L'agence Europol a frappé fort contre les réseaux de drogue européens, grâce à la surveillance de messageries sécurisées pourtant disparues. 230 arrestations ont eu lieu, une victoire dans la lutte contre le crime organisé.

Europol, aidée notamment de la France, a mené une grosse opération de lutte contre les réseaux criminels © Caroline Ruda / Shutterstock.com
Europol, aidée notamment de la France, a mené une grosse opération de lutte contre les réseaux criminels © Caroline Ruda / Shutterstock.com

L'opération BULUT, en partie pilotée par la France, vient de porter un coup sévère au trafic de drogue international avec 232 arrestations à travers l'Europe et la Turquie. Cette réussite est venue de l'exploitation continue des données de messageries chiffrées pourtant démantelées il y a plusieurs années. Voilà un succès qui démontre comment les technologies conçues pour protéger les criminels deviennent paradoxalement les meilleurs alliés des forces de l'ordre dans leur traque du crime organisé.

Quand les messageries chiffrées deviennent l'arme des enquêteurs

Les forces de l'ordre savent aussi faire preuve d'imagination, et de malice. L'opération baptisée BULUT (qui veut dire nuage en turc) a permis d'exploiter les données de plateformes chiffrées. On parle ici d'outils qui ont été démantelés il y a plusieurs années, à savoir les messageries Sky ECC et ANOM, qui continuent à fournir des renseignements précieux aux enquêteurs.

Ces applications, autrefois prisées par les criminels pour leur supposée inviolabilité, se sont transformées en véritables mines d'or d'informations pour Europol et ses partenaires. Sky ECC fut une application commerciale détournée, quand ANOM fut carrément créée par le FBI.

La collaboration internationale supervisée par Europol, à laquelle a pu participer le parquet français JUNALCO, a permis de cartographier avec précision quatre réseaux criminels majeurs opérant à travers le continent. Les enquêteurs ont pu identifier non seulement les dirigeants, mais également toute la structure logistique qui permet le transport et la distribution des stupéfiants.

Le coup de filet dévoilé le mardi 15 avril 2025 représente l'aboutissement de deux années d'enquête minutieuse basée sur l'analyse des communications chiffrées.

La puissance du numérique au service des forces de l'ordre européennes

L'ampleur des saisies témoigne en tout cas de l'efficacité de cette approche basée sur les données. Imaginez que plus de 300 millions d'euros d'actifs ont été saisis, dont 681 propriétés et 127 véhicules. Les organisations incriminées étaient liées à la saisie d'au moins 21 tonnes de drogues, dont 3,3 millions de comprimés d'ecstasy, ce qui nous en dit long sur l'étendue de leurs opérations à travers l'Europe.

La coopération transfrontalière a une fois de plus joué un rôle déterminant dans cette opération. Les autorités françaises ont partagé des données déchiffrées de SkyECC avec la Turquie, tandis que la police fédérale australienne a fourni des renseignements issus d'ANOM. La mutualisation des compétences technologiques a permis de déployer des policiers turcs au siège d'Europol, pour travailler avec les enquêteurs européens, et ainsi analyser les communications chiffrées.

Europol a mis en place une plateforme de coordination en temps réel entre les différents pays participants, ce qui a permis une prise de décision rapide et des ajustements stratégiques en temps. Jean-Philippe Lecouffe, le directeur exécutif adjoint des opérations d'Europol, a salué le fait que « des années après leur démantèlement, les plateformes comme SKY ECC et ANOM aident encore les forces de l'ordre à transformer le renseignement en action ».

Europol remporte ici une grosse bataille dans cette guerre qui la pousse à identifier et démanteler systématiquement les réseaux criminels les plus résilients opérant en Europe. L'exploitation des données numériques issues des messageries démontre aussi l'évolution des techniques d'enquête, où le combat contre le crime organisé se joue désormais autant dans le cyberespace que sur le terrain.