personne. Une démarcation pas toujours facile à cerner, comme l’explique Hielke Hijmans, Président de la Chambre Contieuse : « Dans le droit à l’oubli, il faut trouver un juste équilibre entre d’une part, le droit du public à accéder à l’information, et, d’autre part, les droits et intérêts de la personne concernée. Si certains des articles cités par le plaignant peuvent être considérés nécessaires au droit à l’information, les autres, qui relatent des faits de harcèlement non démontrés et vieux d’environ 10 ans, doivent pouvoir tomber dans l’oubli ».
Une amende record
Si pour l’entreprise américaine, ce montant de 600 000 euros est dérisoire, il s’agit néanmoins de la plus lourde amende infligée par l’APD, et de loin. En effet, la précédente était de 50 000 euros et elle concernait le groupe Proximus. Notez que la somme ira non pas au plaignant, mais à l’État.
Pour sa défense, sur la forme, Google Belgium a jugé la plainte infondée, en s’appuyant sur le fait que le traitement des données n’était pas de son ressort mais de celui de Google LLC, la maison-mère située aux États-Unis. Un argument rejeté par l’APD, pour qui les deux structures sont consubstantielles.
Sur le fond, la firme met en avant le droit à l’information ainsi que sa bonne volonté en matière de droit à l’oubli depuis 2014, année de lancement de son formulaire de droit à l'oubli en Europe : « Depuis 2014, nous avons travaillé dur pour implémenter le droit à l'oubli en Europe et pour trouver un équilibre sensé, basé sur des principes, entre le droit des citoyens à l'accès à l'information et le respect de leur vie privée. Nous estimons que cette affaire ne répondait pas aux critères de la Cour européenne de Justice pour justifier le déréférencement de résultats de recherche d’articles journalistiques publiés. Nous pensons qu'il y va de l'intérêt général que l'article en question puisse encore être recherché ». Google a fait appel du jugement.