L'algorithme et la modération déficiente de Meta en Éthiopie sont accusés d'être responsables d'exacerber les tensions dans un pays en proie à la guerre civile et aux atrocités.
Déjà cité par Amnesty International pour des faits similaires au Myanmar, Meta pourrait retrouver le banc des accusés pour des faits autrement plus graves que la collecte illégale de données. Le fils d'un homme assassiné à la suite d'une campagne de calomnie sur Facebook a en effet porté plainte contre le réseau social, et ce procès pourrait bien s'étendre au-delà de ce seul drame.
De quoi Facebook est-il accusé ?
En 2020, plusieurs bases militaires sont la cible d'attaques au Tigré, région du nord du pays. Des attaques auxquelles le gouvernement éthiopien réagit rapidement et avec brutalité, en envoyant immédiatement des troupes dans le secteur. En avril dernier, un rapport publié par Amnesty International soulignait un système de crimes de guerre et contre l'humanité, et un génocide dans la région à l'encontre de l'ethnie des Tigréens, par ailleurs malmenés dans tout le reste du pays. Au pont qu'aujourd'hui, les affrontements mais surtout les lynchages et les assassinats à l'encontre de cette minorité ont largement dépassé les frontières de la région.
Dans son rapport, Amnesty International pointe très clairement du doigt la responsabilité de Facebook dans le déclenchement et l'aggravation de ce conflit meurtrier. La modération quasiment inexistante dans le pays n'y a en effet pas empêché de violents discours de haine d'être puissamment diffusés depuis longtemps. Au point d'être comparé par certains à la tristement célèbre radio des mille collines qui avait, pendant des mois avant son déclenchement, appelé au génocide des Tutsis au Rwanda en 1994.
Incroyable mais vrai : ce n'est même pas le premier procès contre Meta pour complicité de génocide
Devant l'inaction du réseau social et le manque de relais internationaux, Abrham Amare, un tigréen accompagné par un activiste d'Amnesty International a décidé de porter plainte. Fin 2021, son père, un professeur dans une université du pays, est abattu en pleine rue après qu'une puissante campagne de calomnie l'a ciblé sur Facebook, l'accusant de voler du matériel de l'établissement et de le vendre pour son compte. Les nombreuses relances que sa famille et lui-même ont envoyées à Facebook pour faire supprimer ces contenus sont restées longtemps lettre morte avant que, huit jours après sa mort, l'une des publications soit supprimée par la plateforme. Abrham a ainsi déclaré : « Je tiens Facebook personnellement responsable de la mort de mon père ».
Ces accusations rejoignent celles qu'Amnesty International porte déjà contre l'entreprise de Mark Zuckerberg au Myanmar, ou l'absence de modération a permis à la haine anti-Rohingyas de se propager jusqu'à causer leur génocide. Pour l'ONG, le modèle économique de Facebook, qui consiste à mettre plus en avant les contenus clivants et sensibles, déjà contestable dans des sociétés en paix, est irresponsable, dangereux, et même coupable dans des régions qui connaissent des tensions et des conflits ethniques. Et le manque presque total d'équipes de modérations dans ces parties du globe ne fait qu'empirer la situation à un niveau dramatique.