© COMCYBER
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Pour organiser et structurer la lutte informationnelle menée dans le cyberespace, la France dispose désormais d'une doctrine de lutte informatique d'influence. Elle doit permettre aux armées de bénéficier d'un cadre l'aidant à affronter ces nouvelles menaces.

Dans le prolongement du discours du nouveau chef d'état-major des Armées, le général d'armée Thierry Burkhard, et de notre dossier sur la cyberdéfense et la cyber-influence, le ministère des Armées a présenté cette semaine sa doctrine militaire de lutte informatique d'influence (L2I), qui vient compléter le corpus doctrinal français de cyberdéfense, dans un contexte de guerre de l'information. Clubic vous en dévoile les détails que le ministère des Armées a bien voulu rendre publics.

La lutte informatique d'influence, pour « gagner la guerre avant la guerre »

Alors que les conflits armés cycliques historiques paix-crise-guerre ont tendance à basculer vers un triptyque compétition-contestation-affrontement, les armées françaises sont contraintes de s'adapter. Le général d'armée Thierry Burkhard l'affirme : il faut pouvoir « gagner la guerre avant la guerre », sans pour autant se priver de la possibilité de la conduire s'il le fallait. Et c'est en cela que la doctrine de lutte informatique d'influence (L2I) prend tout son sens. Elle doit organiser et structurer ce combat qui consiste vulgairement à contrer une attaque informationnelle.

La lutte informatique d'influence (L2I), quelle définition ?

Le ministère des Armées désigne ici « les opérations militaires conduites dans la couche informationnelle du cyberespace pour détecter, caractériser et contrer les attaques, appuyer la StratCom, renseigner ou faire de la déception, de façon autonome ou en combinaison avec d’autres opérations ».

Un exemple d’attaque informationnelle sur Facebook contre l’opération Barkhane : circulation de fausses informations visant à faire croire que des militaires français pillent des ressources au Mali (© ministère des Armées)
Un exemple d’attaque informationnelle sur Facebook contre l’opération Barkhane : circulation de fausses informations visant à faire croire que des militaires français pillent des ressources au Mali (© ministère des Armées)

Il faut avoir conscience que le lieu d'action de la L2I est vaste. Elle recouvre toute la couche informationnelle du cyberespace, qui comprend aussi bien les équipements et systèmes informatiques (couche physique) que les données numériques, les logiciels, les outils de traitement - gestion - administration (couche logique) et les informations et interactions sociales, globalement l'identité numérique (couche cognitive ou sémantique).

Cette doctrine vit au travers d'une chaîne de commandement dédiée. Vous le savez désormais : le chef d'état-major des armées, placé sous l'autorité du président de la République, exerce le commandement des opérations militaires. Il agit en sa qualité de conseiller militaire du gouvernement et s'appuie sur le Commandement de la cyberdéfense (COMCYBER) pour réaliser des opérations de L2I.

Les caractéristiques de la couche informationnelle du cyberespace (© ministère des Armées)

La L2I : entre respect du droit et recherche de moyens humains

Au regard du niveau critique des informations et des missions échangées et menées dans le cadre de la lutte informatique d'influence, se pose une question logique de respect du droit. « Comme l’ensemble des opérations menées par les armées françaises, la L2I est soumise aux principes et règles du droit international, ainsi qu’aux normes du droit interne », nous explique le ministère.

En temps de paix, les opérations militaires de L2I respectent la Charte des Nations unies et le principe de non-ingérence (pas d'intervention dans un processus électoral à l'étranger, par exemple). Lors d'un conflit armé, elles respectent les règles du Droit international humanitaire (DIH), comme les principes de précaution et de proportionnalité dans l'attaque.

La L2I, qui nécessite des compétences très variées et de très haut niveau, bénéficiera d'une partie de la manne de 1,7 milliard d'euros qui aidera l'État à gonfler les rangs de l'armée de combattants cyber à hauteur de 1 900 personnes, pour un total de 5 000 personnes d'ici 2025, si tout va bien. La L2I, de son côté, recherche des spécialistes de l'environnement informationnel et cognitif, des sociologues, des psychologues, des linguistes et des infographistes.

Sur le plan diplomatique enfin, la L2I nécessite par définition de coordonner à la fois les actions militaires, diplomatiques et intérieures. Cela sous-entend une coopération aussi bien avec des entreprises spécialisées dans le numérique, qu'avec des institutions comme l'Union européenne et l'OTAN, dont la France soutient les initiatives en matière de lutte contre les manipulations de l'information.

Source : ministère des Armées