Voilà une nouvelle controverse dans laquelle se plonge la maison mère du réseau social Facebook, Meta. Le ministère de la Communication et du Développement Social du Kazakhstan affirme de son côté qu'il dispose d'un accès direct au système de signalement de Facebook.
Cependant, alors qu'un communiqué officiel commun est invoqué par le gouvernement kazakh, celui-ci n'est pas (encore ?) partagé par Facebook.
Controverse entre Facebook et le gouvernement kazakh
Au Kazakhstan, république d'Asie centrale réputée, entre autres, pour sa capacité à changer le nom de sa capitale en tout juste vingt-quatre heures, la maîtrise des réseaux sociaux semble être un enjeu de préoccupation croissant du gouvernement. En conséquence, après qu'un projet de loi a été soumis au Parlement national en septembre dernier pour protéger les enfants du cyberharcèlement, une nouvelle étape aurait été franchie avec la collaboration de la maison mère du réseau social Facebook, Meta.
Dans un communiqué officiel du ministère de la Communication et du Développement Social, le Kazakhstan affirme que son « ministère […] et Facebook s'accordent pour collaborer de manière rapprochée sur les enjeux relatifs aux contenus offensants. Pour aider le gouvernement du Kazakhstan à garder son cyberespace toujours meilleur et plus sûr, Facebook a accordé au Kazakhstan un accès direct et exclusif au "système de report du contenu", ce qui peut aider le gouvernement à reporter du contenu qui violerait les règlements internes de Facebook de même que les lois kazakhes ».
Le problème, toujours dans le communiqué, c'est que d'un côté, le ministère cite George Chen, un haut responsable de Meta qui serait directeur des politiques publiques régionales de Facebook, comme quoi « Facebook est heureux de travailler avec le gouvernement du Kazakhstan ». Difficile cependant d'authentifier cette déclaration, d'autant plus que de son côté, Facebook n'a pas partagé le communiqué.
La firme américaine dément toute collaboration particulière entre les deux parties
Le Kazakhstan affirme se réjouir d'être le premier pays d'Asie centrale à disposer d'un tel accès direct au système de signalement interne de Facebook… ce que Meta semble démentir (!). Auprès de l'AFP, Ben McConaghy, porte-parole de la firme, explique que Facebook dispose d'un « canal en ligne consacré pour les gouvernements à travers le monde afin qu'ils puissent signaler des contenus qu'ils estiment en violation du droit local ». Chaque signalement serait néanmoins étudié « indépendamment de tout gouvernement », toujours selon McConaghy. Assez loin de la relation d'exclusivité que prétend avoir le gouvernement kazakh avec Meta donc, même si la communication du porte-parole du groupe n'évoque pas de potentiels liens avec d'autres États de la région.
Plus encore, le communiqué affirme que des entraînements se sont déroulés en octobre dernier pour former le ministère de la Communication et du Développement Social aux Standards de Facebook et à son système de signalement.
Difficile de démêler le vrai du faux, sachant que du côté des individus critiques à l'égard du gouvernement, le contrôle des réseaux sociaux au nom de la cybersécurité, notamment des enfants, est régulièrement invoqué pour mieux limiter la liberté d'expression, et notamment les critiques à l'égard du gouvernement des 3,2 millions d'utilisateurs de Facebook dans cet pays de 19 millions d'habitants. Le tweet sarcastique de @evacide (ci-dessus) en est une illustration concrète.
La place de Meta dans les relations internationales ne cesse de grandir
Un tel communiqué annoncé comme « commun » entre un État d'un côté, et une firme internationale de l'autre, de même que l'expression « d'accord bilatéral » employée par le ministère, traduit un peu plus la place prise par Meta comme acteur clé au sein des relations internationales. L'importance accordée hors des États-Unis au scandale des Facebook Files, à l'image de l'intervention de l'ancienne employée de Facebook, Frances Haugen, auprès du Parlement britannique, en est également une autre illustration.
L'enjeu est, une fois encore, la protection des utilisateurs de réseaux sociaux contre le cyberharcèlement et les propos offensants. Or, c'est cette désormais lanceuse d'alerte, et non pas un expert en cybersécurité, qui a été jugée la plus pertinente par les parlementaires pour s'exprimer sur le sujet, notamment à propos d'un algorithme interne pas vraiment efficace.
Plus encore, la Grande-Bretagne comme le Kazakhstan légifèrent pour mieux contrôler le contenu publié sur les réseaux sociaux tels que Facebook. Plus que jamais, la place prise par les acteurs non étatiques comme Meta dans les relations internationales est en croissance. Pour le meilleur, par exemple pour limiter la propagation de contenus haineux, comme pour le pire, en étant un moyen de réduire, au sens large, la liberté d'expression individuelle.
Sources : Reuters, TV5 Monde, CNN, Communiqué officiel, ZDNet