Installez-vous avec un bon whisky et ouvrez bien grand vos oreilles. Voici l’histoire de Bloody Marie, la plus célèbre pirate interstellaire à voguer dans ce coin de la galaxie.
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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Bloody Marie (2014)
Jacques Martel
La boucle est bouclée. Je débutais l’an dernier ma première chronique S|F avec Le Déchronologue, un formidable roman consacré aux pirates. Il était donc logique que ma dernière chronique revienne sur ces forbans qui ne vivent que pour la liberté...
Bon OK, j’avoue, c’est loin d’être ma dernière chronique. Mais il fallait bien que je trouve une introduction qui marque les esprits. Cette semaine, ce sera donc whisky, plasma et flibusterie avec Bloody Marie !
Ce sympathique ouvrage de Jacques Martel m’aura tenu en haleine pas mal d’heures avec son scénario bourré de rebondissements, d’action et autres péripéties dignes d’un Jack Sparrow en armure énergétique. Affûtez vos sabres, ajustez vos bandanas et préparez-vous à une dernière course vers la liberté...
“Ouais, les amis. Cette putain de Bloody Marie a repris le vent... Ce que je vais vous raconter maintenant, matelots, c’est pas des on-dit ou des racontars de soiffards...”
L’Humanité a eu son heure de gloire avec l’Expansion, une période de colonisation intensive de la galaxie. L’humain est partout et rayonne. Mais les bonnes choses ont toujours une fin. Face à des distances toujours plus importantes à parcourir, les humains ont commencé à ne plus pouvoir assurer leur prospérité. L’Effondrement a signé l’arrêt de cette glorieuse époque : les planètes et systèmes solaires s’isolèrent les uns des autres, vivant avec le peu de ressources restantes...
Mais comme toujours, le genre humain a le chic pour ne pas s’avouer vaincu. Lentement mais sûrement, l’Essor a ramené un semblant de contact entre les diverses factions humaines. C’est sur ce terrain propice au commerce que sont apparus les pirates, pillant les convois marchands de la Flotte et de la Ligue des Cinq Comptoirs. Pour riposter, ces deux entités ont commencé à user et abuser de corsaires, anciens flibustiers qui traquent leurs comparses contre une promesse d'amnistie. La piraterie touche presque à sa fin…
Voici un pitch bien sympathique qui ne manque pas de mettre l’eau à la bouche, vous ne trouvez pas ?
Jacques Martel mêle ici des références proches de notre histoire à son univers futuriste, et il en ressort un mélange fort attrayant. Allez, avouez, les pirates de l’espace c’est quand même bien plus fun que les simples héros qu’on nous ressert sans arrêt dans les space opera !
“Capt’ain ? Crâne. Je vous amène le gars”
Comme vous le savez sans doute déjà, j’aime que les romans que je lis se parent d'un soupçon d’originalité. Ici je n'ai pas été déçu, puisque Jacques Martel nous raconte l’épopée de Bloody Marie à travers deux personnages : chaque chapitre débute comme faisant partie d’une histoire racontée par un mystérieux pilier de bar, avant de continuer en une narration à la première personne, retranscrivant la vision de Robinson.
Parlons-en d’ailleurs de notre Robinson, puisqu’il est le héros de l’intrigue. Paumé depuis dix ans sur un ancien centre minier spatial, il fait, dès les premiers chapitres, la connaissance de Bloody Marie, la fille du Ravageur de Mondes. Bien décidée à venger la mort ignominieuse de son flibustier de papounet, tué par la Flotte, la pirate écume le bras de Persée en préparant un dernier coup d’éclat.
Traqué par un chasseur de primes, Irving Phileas Russel, de son vrai nom, intègre plus ou moins volontiers l’équipage du Long John en tant que Robinson, la vie en solitaire n’étant plus trop de son goût. Ce sera pour lui le début d’une grande épopée, et pour nous l’occasion de découvrir que l’homme est loin d’être un simple péquenaud de l’espace.
“Il s’agit de la course de notre vie, alors je ne veux pas d’erreur ! Compris ?”
Si je les ai rapprochés en début de chronique, il faut préciser que le roman de Martel est bien plus sombre, plus violent que Le Déchronologue de Beauverger. On y découvre des pirates bruts de décoffrage, soumis aux lois impitoyables de leur capitaine Bloody Marie. En même temps, quand on est la fille d’un type qui se faisait appeler le Ravageur de Mondes, on cause rarement météo devant un thé...
Enivrée de colère depuis la mort de son père, la belle ne rêve que d’une chose : le venger au cours d’une dernière course qui restera dans les annales, puis plonger vers un autre bras de la galaxie pour perpétrer ses forfaits jusqu’à ce que mort s’ensuive. Un programme pour le moins chargé !
On constate vite que Bloody Marie porte bien son nom. Loin d’être alcoolique et larguée comme Henri Villon – le capitaine du Déchronologue -, Marie-Jeanne de son vrai nom n’hésite pas à se faire respecter par la force et le crime gratuit.
Je dois bien le dire, elle est probablement l’une des héroïnes les plus antipathiques que j’ai découvert ces dernières années. Malgré tout, son équipage la suit les yeux fermés.
“Malgré les apparences, peut-être était-il encore temps pour la fille ? J’avais échoué avec le Ravageur, pourrais-je me racheter avec Bloody Marie ?”
En fait, malgré ses travers vraiment détestables, on apprend vite à apprécier la fille du Ravageur de Mondes et son sens de la justice légèrement tordu. Les personnages de ce roman ne sont pas forcément les plus attachants de l'univers, mais le fait qu’ils soient tous liés entre eux donne une belle densité au titre de Jacques Martel.
Comme on pouvait s’en douter, Robinson n’est pas un simple personnage secondaire. L’homme se trimbale un lourd passé. On découvre d’ailleurs rapidement ses accointances avec feu le père de Marie-Jeanne. Mieux encore : le larron est régulièrement victime de visions de son futur, apportées par un « Autre ».
Sérieusement, vous pensiez qu’il n’y aurait que des pirates en armure caméléon dans ce roman ? Raté, il y a aussi des aliens. S’ils ne servent que de toile de fond à certains moments de l’intrigue, les Autres ont aussi pour but de rendre l’univers de Bloody Marie plus complexe et profond. Les visions provoquées par ces êtres - dont on ne saura pas grand-chose en définitive – guident ainsi plusieurs protagonistes tout au long de leurs aventures jusqu’au final explosif du roman.
“Cry Havoc !!!”
Bloody Marie est un roman imposant, bourré d’action en continu. De la simple vie de pirate sur Libertia aux abordages musclés d’un futur lointain, vous aurez de quoi vous occuper de longues heures. Pour tout dire, il m’est même arrivé à certains moments de fredonner « Albator, Albaaaatooor » !
Honneur, traîtrise, amour : une belle vague de rebondissements vous attendent dans l’œuvre de Jacques Martel. Sa double narration apporte aussi un petit plus, cette cerise sur le gâteau qui démarque les aventures de Bloody Marie des autres romans de SF. Et puis, rien qu’une fois, je dois bien avouer qu’il est super agréable de se retrouver de l’autre côté de la barrière, à vivre durant quelques heures parmi les pires gredins de l’espace.
Si vous cherchez un space opera qui sort des sentiers battus, que vous voulez de bons moments de baston épique arrosés d’une intrigue plus profonde qu’il n’y parait, alors foncez ! Cry Havoc !
Bloody Marie (2014) est édité chez Les Éditions Mnémos en version papier. Il est aussi disponible sur 7Switch en version EPUB et sur Amazon en version Kindle.