Les trois géants frappent du poing sur la table, et ça risque de faire mal © Nejron Photo / Shutterstock
Les trois géants frappent du poing sur la table, et ça risque de faire mal © Nejron Photo / Shutterstock

Warner Records, Sony Music et Universal Music Group, les trois colosses de l'industrie musicale, se dressent face à deux start-up. Ils accusent Suno et Udio, d'une infraction massive aux droits d'auteurs.

L'IA et les droits d'auteurs, c'est un peu comme un chien et un chat coincés dans la même niche : une cohabitation forcée, mais rarement harmonieuse. Cette action en justice ne sera pas la première intentée contre des entreprises du secteur de l'IA (OpenAI en a fait les frais également) et ne sera certainement pas la dernière.

Lundi dernier, la Recording Industry Association of America (RIAA) a décidé d'engager des poursuites à l'encontre de Suno et Udio. Ces dernières, accusées d'avoir bafoué les droits d'auteur pour entraîner leurs algorithmes de génération musicale, se retrouvent désormais au cœur d'une véritable tempête. Les plaignants, profondément indignés, allèguent que les logiciels conçus par ces sociétés s'approprient indûment des fragments musicaux pour engendrer des œuvres dérivées. Conséquemment, ils réclament une compensation financière substantielle, s'élevant à pas moins de 150 000 dollars par œuvre spoliée.

Suno et Udio sur la sellette

Nichée au cœur du Massachusetts, l'entreprise Suno a fait une entrée fracassante sur le marché l'an dernier, séduisant une pléiade d'utilisateurs avec son ingénieux outil de composition musicale assistée par IA. Actuellement, elle revendique déjà plus de 10 millions d'utilisateurs. Forte d'un partenariat stratégique avec le géant Microsoft, la société propose désormais un service par abonnement mensuel et vient de réaliser une levée de fonds impressionnante de 125 millions de dollars. Néanmoins, face aux récentes allégations, Suno demeure étrangement silencieuse.

Dans la même veine, Udio, également connue sous l'appellation Uncharted Labs, a vu le jour à New York sous l'égide d'investisseurs de renom comme Andreessen Horowitz (fonds américain de capital risque). Son application, lancée au printemps dernier, a rapidement conquis le public, notamment grâce à un morceau parodique, BBL Drizzy, s'inspirant de la rivalité entre deux titans du rap : Drake et Kendrick Lamar (voir ci-dessous).

Udio, soucieuse de son image, affirme que son système est conçu pour engendrer des compositions originales et a mis en place des garde-fous sophistiqués pour éviter tout plagiat. « Nous croyons que l’IA générative deviendra un pilier de la société moderne » a déclaré l’entreprise.

Les dédommagements prévus pourraient mettre un coup d'arrêt aux deux start-up  © lexrvulescu97 / Shutterstock
Les dédommagements prévus pourraient mettre un coup d'arrêt aux deux start-up © lexrvulescu97 / Shutterstock

La riposte des majors

Les actions en justice, intentées devant les juridictions fédérales du Massachusetts et de New York, mettent en lumière une exploitation purement mercantile d'œuvres protégées, dénuée de toute véritable métamorphose artistique. Les plaignants soulignent : « L'utilisation ici est loin d'être transformative, car il n'y a aucune raison fonctionnelle pour que le modèle d'IA ingère les enregistrements protégés par le droit d'auteur, si ce n'est pour recracher de nouveaux fichiers musicaux concurrents ».

Parmi les exemples évoqués figurent des morceaux emblématiques tels que l'incontournable hymne festif de Mariah Carey All I Want for Christmas is You, le classique de la soul My Girl du groupe The Temptations et des morceaux de Green Day. Ces derniers sont reproduits avec une telle finesse que même les aficionados les plus aguerris peineraient à discerner l'original des versions générées par intelligence artificielle.

Les magnats de l'industrie musicale tirent la sonnette d'alarme, dénonçant un « vol de grande envergure » qui menace l'équilibre de l'écosystème musical dans son ensemble. Ils arguent, non sans une pointe d'amertume, que « le motif est effrontément commercial et menace de supplanter l'artisanat humain authentique, au cœur de la protection du droit d'auteur ».

Cette offensive juridique survient peu après que 200 d'artistes renommés, comptant parmi eux des icônes telles que Billie Eilish, Imagine Dragons, Pearl Jam et Nicki Minaj, ont apposé leur signature à une missive exhortant à mettre un terme à l'utilisation jugée « prédatrice » de l'intelligence artificielle dans le domaine musical. Réunis sous le nom de Artists Rights Alliance, ils plaident pour un usage raisonné de l'IA générative et appellent les développeurs et compagnies de la tech à ne pas déployer des outils menaçants de remplacer la créativité humaine.

Source : BBC