En combinant atomes neutres et lasers de pointe, Microsoft et Atom Computing viennent de franchir un pas de géant dans l'informatique quantique. Les deux géants annoncent la commercialisation imminente d'ordinateurs surpuissants ; le résultat de progrès acharnés dans la manipulation de qubits logiques.

 Microsoft envisage de nombreuses applications potentielles pour l'informatique quantique, notamment dans les domaines de la chimie, des matériaux, de l'intelligence artificielle et de la finance. © Framalicious / Shutterstock
Microsoft envisage de nombreuses applications potentielles pour l'informatique quantique, notamment dans les domaines de la chimie, des matériaux, de l'intelligence artificielle et de la finance. © Framalicious / Shutterstock

Après des années de recherche intensive, l'informatique quantique sort progressivement des laboratoires. Lors de la conférence Microsoft Ignite 2024, le géant de Redmond (qui a aussi investi en parallèle dans la recherche sur les fermions de Majorana) et son partenaire Atom Computing ont annoncé avoir réalisé l'enchevêtrement de 24 qubits logiques – l'unité de base de l'informatique quantique.

Pour comprendre l'ampleur de cette réalisation, il faut savoir que les qubits logiques sont créés en combinant plusieurs qubits physiques, ces derniers étant constitués d'atomes neutres ; dénués de charge électrique ; maintenus en lévitation par des faisceaux laser ultra-précis. Cette manipulation d'atomes à l'échelle microscopique permet d'exploiter les principes de la mécanique quantique pour effectuer des calculs d'une complexité inaccessible aux ordinateurs traditionnels.

Quand l'infiniment petit défie les lois de la physique

Le véritable tour de force réalisé par Microsoft et Atom Computing ne se limite pas au seul nombre record de qubits enchevêtrés. Les deux entreprises ont réussi à mettre au point un système capable de gérer les caprices des atomes neutres. En effet, ces particules très instables, connues pour leur tendance à se volatiliser sans crier gare, sont désormais sous étroite surveillance.

Pour résoudre ce problème, les ingénieurs ont développé une solution ingénieuse : dès qu'ils placent les atomes dans le système, une caméra ultrasensible photographie leur position, créant une carte précise de leur emplacement. Pendant le fonctionnement de l'ordinateur, ces mêmes atomes émettent une faible lueur (la luminescence) qui permet de vérifier continuellement s'ils sont toujours à leur place.

Krysta Svore, vice-présidente du développement quantique chez Microsoft Azure Quantum explique : « Nous avons ainsi démontré non seulement la possibilité d'effectuer des calculs avec ces qubits logiques, mais aussi notre capacité à les protéger de manière répétée contre les erreurs. » Cette correction des pertes, une première mondiale, permettra des applications concrètes jusqu'alors inenvisageables.

 Un des ordinateurs quantiques d'IBM exposé au CES de Las Vegas en 2020. © Audio und werbung / Shutterstock
Un des ordinateurs quantiques d'IBM exposé au CES de Las Vegas en 2020. © Audio und werbung / Shutterstock

L'ordinateur quantique sort enfin des laboratoires

Les performances du nouveau système dépassent déjà les capacités de l'informatique classique. L'équipe a notamment réussi à exécuter l'algorithme Bernstein-Vazirani sur 20 qubits logiques, mobilisant 80 qubits physiques. Celui-ci permet de déterminer efficacement une chaîne de bits secrète cachée dans une fonction, en utilisant un seul appel à cette fonction, ce qui est exponentiellement plus rapide que ce que pourrait faire un ordinateur classique.

Conçu dans les années 90, cet algorithme exploite à merveille les propriétés uniques de la superposition et de l'interférence. Un qubit, grâce à la superposition, peut représenter toutes les possibilités simultanément, et l'interférence permet d'isoler la solution recherchée. Imaginez devoir trouver une aiguille dans une botte de foin, aidé par votre PC : alors que votre machine examinerait chaque brin un par un, un ordinateur quantique peut les examiner tous simultanément. Un gain de temps et d'efficacité considérable.

Ben Bloom, PDG d'Atom Computing, ne cache pas ses ambitions : « Notre collaboration avec Microsoft a déjà produit des résultats remarquables. En associant nos qubits à atomes neutres à leur système de virtualisation, nous proposons enfin des qubits logiques fiables sur une machine quantique commerciale ». Les deux entreprises prévoient donc de commercialiser dès l'année prochaine des ordinateurs quantiques intégrant plus de 1 000 qubits physiques, une scalabilité qui laisse entrevoir des applications révolutionnaires en chimie et en science des matériaux. Pour en avoir un dans votre salon, il faudra en revanche patienter un peu.

Source : Tech Crunch