La loi Narcotrafic ne menacera finalement pas le chiffrement des applications comme Signal, Olvid et WhatsApp, les députés ayant rejeté l'article controversé qui aurait imposé des « backdoors », en faveur des autorités.

Dans la nuit du 5 au 6 mars 2025, les défenseurs de la protection de la vie privée numérique en France ont remporté une bataille. Le très polémique article 8Ter de la proposition de loi contre le narcotrafic, qui menaçait le chiffrement des messageries sécurisées, a été écarté en commission des lois à l'Assemblée nationale par un vote sans appel : 33 députés étaient pour sa suppression, 9 ont fait le choix de l'abstention. L'article n'a pas recueilli le moindre vote favorable à son maintien. Et c'est tant mieux !
Les députés rejettent l'article sur le chiffrement des messageries, une victoire pour les défenseurs de la vie privée
Le vote des députés constitue un désaveu cinglant pour la disposition d'une loi qui, rappelons-le, a déjà été adoptée à l'unanimité au Sénat quelques semaines plus tôt, mais qui peut être modifiée par les députés. L'amendement ajouté par certains élus de l'Assemblée nationale aurait contraint des messageries comme Signal, WhatsApp ou le français Olvid à créer des accès dérobés pour les autorités, compromettant le principe même du chiffrement de bout-en-bout.
Il y a eu, il faut le dire, une mobilisation importante des associations de défense des libertés numériques, La Quadrature du Net en tête. L'organisation avait qualifié cette proposition comme « l'une des plus dangereuses pour les libertés publiques proposées ces dernières années ». Elle avait même lancé une campagne citoyenne pour alerter les députés et l'opinion publique.
Thomas Baignères, PDG d'Olvid, a même jugé cette mesure « techniquement impossible à réaliser » dans un entretien accordé à Clubic il y a quelques jours. Selon lui, vouloir créer des backdoors (des portes dérobées) sécurisées revient à « vouloir faire léviter une pomme en défiant la gravité », pour illustrer l'impossibilité technique et physique fondamentale, pas simplement une résistance idéologique.
Le Français Olvid dénonçait l'impossible réalité technique des backdoors sécurisées
Le débat autour de cette loi illustre bien la tension entre les besoins des forces de l'ordre, qui veulent lutter contre la haute criminalité et le trafic de drogue, et la protection des libertés fondamentales. L'ANSSI, l'agence française de cybersécurité, avait elle-même souligné qu'une faille intentionnellement créée représenterait un danger pour tous les utilisateurs, pas seulement pour les criminels visés !
L'ancien directeur de l'ANSSI lui-même, Guillaume Poupard, assumait que « toucher au chiffrement n'a pas de sens ». Le PDG d'Olvid, Thomas Baignères, plaidait de son côté pour « un travail de réflexion entre législateurs et techniciens », de façon à trouver un équilibre respectueux des libertés numériques, tout en permettant aux autorités d'obtenir d'obtenir certaines informations via des réquisitions légales.
La proposition de loi, désormais amputée de son article le plus controversé, sera débattue en séance plénière le 17 mars prochain. D'autres dispositions sensibles, comme l'activation à distance des micros et caméras d'appareils connectés et le mécanisme de « dossier-coffre » limitant l'accès aux preuves pour la défense, ne manqueront pas d'être encore discutés.