La France développe l'ASN4G, un missile nucléaire ultrarapide capable de franchir les défenses les plus sophistiquées, qui doit renforcer sa dissuasion dans un contexte géopolitique incertain ou à tout le moins tendu.

En visite depuis la base aérienne de Luxeuil-Saint-Sauveur mardi, Emmanuel Macron a annoncé le déploiement de missiles nucléaires hypersoniques sur les futurs chasseurs Rafale F5, d'ici 2035. Le missile ASN4G, c'est son nom, est développé sous la coordination de l'ONERA, le centre français de recherche aérospatiale, avec une fabrication prise en charge par la société française MBDA.
Il est conçu pour transformer la composante aéroportée de la dissuasion française, volera à des vitesses exceptionnelles et pourra pénétrer les défenses adverses. D'ailleurs, le missile « figure du renouvellement entamé de la modernisation de notre dissuasion nucléaire » aux yeux du chef de l'État, attire l'attention bien au-delà des frontières françaises.
Le missile ASN4G, un bond technologique impressionnant pour la défense française
L'impressionnant missile ASN4G (Air-Sol Nucléaire 4ème Génération) est une rupture technologique significative par rapport à l'actuel ASMP-A. Selon les projections, il pourrait atteindre des vitesses hypersoniques (Mach 7) grâce à un statoréacteur mixte innovant et parcourir plus de 1 000 kilomètres, presque le double de la portée du missile actuel.
La réflexion stratégique française à mi-chemin entre furtivité et hypervélocité a débuté en 2014, mais en 2021, aucun choix définitif n'était encore arrêté. Deux programmes d'études avançaient en parallèle : Camosis pour la furtivité d'un côté, et Prométhée pour l'hypervélocité de l'autre.
C'est finalement assez récemment que les indices ont pointé vers le choix de l'hypervélocité, notamment depuis les déclarations de l'amiral de Bonnaventure en 2023, et la notification du marché MIHYSYS, qui vise donc à améliorer les technologies de propulsion pour des missiles hypersoniques.
Le projet mobilise des technologies de pointe, notamment le code de calcul CEDRE (qui est un logiciel, à la base) pour la simulation multi-physique. Des expérimentations récentes dans le cadre du projet ASTREE ont permis de « recaler des modèles de simulation » pour le statoréacteur mixte. Ces technologies développées pour l'ASN4G auront des retombées dans de nombreux secteurs civils, notamment grâce aux avancées en calcul quantique.
Une réponse bienvenue aux tensions géopolitiques actuelles
La modernisation de la dissuasion française est, dans le contexte géopolitique actuel, plus qu'indispensable. Le conflit russo-ukrainien et les incertitudes sur l'engagement américain en Europe poussent les pays européens à renforcer leurs capacités de défense, et à trouver les armes pour maintenir une paix durable. L'annonce du déploiement de ces missiles à la base aérienne de Luxeuil, près de la frontière allemande, envoie donc un message géopolitique fort.
Comme l'a confirmé Emmanuel Macron, un investissement de 1,5 milliard d'euros a été alloué par l'État pour moderniser cette base et y déployer deux escadrons de Rafale F5 (40 appareils). Ces chasseurs de nouvelle génération intégreront également des capacités de loyal wingman (drones d'accompagnement), d'analyse de données et de guerre électronique avancées, pour former un système d'armes cohérent avec le missile ASN4G.
Le futur missile hypersonique pourrait aussi jouer un rôle dans l'émergence d'une défense européenne plus intégrée. Le prochain chancelier allemand Friedrich Merz a récemment évoqué des discussions avec la France et le Royaume-Uni sur un possible partage nucléaire. Cette refonte de l'architecture de sécurité européenne pourrait bien placer la France au centre d'un nouveau dispositif de dissuasion élargie.