Microsoft a annoncé tout récemment avoir créé un « nouvel état de la matière » grâce aux particules de Majorana, une découverte qui pourrait accélérer le développement de l'informatique quantique. La communauté scientifique conteste cependant la validité des preuves présentées par l'entreprise.

L'annonce faite par Microsoft relève-t-elle plus de la publicité que de l'avancée technologique de la physique quantique ? - © Microsoft
L'annonce faite par Microsoft relève-t-elle plus de la publicité que de l'avancée technologique de la physique quantique ? - © Microsoft

Microsoft a publié simultanément un billet de blog et un article dans la revue Nature pour annoncer une percée dans le domaine de l'informatique quantique. La firme de Redmond affirme avoir développé une puce contenant huit qubits topologiques basés sur des particules de Majorana. Ces particules permettraient de stocker plus d'informations qu'un bit classique tout en restant plus stables. Cette stabilité contribuerait au développement des ordinateurs quantiques, notamment dans des applications comme la découverte de nouveaux médicaments.

Chetan Nayak, vice-président de Microsoft chargé du matériel quantique et co-auteur de l'étude, estime qu'il existe « 95 % de chances » que leurs mesures indiquent une activité topologique plutôt qu'un artefact expérimental ou une erreur de mesure.

Des preuves scientifiques insuffisantes selon les experts

Les physiciens qui ont examiné l'étude publiée dans Nature sont beaucoup moins enthousiastes que Chetan Nayak. Ils contestent même les conclusions de Microsoft. Jay Sau, physicien théoricien de l'Université du Maryland et consultant occasionnel pour Microsoft, a assisté à la présentation de ces données, à Santa Barbara, de Chetan Nayak, qui a déclaré que les données préliminaires semblaient être une preuve prometteuse d'un qubit topologique, mais sans pour autant partager ces données. « C'est là que nous passons du domaine de la science à celui de la publicité », a-t-il déclaré.

Pour sa part, Stephen Bartlett, directeur du Nano Institute de l'Université de Sydney, rappelle la complexité technique du développement de cette technologie. Les chercheurs soulignent l'absence de preuves concluantes dans l'article scientifique. Jelena Klinovaja, physicienne quantique à l'Université de Bâle, insiste : « Nous ne pouvons pas simplement y croire. Nous sommes des scientifiques, nous devons le voir ».

Des controverses existent depuis longtemps concernant ce type de recherche © Production Perig / Shutterstock
Des controverses existent depuis longtemps concernant ce type de recherche © Production Perig / Shutterstock

Un domaine marqué par des controverses antérieures

La recherche sur les qubits topologiques et les particules de Majorana n'est pas un long fleuve tranquille. Deux articles publiés dans Nature en 2017 et 2018 ont été rétractés. Un troisième article paru dans Science en 2020, impliquant des chercheurs de Microsoft, est en cours d'examen. Vlad Pribiag, physicien des dispositifs quantiques à l'Université du Minnesota, note que d'autres équipes ont échoué à prouver l'existence des qubits topologiques.

Microsoft prévoit tout de même de présenter des résultats supplémentaires lors du prochain sommet de l'American Physical Society à Anaheim en mars 2025. Les scientifiques reconnaissent néanmoins l'intérêt de la méthode de mesure rapide des qubits topologiques présentée dans l'étude.

Source : The Wall Street Journal (accès payant), Microsoft, Nature