Imaginer se fusionner l'apprentissage automatique permis par l'IA et l'informatique quantique, c'est voir deux des domaines scientifiques les plus avancées unir leurs forces. Une promesse de résoudre des problèmes autrefois insolubles, mais également de transformer notre compréhension de la technologie.
Même si l'informatique quantique a réalisé des progrès prometteurs ces dernières années, nous ne sommes pas réellement entrés dans l'ère quantique. Certes, OVH a déjà son propre ordinateur quantique et Google s'empresse de travailler le chiffrement des siens. Nous sommes même conscients des risques en termes de cybersécurité que peuvent représenter ces machines douées d'une puissance de calcul phénoménal. Toutefois, le chemin est (très) encore long avant de pouvoir affirmer que l'informatique quantique fait partie de notre quotidien.
Depuis l'émergence des systèmes d'IA, une nouvelle voie de la recherche s'est ouverte : celle de l'exploration de l'apprentissage automatique quantique. Des acteurs du privé comme IBM et Google sont déjà pleinement investis dedans, ainsi que des start-up comme IonQ ou Rigetti. Le milieu académique lui non plus n'est pas à la traîne : le CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire) mène également ses propres recherches dans le domaine. Quelles sont donc les ambitions de cette convergence technologique ?
L'apprentissage automatique quantique : un game changer ?
Pourquoi envisage-t-on d'introduire l'informatique quantique dans ce domaine précis ? Sofia Vallecorsa, chercheuse au CERN, explique cette perspective : « Notre idée est d'utiliser des ordinateurs quantiques pour accélérer ou améliorer les modèles d'apprentissage automatique classiques ». Toutefois, rien n'est encore joué. Les spécialistes doivent encore établir la preuve fondamentale que l'apprentissage automatique quantique a l'avantage sur son homologue classique.
Nous savons déjà que dans certaines tâches spécialisées, les ordinateurs quantiques sont d'une redoutable efficacité en comparaison avec les ordinateurs classique. Voici une petite liste non exhaustive :
- Recherche dans de grands ensembles de données : l'algorithme de Grover (explication dans la source issue de Microsoft en bas d'article) permet, par exemple, de récupérer des informations très rapidement dans des gigantesques bases de données.
- Cryptographie quantique : utilisation des principes quantiques pour garantir la sécurité des communications.
- Factorisation de grands nombres : un ordinateur quantique permet de factoriser beaucoup plus rapidement que les méthodes classiques.
- Simulation de systèmes quantiques : de la même manière, un ordinateur quantique a une capacité à simuler les interactions quantiques beaucoup plus efficacement qu'un ordinateur classique.
Dans la théorie, les ordinateurs quantiques ont donc un potentiel immense pour accélérer le processus d'apprentissage automatique. Mais celui-ci n'a pas été encore clairement démontré de manière convaincante.
Réalités et limites actuelles
L'application pratique est encore un chemin assez long et parsemé d'obstacles qu'il faudra surmonter. Prenons l'exemple de l'algorithme d'Ewin Tang. Cette étudiante a su démontrer qu'un algorithme classique inspiré pouvait rivaliser avec un algorithme d'apprentissage automatique quantique en termes de rapidité. Ceci est un parfait exemple qui illustre la complexité de réaliser des avancées pratiques, concrètes et constantes dans le domaine quantique. Pour en savoir plus sur cet algorithme, le lien vers le site La Recherche dans les sources s'attarde plus sur le sujet.
Scott Aaronson est chercheur en informatique quantique à l'Université du Texas et supervisait la jeune Tang. Il commente cet aspect précis : « les découvertes de cette dernière ont rendu l'objectif d'une accélération quantique exponentielle pour les problèmes pratiques d'apprentissage automatique encore plus difficile à atteindre qu'auparavant ». Si les opérations effectuées par un ordinateur quantique sont certes beaucoup plus rapides, les premières étapes d'initialisation et de lecture dans les applications quantiques sont bien souvent assez lentes.
Finalement, le temps gagné au niveau du calcul ne serait pas assez important pour que la balance penche positivement. En plus de cela, il faut rajouter à ce constat la nature probabiliste de la physique quantique (les résultats sont des prédictions considérées comme des probabilités et non des certitudes absolues), qui demande généralement que chaque opération soit répétée plusieurs fois. Un aspect à ne pas négliger, qui pourrait jouer dans l'inefficacité globale des calculs appliqués à l'apprentissage automatique.
Vers de nouveaux horizons
Qui dit complexe ne signifie pas impossible. Chez Google, l'expérience de Hsin-Yuan Huang grâce à l'ordinateur Sycamore demeure un exemple très concret de ce potentiel. Ce dernier a été utilisé par Huang et son équipe pour simuler le comportement de matériaux complexes et analyser l'ensemble des données obtenues en employant l'apprentissage automatique quantique. C'est apparemment une réussite, puisqu'ils sont arrivés à la conclusion que cette méthode fonctionnait, et que les informations ont été traitées beaucoup plus rapidement.
C'est une réelle boîte de Pandore qui s'ouvre pour certains domaines, comme l'astronomie ou la physique des particules. Ces analyses sous l'angle de la physique quantique pourraient nous ouvrir les yeux sur des aspects complètement inconnus de notre univers.
Un fait encore plus intrigant : cette technologie pourrait permettre aux scientifiques de déterminer certaines caractéristiques ou états matériels qui ne peuvent être suggérés qu'indirectement avec les méthodes traditionnelles. Exemple : on pourrait identifier avec précision si un matériau est superconducteur, c'est-à-dire qu'il peut conduire l'électricité sans résistance. Ce processus, dans les laboratoires classiques, n'est déduit que de manière indirecte. Des propriétés particulières comme celles-ci pourraient être comprises plus directement grâce à l'apprentissage automatique quantique.
Nous voilà arrivé à un stade de la recherche quantique plutôt passionnant. Comme l'affirme Aram Harrow du MIT : « que les ordinateurs quantiques offrent ou non des avantages pour l'apprentissage automatique sera décidé par l'expérimentation plutôt que par des preuves mathématiques de leur supériorité ». Maria Schuld, une physicienne travaillant en Afrique du Sud pour l'entreprise de calcul quantique Xanadu explique qu'il est important de poursuivre la recherche sans se focaliser nécessairement sur l'augmentation de la vitesse de calcul. D'autres avantages pourraient éclore à mesure que nos connaissances sur l'apprentissage automatique augmentent : nouvelles méthodologies novatrices ou applications inédites par exemple.
Sources : Nature, Microsoft, La Recherche, Data Analytics Post