Des ordinateurs quantiques plus stables et performants ? Grâce à des travaux d'une équipe de physiciens sur le comportement inédit des fermions de Majorana de Floquet dans les supraconducteurs, on semble s'en rapprocher doucement.

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Après la superattaque de l'équipe de chercheurs chinois, un nouveau progrès vient s'ajouter à la liste des avancées en informatique quantique. Cette dernière nous promet d'atteindre une puissance de calcul inégalée, largement supérieure à celle de l'informatique classique. Le problème, c'est qu'elle se heurte depuis ses débuts à un obstacle majeur : l'instabilité des qubits, ces bits quantiques ultrasensibles aux perturbations extérieures. Cette équipe internationale de chercheurs vient peut-être de trouver la clé pour surmonter ce défi, en explorant les propriétés singulières des fermions de Majorana dans des conditions bien particulières.

Les fermions de Majorana : clé de voûte de l'informatique quantique stable ?

Au cœur de cette avancée se trouvent les fermions de Majorana, particules subatomiques aux propriétés atypiques. Ces dernières sont des particules théoriques qui ont une particularité très intéressante : elles sont leur propre antiparticule. Cela signifie que, contrairement à d'autres particules (comme par exemple l'électron qui a une antiparticule appelé positron), un fermion de Majorana n'a pas d'équivalent opposé. Découverts dans les années 1930 par le physicien italien Ettore Majorana, ces fermions restent surtout théoriques, bien que certains indices expérimentaux aient été trouvés dans des systèmes de matière condensée (comme les supraconducteurs).

L'équipe, dirigée par Babak Seradjeh, professeur de physique à l'Université de l'Indiana à Bloomington, s'est intéressée à leur comportement dans des supraconducteurs soumis à des stimulations énergétiques cycliques. Cette configuration transforme les fermions de Majorana en fermions de Majorana de Floquet (FMF), dotés d'états distincts influençant le courant électrique de manière unique. Le professeur Seradjeh explique que leurs travaux ont révélé que les FMF ralentissent les oscillations électriques dans certains supraconducteurs, ce qui pourrait fortement renforcer la stabilité des systèmes quantiques.

 Graphiques montrant les oscillations du courant Josephson et la densité d'états des fermions de Majorana de Floquet dans des supraconducteurs. © Indiana University
Graphiques montrant les oscillations du courant Josephson et la densité d'états des fermions de Majorana de Floquet dans des supraconducteurs. © Indiana University

Un nouveau levier pour contrôler l'infiniment petit

L'étude en question a été révisée et acceptée pour publication dans la revue Physical Review Letters a révélé un autre phénomène capital : la possibilité de contrôler la force (ou l'intensité) du courant électrique qui traverse un supraconducteur (appelé courant Josephson) en modifiant un paramètre particulier du matériau, appelé « potentiel chimique ». Ce potentiel est un paramètre qui détermine la quantité d'énergie nécessaire pour ajouter ou retirer une particule (comme un électron) dans le matériau. En ajustant celui-ci, ils peuvent ainsi influencer le comportement des particules à l'intérieur du supraconducteur, ce qui change la façon dont le courant circule. Cette découverte offre aux chercheurs un nouveau levier pour contrôler plus finement ce dernier.

Si ces travaux demeurent encore théoriques, les simulations informatiques en confirment bien la validité. Ils offrent par conséquent aux chercheurs du monde entier une nouvelle feuille de route pour explorer de nouvelles propriétés contrôlables dans les systèmes quantiques. À terme, ces avancées pourraient mener à la conception d'ordinateurs quantiques non seulement plus rapides, mais aussi plus fiables.

La quête du Graal quantique se poursuit sans relâche, avec en ligne de mire des supraconducteurs fonctionnant à température ambiante, soit environ 20-25° C, bien loin des températures proches du zéro absolu (-273,15° C) actuellement nécessaires. Un tel accomplissement bouleverserait complètement notre paysage technologique de A à Z : énergie, électronique, etc.

Sources : Physical Review Letters, Phys Org