Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Embarquez pour une aventure hors du temps. Pour ce premier numéro de notre chronique science fiction, nous nous penchons sur Le Déchronologue de Stéphane Beauverger ; une lecture aussi addictive et sombre que le rhum et les geoles caribéennes.
Le Déchronologue (2009)
par Stéphane BeauvergerJe n'ai pas huit secondes pour vous dire qu'Ovomaltine c'est de la dynamite. Par contre, j'ai cinq paragraphes pour vous dire à quel point le livre de Beauverger m'a mis une grande claque au cerveau. Normal : qui dirait non à un roman de SF bourré de... pirates ?!
“Je suis le capitaine Henri Villon et je mourrai bientôt.”
Je ne sais pas vous, mais moi j'aime bien les œuvres - films ou livres - qui me mettent immédiatement dans l'action. Vous savez, un peu comme cette scène d'entrée fracassante du tout premier Star Wars où Dark Vador débarque dans la corvette de la princesse Leïa. Dès les premières secondes, on sent qu'on va en prendre plein la tête...Hé bien c'est le même topo pour le Déchronologue. En fait, dès la première phrase on sent poindre ce petit sentiment d'exaltation, ce petit quelque chose qui nous dit “là, tu tiens un truc coco”. Avec sa prose fluide, Stéphane Beauverger nous immerge immédiatement dans un roman de SF atypique où les pirates ont le beau rôle. Parce que oui, il n'y a pas que les aliens qui ont la primeur de la science-fiction après tout !
“Fumerelle ! T'es un balostrin d'capitoune alors ?”
Le Déchronologue nous mène ainsi à l'aventure dans les Caraïbes, repaire de flibustiers hauts en couleurs. Vous aimez Jack Sparrow ? Vous adorerez Henri Villon, héros malgré lui de péripéties dignes d'Indiana Jones.Le roman nous relate ses aventures en tant que pirate français en lutte contre les espagnols, alors grands conquérants des Caraïbes. Ce journal intime, écrit d'une plume aiguisée, nous fait découvrir le XVIIème siècle des flibustiers. Mais pas n'importe quel XVIIème : un XVIIème siècle ravagé par des déchirures temporelles. Devinez à qui revient la tâche de remettre tout ça en ordre ? Au capitaine Henri Villon bien entendu !
Notre flibustier, accompagné de personnages atypiques au franc parler - mention particulière pour Féfé de Dieppe - a donc à charge de diriger son navire Le Déchronologue face aux merveilles d'un autre temps. Oscillant entre obsession et sens du devoir, Henri lutte tant qu'il peut face à ce monde qui le dépasse de plus en plus.
“Capitaine, je n'ai pas quitté le bord ce soir-là...”
Le temps est vicieux, altérant son cours et mélangeant les époques. Un phénomène qui va jusqu'à modifier l'ordre de lecture du livre. Avez-vous déjà lu un ouvrage donc les chapitres ne se suivent pas ? Commençant par la fin ? C'est pourtant ce que vous allez subir dans Le Déchronologue.Les chapitres s'enchainent mais ne se suivent pas. Malgré tout, l'ensemble garde une impressionnante cohérence. A aucun moment on ne se sent perdu dans ce flot de temps rompu, distordu. Cet arrangement totalement atypique ne fait que renforcer le plaisir de la lecture. Car après tout, pourquoi ne pas recommencer le livre dans l'ordre après l'avoir dévoré dans le sens original voulu par Beauverger ?
Ce découpage inédit intensifie donc la sensation de fin du monde imminente provoquée par les mystérieux hommes venus d'une autre époque. D'eux, on ne saura pas grand-chose. Certains sont des observateurs comme Simon. D'autres, comme la triste Sévère - égérie de Villon - sont des acteurs de ces bouleversements temporels. Certains iront plus loin encore, payant un lourd tribut pour accompagner Henri jusqu'à son objectif final... Afin de ne pas spoiler, je vous laisse découvrir ces mystérieux Targuis qui donneront à notre flibustier les armes pour remettre le temps à sa place.
“Nous avons perdu. Laissez-nous gagner, maintenant.”
Que serait un roman de piraterie sans son Hollandais Volant ? Le temps disloqué ne rapporte pas sur les rives de la Tortue que des maravillas... Batteries, lecteurs audio et revolvers ne sont rien face au Léviathan venu d'un futur bien loin des Caraïbes. Monstre de fer crachant feu et éclairs, le mystérieux navire impose rapidement sa loi sur les mers du sud.Henri Villon, alcoolique et obsédé par les merveilles venues de lointains rivages, est rapidement mis à contribution pour lutter contre ce monstre de métal. Après un entrainement sur la flotte d'Alexandre le Grand, le Déchronologue devra passer à la vitesse supérieure, aidé pour ça par ses canons temporels.
Un pitch totalement décalé que j'ai adoré. Durant ma lecture de cet ouvrage, je n'ai pas pu m'empêcher de frissonner en observant les effets du temps sur cette ligne temporelle brisée, totalement en roue libre. La mission de notre flibustier, simple homme perdu face à ce monde en déclin, semble vouée à l'échec. La victoire surgira toutefois, bien que d'une façon inattendue. Mais n'est-ce finalement pas là la beauté des manipulations temporelles ?
“Je suis toujours debout. Je suis moi !”
S'il est souvent compliqué pour les auteurs de garder une cohérence dans les histoires où le temps se retrouve chamboulé, force est d'admettre que Beauverger s'en tire à merveille. L'écrivain breton ne tombe pas dans le piège des explications à rallonge, souvent bancales. Nous, lecteurs, n'en sauront pas plus que Villon sur le pourquoi du comment de la ligne temporelle brisée.Les indices laissés par le romancier restent toutefois suffisants pour se faire une idée générale du tableau. Comme quoi, il est inutile de rendre technique un sujet pointu pour qu'il soit savoureux. En tant que grand amateur d'histoires temporelles, je ne peux que vous recommander Le Déchronologue.
Du début à la fin, ce superbe roman français m'aura tenu en haleine. Ce n'était pourtant pas gagné, je suis loin d'être fan des histoires de pirates. Le livre de Beauverger m'aura pourtant réconcilié avec ces braves matelots, rebelles mais valeureux, tenant bon jusqu'au bout pour que souffle le vent de la liberté.
Si vous appréciez sortir des sentiers battus de la SF classique à base de combats spatiaux et d'aliens vindicatifs, alors foncez sur Le Déchronologue de Stéphane Beauverger. Vous le trouverez dans toutes les bonnes crèmeries - pardon, librairies - en format papier ou numérique.