Le Forum international de la Cybersécurité (FIC) a questionné les candidats à l'élection présidentielle sur leur programme en matière de sécurité numérique pour la France. L'occasion de voir ce que chacune et chacun a derrière la tête.
Si la menace numérique ne constitue qu'un problème parmi tant d'autres pour les candidats à l'élection présidentielle, certains ont bien pris conscience des enjeux et des secteurs ou symboles touchés par celle-ci : économie, consommation, démocratie, géopolitique, citoyens ou entreprises, et tant d'autres. À l'heure où les questions de souveraineté numérique et surtout de cybersécurité s'imposent d'elles-mêmes, plusieurs aspirants à la présidence ont joué le jeu du FIC en répondant à diverses questions visant à détailler leur programme en matière de cybersécurité.
Emmanuel Macron, un absent qui a déjà son idée pour les cinq prochaines années en matière de souveraineté numérique
Neuf des douze candidats qui prétendent aujourd'hui à la plus haute fonction de l'État ont répondu au questionnaire soumis par le Forum international de la Cybersécurité. Si Nathalie Arthaud, Marine Le Pen, Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Eric Zemmour, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Dupont-Aignan et Fabien Roussel font état d'un intérêt réel pour l'enjeu cyber, Jean Lassalle, Philippe Poutou et surtout le président sortant, Emmanuel Macron, n'ont pas daigné répondre au FIC.
Pour ce qui est d'Emmanuel Macron, on sait que l'actuel locataire de l'Élysée se livre à une campagne disons « allégée », et que le candidat LREM entend poursuivre sa feuille de route autour du fameux label « Cloud de confiance », après avoir, durant le quinquennat qui s'achève, grandement contribué à la naissance d'un lieu totem de la cybersécurité, le Campus Cyber.
Les priorités des candidats à l'élection présidentielle : un « système informatique exempt de toute porte dérobée » pour Le Pen, de « vrais parcs de data centers français » pour Mélenchon
À la question « si vous étiez élu à l'Élysée, quel serait votre premier chantier en matière de sécurité numérique ? », seuls sept candidats ont ici accepté de répondre, peut-être les seuls qui, parmi les neuf ayant répondu, placent la sécurité informatique comme une priorité réelle de leur programme.
Dans l'ordre alphabétique, Nicolas Dupont-Aignan entend s'assurer « de la souveraineté de l'intégralité des données publiques et le cas échéant, de confier celles-ci à nos fleurons français ». Le candidat DLF ajoute que cette opération se ferait en lien avec le « ministère de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique », une dénomination qui n'est pas anodine et qui octroierait au Numérique son propre portefeuille.
Yannick Jadot (EELV), de son côté, veut créer « une structure nationale de renseignement non militaire sur la cybersécurité, pour anticiper les menaces ». Marine Le Pen (RN) évoque « l'autonomie » comme priorité, avec la volonté d'établir « un système informatique, tant matériel que logiciel, exempt de toute porte dérobée ou infrastructure étrangère qui pourrait en compromette l’intégrité ».
Jean-Luc Mélenchon veut doter la France de « vrais parcs de data centers français, de droit français et localisés en France », de façon à s'assurer « que les données des services publics français et des entreprises essentielles y soient hébergées ». Faisant aussi de la souveraineté numérique une priorité, le député LFI évoque le contexte géopolitique et entend développer « les ramifications entre la France et les Outre-mer en câbles sous-marins souverains, notamment entre la France et la Guyane ». Jean-Luc Mélenchon veut rétablir la propriété française publique sur Alcatel Submarine Networks, filiale à 100 % du géant finlandais Nokia.
La cybersécurité, « un pilier » pour Pécresse, qui veut un Parquet national cyber, alors que Zemmour vante la souveraineté des domaines « du Cloud et de la cybersécurité »
La candidate des Républicains, Valérie Pécresse, se fixe l'objectif de faire voter, dès la première année de son quinquennat, une loi dite « Souveraineté et Responsabilité numérique » qui aboutirait à la création d'un Parquet national Cyber. La présidente de la région Île-de-France parle, elle aussi, de souveraineté numérique, qu'elle juge « indissociable de la sécurité des données de chacun d'entre nous », au même titre que la souveraineté militaire et économique. « Je ferai de la cybersécurité l'un des piliers de la politique globale du numérique que j'engagerai, incluant les infrastructures, les logiciels, les données et la sécurité », promet-elle.
Candidat du parti communiste, Fabien Roussel veut mettre en place « un plan de renforcement du contrôle public » qui viendrait compléter la loi d'orientation et de programmation pour une nouvelle industrialisation du pays, qui est l'une de ses propositions. Pour cela, le député français voudrait réunir autour de la table les opérateurs télécoms, les autorités du secteur et les services de sécurité intérieure ou militaire, pour évaluer les protections techniques et juridiques en place.
De son côté, l'ex-chroniqueur Éric Zemmour pointe du doigt la dépendance de la France vis-à-vis des entreprises étrangères, dans les domaines du Cloud et de la cybersécurité. Le candidat Reconquête veut ainsi développer une offre souveraine dans les deux domaines. Il détaille son idée de financement de partenariats de recherche avec les entreprises Cloud et cyber ; sa volonté d'augmenter la communauté publique pour multiplier les investissements en R&D des entreprises innovantes ; et la promulgation d'une loi qui permettrait d'héberger et sécuriser dans des solutions dites « souveraines » les « données publiques et privées régies par l'IGI 1300 ("Secret" et "Très secret") ou définies sensibles par la CNIL ».
S'agissant des autres candidats ayant répondu au FIC de manière un peu moins loquace, Nathalie Arthaud (LO), pour qui l'augmentation des moyens cyber n'est pas une priorité, souhaite néanmoins « mettre fin au soutien des groupes cybercriminels par l'État et la classe dirigeante », fustigeant la cyberguerre « des capitalistes », à qui elle reproche d'entraîner les populations « dans leurs prétentions de profit et de domination ». Anne Hidalgo (PS), elle, veut un « ministère du Numérique » autonome qui renforcerait la coordination des services gouvernementaux en matière de gestion numérique. La maire de Paris milite aussi pour « interdire l’assurabilité des rançongiciels pour éviter que des attaques informatiques (phishing, malware…) soient payées en crypto-monnaie, sans que la justice puisse poursuivre les agresseurs ».
Source : FIC