Kate Bush, Hans Zimmer, Paul McCartney… 1 000 artistes britanniques viennent de sortir un album silencieux pour protester contre l'utilisation de leurs œuvres dans l'entraînement des intelligences artificielles (IA). L'enjeu est de taille et pourrait marquer un tournant pour l'industrie musicale.

La question de l'IA et de la propriété intellectuelle est au cœur d'un vif débat depuis la commercialisation de ChatGPT en 2022. Car les modèles génératifs sont entraînés sur de vastes quantités de données disponibles sur Internet, mais souvent protégées par le droit d'auteur. Si de nombreuses plaintes ont déjà été déposées, le cadre juridique pour réglementer le secteur demeure flou. Mais la brillante industrie musicale britannique a décidé de monter au créneau.
Un possible changement dans la loi britannique
Annie Lennox, Damon Albarn, Billy Ocean, Ed O'Brien (Radiohead), The Clash, Mystery Jets, Jamiroquai, Imogen Heap, Cat Stevens, Tori Amos, Max Richter, Ed Sheeran, Dua Lipa, Sting… Ils sont issus de divers genres musicaux et possèdent une renommée internationale. 1 000 musiciens britanniques lancent Is This What We Want?, un album symbole pour résister contre l'essor de l'IA générative.
Avec l'objectif de faire du Royaume-Uni un champion de l'IA, les législateurs envisagent d'apporter des modifications à la loi sur le droit d'auteur. Ces dernières permettraient aux entreprises d'IA d'utiliser des œuvres protégées pour entraîner leurs modèles sans licence. Ils auraient la possibilité d'utiliser légalement tout le contenu disponible sur Internet, à moins que les détenteurs de droits ne choisissent de se « désinscrire ».
« La proposition du gouvernement remettrait gratuitement le travail de toute une vie des musiciens du pays aux entreprises d'intelligence artificielle, laissant ces dernières exploiter le travail des musiciens pour les surpasser. C'est un plan qui serait non seulement désastreux pour les musiciens, mais qui est aussi totalement inutile. Le Royaume-Uni peut être un leader dans le domaine de l'IA sans mettre à l'écart ses industries créatives de premier plan », réagit Ed Newton-Rex, compositeur et développeur d'IA, à l'origine de l'album.

Des enregistrements de studios et d'espaces de représentation vides
Ces changements menacent directement les revenus des artistes, car l'utilisation non autorisée de leurs œuvres par les IA pourrait entraîner une chute drastique des redevances, fragilisant l'ensemble de l'industrie. Ils citent aussi la complexité de se « désinscrire » auprès de milliers de fournisseurs d'IA, les laissant impuissants face à l'exploitation de leur travail.
Et ce n'est pas tout. Cette situation fait également craindre une généralisation de l'utilisation non rémunérée des œuvres, qui serait un coup de massue pour les artistes émergents, tout en appauvrissant les créateurs de tous les domaines artistiques. « Dans la musique du futur, nos voix ne seront-elles pas entendues ? », s'est interrogée Kate Bush dans un communiqué.
L'album comprend des enregistrements de studios et d'espaces de représentation vides, reflétant l'impact potentiel de la proposition. La liste des titres, elle, énonce le message suivant : « Le gouvernement britannique ne doit pas légaliser le vol de musique au profit des entreprises d'intelligence artificielle ».
Selon le gouvernement, le « régime actuel du Royaume-Uni en matière de droit d'auteur et d'IA empêche les industries créatives, les médias et le secteur de l'IA de réaliser leur plein potentiel - et cela ne peut plus durer ». « Aucune mesure ne sera prise tant que nous ne serons pas absolument certains de disposer d'un plan pratique permettant d'atteindre chacun de nos objectifs », a-t-il précisé.
19 novembre 2024 à 16h54
Sources : BBC, Associated Press