Live Japon : Robot-cuistots

Karyn Poupée
Publié le 25 juin 2011 à 15h36
Les Japonais sont fines-bouches et technophiles, deux caractéristiques qui les incitent à accepter ce qui, pour un gastronome français, relève de l'hérésie : confier la confection de leurs plats préférés à des robots. Dans une société vieillissante, alors que les personnels de services et soins commencent à manquer, les entreprises et pouvoirs publics investissent dans le développement de robots censés un jour pouvoir remplacer l'humain... tant et si bien d'ailleurs qu'ils pourraient se montrer autant sinon plus susceptibles (lisez le manga de Jean-Paul Nishi, alias, Taku Nishimura).

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Alors que l'on prétend qu'il faut au bas mot une dizaine d'années à un spécialiste des sushis pour parvenir à une gestuelle presque parfaite, des robots sont censés être capable de confectionner comme il se doit les boulettes de riz supportant la fine tranche de poisson. C'est que le moulage du sushi n'est en fait qu'une partie d'un ensemble beaucoup plus vaste et complexe de préparatifs. Dans les chaînes de sushis à emporter ou certains « kaiten sushi » (restaurants-comptoirs à tapis roulant où défilent des assiettes de paires de sushis), les boulettes (appelées shari) sont préparées par des automates tels que ceux que fabrique la société Suzumo, la pionnière qui créa le premier robot à sushi du monde en 1981. « Grâce à nous, le sushi qui était un mets de luxe est devenu un plat du quotidien », se félicite le patron de l'entreprise.

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Les robots sushiya-san de Suzumo savent préparer les diverses variétés les plus courantes et appréciées (les traditionnels sushis - appelés nigiri-sushis, les maki-sushi, etc.). Certains appareils, imaginés pour les supermarchés, chaînes de sushis à emporter ou traiteurs, emballent unitairement chaque sushi sous un film transparent spécial qui a pour propriété de s'enlever en un tourne-main et de diffuser des ions négatifs qui préservent contre les insalubrités. Ces machines, qui, soit dit en passant, font des sushis tout-à-fait mangeables à condition que les ingrédients soient de bonne qualité, sont absolument imbattables en termes de rendement, étant capables de fabriquer la bagatelle de 2 000 nigiri-sushis... par heure. D'autres types d'appareils confectionnent jusqu'à 400 nori-maki-sushi, lesquels sont ensuite coupés en six morceaux.

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Des robots spécialisés sont aussi à l'œuvre pour les fameux « onigiri », boules de riz souvent triangulaires fourrées de divers ingrédients, en-cas que l'on trouve notamment dans les supérettes ouvertes 24 heures sur 24 (« konbini »). D'autres automates passent quant à eux leur temps à remplir de riz les boîtes à bento (plat-repas prêt à manger). Là encore, le rendement est de l'ordre de 2 000 à l'heure !

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Outre les automates à sushis, qu'utilisent d'ailleurs aussi nombre de restaurants soi-disant japonais à l'étranger, d'autres robots-cuistots sont actuellement de service au Japon dont les spécialistes des gyozas, sortes de raviolis chinois ou japonais frits très appréciés par les Nippons.

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Il existe aussi des machines spécialisées dans le tri des œufs, qui sont capables, grâce à des mesures sonores, de mettre de côté les œufs fêlés ou fécondés, en tapotant dessus avec une sorte de coton-tige.

L'entreprise Shinagawa a pour sa part créé un robot qui pétrit la pâte de riz gluant « mochi » pour confectionner des petits pavés que l'on fait ensuite griller et qu'il faut bien mâcher pour éviter de s'étouffer (plusieurs morts déplorés chaque année). Ces mochis sont un des aliments traditionnels du nouvel an et des fêtes diverses où l'on pétrit la pâte à deux et à tour de rôle dans un mouvement rythmique bien synchronisé.

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Les fabricants de robots polyvalents, comme Denso (filiale de Toyota) et Yaskawa ou Fanuc, dont les machines d'une très grande précision œuvrent généralement dans des usines de voitures ou de dalles d'écrans, fournissent aussi désormais, fût-ce à titre expérimental, le secteur agro-alimentaire.

Denso et Fanuc ont présenté des bras manipulateurs prolongés par l'équivalent d'une main humaine (extrêmement réaliste dans le cas de Denso) et qui est capable de saisir des aliments aussi fragile que des sushis, fraises ou petits fours pour les positionner sur des assiettes et plateaux. La main en question ajuste la pression exercée en fonction des aliments, grâce à un système à air.

Les bras « Motoman » de Yaskawa ont quant à eux récemment fait montre de leur talent en cuisinant une spécialité de Hiroshima, les « okonomyaki », sortes de crêpes truffées de légumes, œufs, fruits de mer et autres ingrédients mêlés, au choix du client. Autant dire qu'il ne s'agit pas du plat le plus facile à préparer. Si les gestes sont certes un peu lents et saccadés, ils n'en sont pas moins précis et la recette réussie.

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D'autres manipulateurs industriels ont appris à façonner des glaces en cornet (très jolies au demeurant) ou encore des « takoyaki », beignets fourrés de poulpe et légumes que l'on fait cuire dans des moules spéciaux. Tests à l'appui, ce n'est pas si simple que ça en a l'air.

A Nagoya, un restaurant de soupes aux nouilles « ramen » a confié ses fourneaux à deux bras articulés qui agissent de concert. Pour distraire le client, on les vit même s'amuser à faire voltiger des assiettes. Des restaurants ailleurs en Asie font aussi appel à des automates du même type pour diverses tâches (dont celle de ramasser les assiettes), une façon d'en mettre plein les yeux à leurs convives.

Il existe par ailleurs des énormes machines d'usines pour la découpe de poulets, capables de taillader et désosser une volaille comme il faut quelque soit sa taille en évitant les déperditions grâce à des caméras et un système de reconnaissance de forme.

D'autres engins calculent pour des poissons la façon de les découper à l'aide d'un système de mesure en trois dimensions, là encore dans le but d'éviter les pertes. Des automates sont aussi conçus pour repérer visuellement des éléments étranges dans de grandes quantités de légumes coupés avant qu'ils ne soient mis en sachets.

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Etonnants sont aussi les engins à air comprimé pour éplucher les poireaux, un tourbillon faisant voler la première couche de feuilles externes, et seulement elle.
Dans le même registre ont été développés des appareils pour écosser les haricots ou couper les légumes. De grands restaurateurs les utilisent pour des mets à l'esthétique particulièrement soignée, une dimension culinaire essentielle au Japon. Il ne s'agit généralement pas de simples engins mécaniques qui taillent dans le vif de façon automatique mais d'appareils de plus en plus intelligents capables d'agir réellement en fonction de la nature et de la qualité de la marchandise.

Ce qui impressionne le plus dans toutes ces machines, c'est la rapidité et la précision de leurs gestes. Tous ces marmitons mécatroniques sont notamment présentés chaque année lors d'un salon dédié, appelé Fooma Japan, à Tokyo. L'édition 2011 s'est tenue au début du mois et a accueilli quelque 90 000 personnes.
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