200 grandes noms de la musique s'unissent pour s'opposer à l'IA. Dans une lettre ouverte, ils dénoncent une « utilisation prédatrice » qui pourrait fragiliser l'industrie.
L'intelligence artificielle générative ne cesse de nous impressionner. Qu'il s'agisse d'écrire des textes, de créer des images en 2D, ou encore de produire des clips vidéo, elles se révèlent compétentes dans des domaines que l'on croyait réservés aux humains. Suffisamment en tout cas pour que de nombreuses professions s'inquiètent de leur avenir.
Manifestations, grèves et mises en garde se multiplient, et c'est au tour des chanteurs et des musiciens de s'élever contre une partie du secteur de la tech qui ne cesse de faire parler d'elle.
Une menace existentielle
Et si la chanson parfaite de Jacques Brel était celle que l'on génère soi-même ? Il y a quelques années encore, cette phrase aurait semblé complètement farfelue. Mais, aujourd'hui, elle est plus crédible que jamais, et le sera encore plus dans les mois et les semaines à venir. Entre la capacité d'Adobe à générer facilement une composition musicale à partir de titres existants, et celle d'OpenAI à copier une voix en quelques secondes, on peut se demander s'il n'est pas temps de mettre (enfin ?) Elton John au placard.
Il est donc logique que les artistes musicaux se sentent très concernés par ces technologies. Dans une lettre ouverte, 200 d'entre eux s'adressent directement aux éditeurs d'IA génératives et leur font part de leurs craintes face à ce qu'ils considèrent comme « une attaque contre la créativité humaine ». Parmi les signataires figurent de grands noms comme Billie Eilish, Jon Bon Jovi, Norah Jones, et même les ayants droit de Bob Marley ou Frank Sinatra.
« Lorsqu'elle est utilisée de manière irresponsable, l'IA fait peser d'énormes menaces sur notre capacité à protéger notre vie privée, nos identités, notre musique et nos moyens de subsistance », écrivent-ils. « Certaines des plus grandes et plus puissantes entreprises utilisent, sans autorisation, notre travail pour entraîner des modèles d'IA ». La lettre souligne qu'un flot toujours plus important de morceaux générés par cette dernière diminuera progressivement les revenus des artistes, et met en garde contre un avenir jugé « catastrophique ».
29 décembre 2023 à 15h02
Travailler de concert avec OpenAI et compagnie
La lettre ouverte n'a pas pour but de mobiliser les législateurs. Elle appelle plutôt les entreprises comme OpenAI à collaborer avec les acteurs de l'industrie « pour en faire un marché responsable », explique Jen Jacobsen, directrice de l'Artist Rights Alliance, l'organisation à l'origine de la démarche. Il ne s'agit donc pas de crier au loup, et les signataires considèrent même que l'IA peut être un outil de premier ordre « pour faire avancer la créativité humaine ». À condition qu'elle soit utilisée de manière « responsable ».
Reste à savoir si cela trouvera un écho auprès des géants de l'industrie. Certains majors, Universal en tête, sont déjà affectés par l'arrivée massive de morceaux générés par l'IA sur les plateformes de streaming. D'ailleurs, une partie de son désaccord avec TikTok repose sur cette question, le réseau social chinois diffusant de nombreux morceaux inspirés de titres existants, et exemptés des royalties qui devraient normalement profiter aux artistes originaux.
L'année dernière, des acteurs et des actrices américains se sont mis en grève pour lutter contre l'utilisation de leurs images par les IA. Si certains sont totalement opposés à une telle pratique, d'autres sont moins binaires, tant qu'il est possible de donner son consentement et d'obtenir les redevances qui vont avec. Toutefois, interrogé par Forbes il y a quelques années, le fondateur de Midjourney, David Holz, a déclaré qu'« il n'y a vraiment aucun moyen d'obtenir cent millions d'images et de savoir d'où elles viennent ». Le paradigme n'étant pas différent pour les autres formes d'art, on peut se demander si les éditeurs d'IA seront capables de répondre favorablement aux demandes des artistes… ou s'ils le voudront vraiment.
11 décembre 2024 à 17h08
Source : Fortune