Les Émirats arabes unis chamboulent leur système législatif en confiant à l'IA la rédaction et la révision des lois. Cette première mondiale promet d'accélérer le processus juridique de 70%, malgré les sourcils froncés des experts.

Les Émirats arabes unis vont confier une partie de leur système législatif à l'IA © Nanzeeba / Shutterstock
Les Émirats arabes unis vont confier une partie de leur système législatif à l'IA © Nanzeeba / Shutterstock
L'info en 3 points
  • Les Émirats arabes unis vont confier la rédaction des lois à l'intelligence artificielle, en promettant une efficacité accrue.
  • Cette initiative du Sheikh Mohammad bin Rashid Al Maktoum pourrait accélérer le processus législatif de 70%.
  • Des préoccupations subsistent tout de même quant aux biais potentiels et à l'opacité des décisions algorithmiques.

Imaginez un monde où votre code de la route serait rédigé par ChatGPT, « pas aux Émirats arabes unis », vous nous dîtes ? Vous êtes sur la mauvaise voie ! Le pays vient de franchir le Rubicon technologique en annonçant que l'intelligence artificielle va désormais pondre de nouvelles législations et dépoussiérer les textes existants.

Ce projet vertigineux, sobrement baptisé « réglementation pilotée par l'IA », pulvérise les timides expérimentations d'autres pays. Pendant que nous débattons encore de l'IA dans nos smartphones, les Émiratis lui confient déjà les clés de leur arsenal juridique.

L'intelligence artificielle, nouveau partenaire du législateur des Émirats arabes unis

Quand Rony Medaglia, professeur à la Copenhagen Business School, parle d'une « ambition de transformer l'IA en co-législateur », on pourrait presque entendre le bruit des perruques poudrées tombant au sol dans les parlements d'il fut un temps. Les ministres émiratis, eux, ont déjà franchi le pas en créant leur « Regulatory Intelligence Office ».

Sheikh Mohammad bin Rashid Al Maktoum, dirigeant de Dubaï, promet que ce système « changera la façon dont sont créées les lois », avec un enthousiasme digne d'un keynote d'Apple. Dans le pays des gratte-ciels futuristes et des îles artificielles, on ne fait pas les choses à moitié : pourquoi se contenter de juristes en chair et en os, quand l'algorithme promet de couper les délais législatifs de 70%, comme nous l'apprend le Financial Times ?

Il semble que l'on soit ici dans une frénésie d'investissements dignes d'un film de science-fiction. Abu Dhabi a lâché l'an dernier un véhicule d'investissement, MGX, qui a injecté la bagatelle de 30 milliards de dollars dans un fonds d'infrastructure d'IA de BlackRock, et qui a aussi fait une incursion en France. Autant dire qu'à ce prix-là, on attend au minimum une IA capable de rédiger des lois ET de faire le café pour toute la rédaction.

Les experts alertent sur les limites de l'intelligence artificielle

L'originalité de ce projet tient néanmoins dans sa capacité à anticiper les changements législatifs nécessaires, un peu comme si l'IA jouait aux échecs juridiques avec plusieurs coups d'avance. Mais derrière l'éclat des communiqués officiels se cachent quelques grains de sable potentiels. Quid de l'opacité algorithmique, des biais de données, et cette question qui fait frémir : une machine peut-elle vraiment comprendre l'esprit des lois comme l'aurait fait Montesquieu ?

Vincent Straub, chercheur à Oxford, nous rafraîchit la mémoire en rappelant que les modèles d'IA « continuent à produire des hallucinations ». Une perspective peu rassurante quand on imagine des lois hallucinées régissant le quotidien des citoyens. « Désolé pour l'amende, mais notre IA était persuadée que les licornes avaient priorité dans les ronds-points... ». Voilà qui serait drôle.

Keegan McBride, de l'Oxford Internet Institute, souligne avec une certaine ironie que la nature autocratique des Émirats facilite l'adoption d'innovations gouvernementales radicales. Autrement dit, pas besoin de convaincre l'opposition quand elle n'existe pas. Les experts s'accordent néanmoins sur un point : sans garde-fous solides et supervision humaine, existe le risque de voir émerger des textes juridiques techniquement brillants, mais socialement absurdes. Aux Émirats arabes unis, comme en Europe.