Le marché de la musique en France continue de croître et atteint un chiffre d'affaires de plus d'un milliard d'euros en 2024, selon le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP). Il n'empêche que l'utilisation de l'intelligence artificielle dans la création musicale fait débat. Les professionnels exigent le respect du droit d'auteur et une meilleure régulation.

Le ciel est plutôt dégagé pour le marché de la musique enregistrée en France qui continue de progresser. En 2024, il affiche une croissance de 7 % et atteint 1,03 milliard d'euros. Le streaming, avec 17,7 millions d'abonnés, constitue la principale source de revenus. Mais ça n'est pas parce que le secteur se porte bien qu'il faut se reposer sur ses lauriers. Car l'essor de l'IA guette et provoque pas mal de discussion au sein des créateurs.
La présidente de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (IFPI), Victoria Oakley, met en garde contre l'utilisation non autorisée des œuvres pour entraîner les IA. Elle rappelle dans Le Monde la nécessité d'une autorisation préalable et d'une rémunération des artistes. Le SNEP partage ces inquiétudes. L'organisation alerte sur l'afflux de contenus synthétiques qui pourraient affecter la création musicale et les droits des artistes. Tous demandent une réglementation plus stricte pour encadrer ces pratiques.
L'industrie musicale défend le respect du droit d'auteur face à l'intelligence artificielle
Les professionnels du secteur musical considèrent que l'IA ne doit pas exploiter les œuvres existantes sans consentement. Selon Victoria Oakley, « La musique n’est pas antitech, c’est une innovation fantastique, nous allons pouvoir faire beaucoup de choses avec l’IA générative, mais il faut l’utiliser dans le respect du droit d’auteur ». Pour elle, les plateformes et entreprises qui entraînent des IA à partir de morceaux existants doivent obtenir l'accord des artistes et les rémunérer. L'objectif est d'éviter que des morceaux soient copiés ou réutilisés sans contrepartie. Elle estime impératif qu'ils aient une réponse claire sur ce point des entreprises qui utilisent de la musique d'autrui pour entraîner leur IA ou créer de la musique « oui ou non, et si oui, vous payez », martèle-t-elle.
Certains pays discutent de réglementations plus souples. Au Royaume-Uni, un projet proposait une exception au droit d'auteur pour entraîner des IA à des fins commerciales. Cette initiative a provoqué une mobilisation des artistes britanniques, comme Elton John et Dua Lipa. En France, les professionnels de l'industrie musicale estiment que les lois actuelles doivent être préservées et renforcées.
Alexandre Lasch, directeur général du SNEP, alerte sur la multiplication des contenus générés par IA. Selon lui, si l'IA produit en masse des morceaux inspirés d'œuvres existantes, les créations humaines risquent d'être évincées. Deezer, par exemple, reçoit chaque jour environ 10 % de contenus issus de l'intelligence artificielle. Ces morceaux ne sont pas éligibles aux droits d'auteur ni aux droits voisins. Certains redoutent que les plateformes musicales favorisent ces productions, qui coûtent moins cher et sont plus facilement reproductibles.
L'industrie musicale insiste sur la responsabilité des plateformes et des entreprises exploitant l'IA. Les artistes demandent un cadre juridique plus clair pour garantir une protection de leurs œuvres. L'objectif est d'éviter que l'intelligence artificielle ne s'approprie des morceaux sans accord préalable ni rémunération. Comme partout ailleurs, tout travail mérite salaire.

L'impact de l'intelligence artificielle sur la créativité et la place des artistes humains
C'est aussi les conséquences de l'utilisation des IA génératives dans la musique sur l'avenir de la création musicale qui inquiète. Pour Victoria Oakley, si les artistes ne conservent pas le contrôle de leurs œuvres, la créativité pourrait en souffrir. Elle prévient que « demander une autorisation une fois l'œuvre déjà exploitée ne suffit pas ». Elle estime qu'un système d'autorisation préalable permettrait d'éviter ces pratiques.
Le risque est aussi économique. La multiplication des contenus synthétiques pourrait compliquer la monétisation du travail des artistes. Les algorithmes pourraient également favoriser les morceaux créés par IA, moins coûteux pour les plateformes. Alexandre Lasch souligne que les productions humaines doivent être protégées contre cette concurrence.
L'engouement pour le streaming joue aussi un rôle. Avec plus de 17 millions d'abonnés en France, il influence la manière dont la musique est consommée. Certains artistes se retrouvent en difficulté face aux algorithmes de recommandation qui favorisent les morceaux les plus écoutés. L'absence de distinction entre les morceaux créés par IA et ceux des artistes humains pourrait transformer le marché.
Source : Le Monde (accès payant par abonnement)