Pas moins de 150 000 retweets et 180 000 « j'aime » en moins de deux jours : en postant sur la Toile les images de sa création de fin de cursus, l'étudiant en 4e année d'une université d'art industriel de Yamagata (centre-nord du Japon) Kango Suzuki (22 ans) a réussi son coup. L'objet est constitué de 407 éléments en bois qu'il a lui-même pensés et façonnés.
Tout de suite, on a vu en lui un nouveau Hisashige Tanaka, un nom qui ne vous est peut-être pas inconnu puisqu'il s'agit du fondateur de Toshiba, aujourd'hui l'un des plus importants conglomérats industriels japonais (même des récents dirigeants ont un peu entaché son image).
Dans un entretien accordé à des médias japonais, il explique comment il a trouvé cette idée et comment il l'a ensuite réalisée. Le point de départ était une phrase « simple pour l'humain, mais très difficile pour la machine ». En effet, il serait aisé à tout individu de compter chaque minute et de l'inscrire sur un tableau, mais pour un appareil c'est une autre paire de manches.
Le plus compliqué a selon lui été d'imaginer et ciseler les pièces qui écrivent les 4 chiffres nécessaires de façon chronométrée et synchronisée. Comme ces petits éléments sont en bois, il y a fallu maints ajustements, dit-il.
L'objet s'appelle « Plock », une contraction des mots « plot » (un point sur une représentation graphique) et « clock » (horloge) . Il mesure une soixantaine de centimètres de haut sur autant de large et 20 d'épaisseur.
Sur internet toujours, assez vite, les spéculations sont allées bon train sur la valeur potentielle d'une telle réalisation, du million de yens (7500 euros) à, qui sait, un montant équivalent à celui de la « machine à écrire le temps » de l'horloger suisse - depuis 1738 - Jaquet Droz présentée en 2009 dans un salon de Bâle et dont le prix était alors 40 fois supérieur.
« Il y a bientôt trois siècles, Pierre Jaquet-Droz émerveillait les cours royales d'Europe en présentant ses trois fameux automates au réalisme saisissant : l'Écrivain, le Dessinateur et la Musicienne. L'Écrivain était le plus étonnant, puisqu'il était déjà possible de programmer la phrase qu'il allait rédiger d'une écriture cursive. Véritable mythe, cet automate est considéré comme l'ancêtre de l'ordinateur. Il a fait l'objet de nombreuses études scientifiques, mais a aussi inspiré Martin Scorsese pour son film "Hugo Cabret". La volonté des Artisans de Jaquet Droz de perpétuer ce savoir-faire unique n'a jamais disparu », explique l'illustre maison sur son site internet. Et c'est là qu'on trouve des points communs alors inconnus entre ces réalisations nées sur le vieux continent et les « katakuri » conçus au Japon qui était alors un pays quasi totalement fermé sous la férule Tokugawa.
Cette capacité entretenue des Japonais à créer des objets mécaniques se perpétue avec fierté aujourd'hui dans la conception de robots manipulateurs tels que ceux de Fanuc et diverses autres créations industrielles. Il faut dire que l'enseignement au Japon favorise la réalisation manuelle et la « manufacture ». La « fabrication de choses » (monodzukuri) y est encouragée et valorisée, alors qu'on observe dans d'autres pays un certain dédain pour le travail des mains.