C'est une carte dans une poche, ou une puce dans un smartphone, mais bientôt ce sera sans doute une bague au doigt ou un bracelet au poignet, en attendant peut-être une greffe à l'index: à en croire Sony, les commandes affluent pour que le groupe optimise encore sa technologie sans contact Felica déjà employée dans les passes pour prendre le métro, les porte-monnaie électroniques, les cartes de fidélité, les clefs de chambres d'hôtel ou consignes automatiques dans une gare ou un aéroport.
Qu'est-il demandé à Sony ? De miniaturiser encore sa puce sans contact "Felica" afin de l'intégrer dans des accessoires électroniques dit "wearable". Car bien que la carte en plastique et le mobile soient considérés comme des moyens de paiement ultra simples et commodes, on aimerait qu'ils le soient davantage encore, d'autant que les montres et bracelets intelligents ("smartwatch" et "smartband") font vibrer les technophiles de la planète. Du coup Sony est sommé de fournir vite des puces Felica plus petites et moins énergivores pour satisfaire les critères techniques de ces objets.
"Des entreprises ont émis le souhait d'intégrer la fonction porte-monnaie électronique dans des accessoires de cette nature", explique le groupe. "Pour y répondre, nous sommes en train de travailler avec des partenaires dans l'objectif de proposer une puce Felica compatible avec ce genre de produits dits "wearables" (portables comme un accessoire) courant 2015.
"Felica", c'est le nom du semi-conducteur que l'on trouve déjà dans la carte Suica de la compagnie ferroviaire JR Higashi qui couvre Tokyo et la région Est, mais aussi dans tous les équivalents de toutes les compagnies de tout le pays. Et elles sont compatibles. Felica se trouve aussi dans les cartes de fidélité et porte-monnaie électroniques des commerces. Citons Waon du groupe de distribution Aeon ou Nanaco de son concurrent Seven & I ou encore Edy (le pionnier) de Bitwallet, une ex-filiale de Sony rachetée par la galerie marchande Rakuten. Si bien que l'on peut payer avec l'un ou l'autre dans la plupart des quelque 50 000 supérettes ouvertes 24 heures sur 24, comme dans des dizaines de milliers d'autres commerces et aux distributeurs de boissons. Felica est aussi de plus en plus employée par les hôtels, les clubs de sport et on en passe. Comme avec Navigo en île de France, mais de façon plus rapide encore, il suffit d'effleurer avec sa carte (ou son mobile) le terminal de lecture dans un magasin ou sur un portique de station de métro pour enregistrer la transaction et défalquer la somme correspondante du solde d'argent pré-chargé. Pas de code, pas de signature, l'opération est instantanée.
Suica, sésame électronique dont le nom est dérivé de l'expression "sui-sui" (fluide, facile) et de Felica, fête cette année ses 13 ans avec pas moins de 45 millions d'utilisateurs cumulés. A Tokyo, près de neuf passagers sur dix emploient cette carte ou un équivalent compatible appelé Pasmo. Carte que l'on recharge, Suica est aussi depuis 10 ans un porte-monnaie électronique accepté dans près de 250.000 commerces et qui totalise 4 millions d'opérations par jour.
Bref, la puce Felica est un standard de facto dans l'archipel.
"Nous avons livré 527 millions de puces Felica pour des cartes et 245 millions pour des mobiles", explique Sony, qui comptabilise une centaine de services divers basés sur sa technologie. Si Felica est la puce reine en son pays et dans quelques nations d'Asie, elle n'est en revanche pas standardisée sous cette appellation en Europe. Toutefois, cette technologie a des points communs avec la norme appelée NFC. Sony, qui soutient également ce standard faute d'avoir pu imposer le sien , est en passe de produire, avec le sud-coréen Samsung et le japonais Toshiba, des puces Felica de troisième génération, compatibles NFC, afin de gagner les marché étrangers fort de son expérience de longue date sur l'archipel.
Sony a aussi imaginé une carte Felica interactive, qui peut stocker plusieurs applications de porte-monnaie électroniques et passes de transport et se distingue des modèles actuels par un écran (pour consulter le solde d'argent notamment). Elle comporte aussi une connexion de proximité Bluetooth de sorte que l'historique des transactions puisse être lu sur un smartphone auquel elle se connecte. Le seul frein à la diffusion massive de cette carte en sera sans doute le coût. Il faut vraiment que son avantage (multi-applications, consultation des soldes de chacune d'elles) soit immédiatement perceptible et compris par le client.
Reste que les Japonais ont un a priori favorable vis-à-vis de ces évolutions technologiques. Il est extrêmement fréquent que les grands-mères paient leurs courses au supermarché avec leur porte-monnaie électronique, montrant qu'elles ont déjà franchi au moins trois obstacles techno-psychologiques: le fait de payer de façon quasi intangible avec de l'argent dématérialisé, le fait de devoir y pré-charger des pièces et billets et enfin celui de ne pas pouvoir consulter le solde restant aussi simplement que dans un vrai porte-ponnaie.
Selon la Banque du Japon, le porte-monnaie électronique n'est donc pas un mode de paiement négligeable. En 2012 (derniers chiffres disponibles), le montant des transactions a été presque quintuplé en 5 ans pour atteindre 2.470 milliards de yens (18 milliards d'euros au cours actuel). C'est encore loin de la carte bancaire traditionnelle (364 milliards d'euros en 2012), mais la progression est d'autant plus notable que ce moyen de règlement est réservé aux petites sommes (de moins d'un euro à quelques dizaines d'euros au plus).