Cette semaine votre chronique ne perd pas de temps et se pose sur le sable chaud de la planète Arrakis à la rencontre de la nouvelle adaptation signée Denis Villeneuve de Dune, l'œuvre monumentale de Frank Herbert.
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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Dune (2021)
de Denis Villeneuve
Je dois vous le confesser, au moment d'entrer dans la salle de cinéma, l'univers de Dune m'était encore bien étranger. Je connaissais bien sûr de nom l'œuvre littéraire monumentale de Frank Herbert et adolescent, j'avais jeté un œil sur la première adaptation réalisée par David Lynch, mais le film, déjà daté, ne m'avait alors pas particulièrement séduit.
L'arrivée d'un nouveau film m'a pourtant rapidement intrigué, d'abord parce que j'y ai vu l'opportunité d'une nouvelle porte d'entrée vers le riche univers de Dune, mais aussi parce le nom de Denis Villeneuve était attaché au projet. De fait, après des années de désamour, son Blade Runner 2049 m'avait subjugué comme peu de films ces dernières années, ce nouveau projet éveillait donc ma curiosité.
Aussi, après des bandes-annonces plus somptueuses les unes que les autres, un an de report dû en partie à la crise sanitaire et de premiers échos enthousiastes de la presse spécialisée, il était temps pour moi d'entamer ce nouveau voyage vers Arrakis.
« Quelque chose s'éveille dans mon esprit, je n'ai aucun contrôle dessus »
Scénaristiquement, le film ne s'éloigne pas de son support littéraire et nous invite à nous projeter en l'an 10191, pour suivre le parcours de Paul Atréides, héritier de la maison éponyme. Au début de l'histoire, le jeune homme et son père, le duc Léto Atréides, se voient envoyés par l'Empereur sur la planète désertique Arrakis.
Cet endroit dangereux et sauvage, anciennement contrôlé par la cruelle maison Harkonnen et habité par le peuple autochtone Fremen, est aussi une source de richesses pour l'Imperium qui règne sur l'univers. En effet, c'est ici que l'on récolte l'Épice, une substance rare et particulièrement importante qui permet notamment le voyage interstellaire, clé de voute de l'économie impériale.
Mais l'arrivée des Atréides se révèle finalement une manœuvre politique fomentée par l'Empereur et Paul devra s'affranchir de sa lignée pour embrasser un destin qui pourrait bien changer le cours de l'histoire…
« Ma planète, Arrakis, est tellement belle quand le soleil est bas »
L'univers de Dune a inspiré des artistes parmi les plus créatifs, en atteste le documentaire portant sur le projet avorté d'Alejandro Jodorowsky, dont les concepts fous continuent de fasciner les cinéastes du monde entier, comme les sœurs Wachowski qui s'en sont par exemple inspirées pour Jupiter Ascending.
Denis Villeneuve, s'il cultive une signature photographique particulière, n'est pas connu pour ses outrances visuelles, sa carrière témoignant plutôt de son amour pour l'épure, les espaces vides et majestueux. Le réalisateur applique évidemment ces codes esthétiques à Dune, dans sa direction artistique comme dans sa mise en scène, n'hésitant pas à élargir le cadre en permanence pour nous faire profiter des somptueux décors réels de la production. Les effets spéciaux, eux, sont absolument parfaits et bien dosés, de la première à la dernière image, ce qui est assez rare de nos jours pour être salué.
On peut évidemment adhérer ou non à la démarche. Pour ma part j'ai été littéralement scotché par cette proposition visuelle. Les équipes du film ont réussi à transcrire à l'écran la singularité de chaque peuple par un choix de costumes, de décors et de lumières, qui les caractérise à l'image et leur donne, surtout, de l'épaisseur, leur confère une histoire et un vécu.
Les différentes planètes de cet univers semblent habitées de milliers de récits encore inconnus, et les poussières du sable d'Arrakis m'ont presque fait suffoquer sur mon siège : emmenés dans le film, on a l'impression de sentir le vent et la moiteur de cet environnement. C'est peut-être une évidence, mais voir Dune uniquement sur l'écran d'un ordinateur ou d'un téléviseur serait une hérésie tant l'univers qui s'y déploie a été pensé avant tout pour la salle de cinéma, pour être projeté sur le plus grand écran possible.
« Père, et si je n'étais pas l'avenir de la maison Atréides ? »
Denis Villeneuve prouve aussi, après son Blade Runner 2049, que son goût pour la contemplation et à la réflexion n'est plus opposé à sa capacité à raconter une histoire, compréhensible par tous malgré des ramifications complexes. En 2 heures 35 de projection, le réalisateur et ses scénaristes réussissent à présenter les différentes forces en présence, leurs implications politiques et économiques, à mobiliser une profusion de noms et à distribuer une foule d'informations, et ce, sans que l'on soit totalement perdus au bout de 10 minutes.
L'équipe prouve également qu'elle a bien cerné les différentes sous-thématiques irriguant l'œuvre d'Herbert, parmi lesquelles l'écologie et le rapport de l'humain à la nature, mais aussi la question de la religion et de ses enjeux stratégiques. Ce dernier point s'incarne avec la représentation du Bene Gesserit, ordre de sœurs habitées d'une mission mystique et finalement très impliquées dans les problèmes géopolitiques de l'Imperium.
« Les rêves font de belles histoires, mais le plus important se passe quand on réveillé »
Est-ce le moment pour moi de crier au chef d'œuvre qui redéfinira le genre du space opera au cinéma ? Malheureusement non. Si Dune prouve que Denis Villeneuve est un artiste et technicien visuel hors-pair, capable de composer de magnifiques images et de faire vivre à l'écran un univers aussi riche que celui-ci, le film montre aussi les limites du cinéaste en termes de caractérisation.
Les personnages aussi incarnés soient-ils, semblent plus perçus comme des archétypes ou des fonctions que comme des êtres de chair et de sang, et ce, malgré tout le talent des comédiens, Timothée Chalamet en tête absolument impeccable en Paul Atréides. Ce qui pêche ici, ce sont les dialogues, écrits pour donner un contexte historique, expliciter les motivations des personnages ou encore décrire l'action se déroulant sous nos yeux. Jamais on ne perçoit une réelle alchimie entre Paul et son père par exemple et seul Duncan Idaho, interprété par Jason Momoa, obtient quelques rares lignes de texte lui permettant d'exister au delà de son simple statut de soldat, et de nous attacher à lui.
Le film semble aussi se refuser au spectaculaire, tant et si bien que les quelques scènes d'action qui le parsèment sont extrêmement pauvres, en termes de mise en images comme de chorégraphies. Tout est filmé de trop loin et trop rapidement pour susciter un quelconque intérêt et les combats au corps à corps souffrent d'une infinie mollesse, qui rend certains affrontements presque risibles…
« Ton destin t'appelle »
Une nouvelle adaptation de Dune sur grand écran est un pari osé, que Denis Villeneuve a joliment relevé dans les grandes largeurs. L'univers n'a jamais paru aussi réel, aussi tangible que dans cette version à la direction artistique parfaitement exécutée.
On peut aussi saluer rapidement le concours d'Hans Zimmer, qui n'avait pas été aussi inspiré depuis plusieurs années, ou la photographie désaturée de l'ensemble, très élégante… mais parfois trop sombre aussi.
Dune ne manque ni de souffle, ni d'audace, seulement de cœur. Comme l'indique le titre en début de film, nous n'avons vu ici que la première partie de l'histoire ; aussi, on espère qu'après cette longue introduction, Denis Villeneuve et ses équipes lâcheront les chevaux pour nous proposer une véritable épopée spatiale, davantage qu'un somptueux livre d'images.
Qu'en pense-t-on dans · S | F · ?
Dune de Villeneuve était pour moi la première vraie incursion dans l'univers de Frank Herbert et je ressors de l'expérience avec un petit goût d'inachevé.
Cela faisait bien longtemps qu'un pareil spectacle ne m'avait été proposé sur grand écran et Dune redonne d'une certaine manière ses lettres de noblesse au space opera, un genre trop souvent absent des salles de cinéma. L'univers, sa complexité et ses personnages m'ont intrigué, certaines images resteront sans doute gravées pour de nombreuses années dans ma mémoire… Pourtant il m'a manqué une vraie proximité avec le héros et les différents protagonistes pour me donner l'envie fébrile d'y retourner encore et encore.
Si Dune est plaisant à suivre et à contempler, mais passé la stupéfaction de quelques plans magistraux de maîtrise, je n'ai ressenti que peu d'émotions et en cela je suis très triste…
Dune est à retrouver depuis le 15 septembre 2021 dans les salles de cinéma.
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