Le récit de notre confrère de La Ruche est romancé mais il sent le vécu : il raconte comment il n'a pu s'empêcher de rire quand un proche lui a vanté les mérites d'un câble HDMI très onéreux. Les mélomanes qui n'ont connu que l'analogique ou presque ont appris combien les liaisons influencent la restitution du son. Les plus exigeants investissent donc des centaines d'euros dans quelques mètres de câble pour haut-parleurs, et même si les tarifs sont exponentiels, obtiennent bel et bien des gains tangibles et mesurables. La musique peut gagner en détail, en précision, en clarté, en spatialisation (séparation stéréo), prendre telle ou telle couleur...
Argent, carbone, polarisation de molécules et câbles directionnels
Le problème c'est que certains fabricants — soit incompétents, soit malhonnêtes — appliquent le même argumentaire à des liaisons numériques, et à fortiori à des câbles Ethernet. Le câble AudioQuest Ethernet Diamond multiplie ainsi les raffinements pour garantir une transmission haute fidélité... ainsi que pour justifier son prix astronomique de 700 euros pour 75 cm ou de 1200 euros pour 150 cm. Soit 800 euros le mètre, 800 fois plus qu'un câble générique.Pour ce prix, les conducteurs et les contacts sont, pour commencer, en argent très haute pureté, et non pas en cuivre, afin de minimiser la distorsion. L'isolation en polyéthylène haute densité solide garantit quant à elle que chaque paire transmette un signal « géométrique », tout en réduisant la distorsion de phase. Cette isolation est associée à un module « Dielectric-Bias System » à pile, qui « polarise les molécules » de l'isolant pour éviter qu'il n'absorbe le signal et... le ralentisse. Le blindage triple couche à base de carbone « Noise-Dissipation System » prévient en outre les interférences électromagnétiques. Tout un poème ! Pire, comme « tout câble audio », ces câbles Ethernet sont... directionnels ! Leur directivité n'est pas connue d'avance, chaque conducteur est donc testé. Il convient dès lors de respecter le flux musical : du NAS au routeur puis du routeur au lecteur audio en réseau.
La plus belle démonstration d'auto-persuasion
En définitive ce câble promet de réduire la distorsion, les problèmes de phase, d'améliorer la clarté et la dynamique. Ce que ce « grand câblier » élude, c'est qu'un câble Ethernet ne transmet pas vraiment d'audio. Il est traversé par des données, dans les deux sens, et il est totalement indifférent au type de fichier.Que ce soit avec une liaison SPDIF ou HDMI, on transmet des bits, c'est-à-dire un flot de 0 et de 1. Il n'y a pas d'état intermédiaire. Soit le bit arrive, soit il n'arrive pas. On peut donc entendre ou voir un artefact, mais en aucun cas altérer des aspects comme la netteté, la dynamique ou la colorimétrie. C'est encore pire en Ethernet, puisque les protocoles intègrent un système de correction d'erreur, et qu'on peut vérifier l'intégrité de la transmission et prendre des mesures si quelque chose ne va pas. Si une trame n'arrive pas à destination, elle est renvoyée avant que la mémoire tampon ne soit épuisée. En musique, la qualité dépend exclusivement des composants analogiques, c'est-à-dire du DAC (convertisseur numérique-analogique), qui se trouve en toute fin de chaîne dans le lecteur audio, et des composants analogiques qui suivent, jusqu'aux haut-parleurs.
Le pire ce n'est pas tellement que des fabricants proposent ce genre de câble, c'est qu'il y ait des clients, et même des publications qui les conseillent. Il y a ici et là des audiophiles victimes d'auto-persuasion, qui se convainquent inconsciemment (on l'espère) qu'ils entendent une différence.
Qu'est-ce que ce serait si Qobuz annonçait avoir installé de tels câbles sur ses serveurs ? Mais quel dommage que les centaines de kilomètres de fibre qui permettent aux clients de télécharger des Studio Masters ne soient pas certifiés haute fidélité...