Cette semaine votre chronique retourne dans les salles obscures à la découverte du Dernier Voyage, un film 100 % français qui n'a pas à rougir de la comparaison avec ses homologues anglo-saxons.
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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Le Dernier Voyage (2021)
de Romain Quirot
Ce n'est pas peu dire que le cinéma m'a cruellement manqué durant cette crise sanitaire. Heureusement le temps est enfin venu de retrouver nos salles préférées, un grand écran et ces fauteuils rouges rembourrés, que ne sauront jamais remplacer une télévision et un canapé.
Pour cette première séance de déconfinement j'ai évidemment décidé de m'évader loin, très loin de notre époque, avec Le Dernier Voyage, le tout premier long-métrage de Romain Quirot. Pour ce baptême du feu le réalisateur n'a pas cherché la facilité et s'est lancé dans la mise en images d'un récit apocalyptique. De fait, la SF à la française est toujours un pari casse-gueule, et pour cause, notre cinéma n'a, à un Luc Besson près, pas les mêmes moyens que d'autres ténors du genre pour faire vivre un univers futuriste crédible à l'écran.
Pourtant les premières images du Dernier Voyage m'avaient littéralement envouté quelques jours après sa sortie. Et après 1 h 30 de projection, mon premier avis n'avait pas varié d'un iota, bien au contraire.
« 7 jours, 168 heures, c'est le temps qu'il nous reste avant la fin du monde les cocos »
Dans un futur proche, notre Terre est une énième fois au plus mal. Une lune rouge géante menace de s'écraser sur la planète d'ici quelques heures à peine. Pourtant cet astre mystérieux, apparu presque comme par magie, a par le passé permis aux humain de développer une toute nouvelle énergie, d'une puissance rare : le Lumina, qui devait permettre de contrecarrer la fin des énergies fossiles. Or sans raison apparente, la lune cherche désormais à détruire l'Humanité.
Une seule solution apparaît : faire exploser l'astre rouge… Une mission hautement périlleuse pour laquelle Paul W.R., astronaute, semble être le seul qualifié, le seul capable de franchir le champ magnétique qui entoure cette Lune. Mais à quelques heures du départ de la fusée, l'homme est introuvable. Toutes les forces de l'ordre sont à sa recherche mais personne n'a aucune trace de sa position, sauf nous autres spectateurs.
Nous retrouvons en effet Paul, en tenue civile, alors qu'il erre dans un bidonville à la recherche d'un véhicule, pour fuir celles et ceux qui sont à sa recherche. À court d'énergie il devra faire une halte imprévue lors de laquelle il rencontre Elma, une adolescente au tempérament bouillonnant, qui a découvert sa véritable identité.
« Tu sais pourquoi les illusions sont dangereuses ? Ce sont des ombres à attraper »
Un premier film est imparfait par nature. Le Dernier Voyage n'échappe pas à la règle et je vous mentirais en vous disant que l'univers à l'écran déborde d'originalité. Au contraire il est le parfait mélange de multiples influences, qui ont bercé l'enfance et la cinéphilie de son metteur en scène, et que l'on repère au premier coup d'œil, en bons amateurs de science-fiction.
L'univers post-apocalyptique du film se glisse dans les pas de Mad Max ; la Lune Rouge évoque bien sûr Le Cinquième Elément de Luc Besson ; la ville et ses intérieurs renvoient à Blade Runner et certains costumes ou robots sont plus que très inspirés des différents volets de la saga Star Wars. Pourtant, malgré ces renvois permanents, l'univers du Dernier Voyage tient sa route, et ce dès les premières minutes.
Passé un premier plan montrant un Paris ravagé, la Tour Eiffel effondrée et brisée en plusieurs morceaux, le film se déroule majoritairement en décors naturels - et c'est (malheureusement) suffisamment rare dans la science-fiction contemporaine pour être souligné. Les décors, même les plus insignifiants, comme les véhicules, « font vrai » à l'écran, malgré la Lune rouge qui les surplombe en permanence, renforçant ainsi l'immersion dans l'histoire.
Le Dernier Voyage semble être construit comme un fantasme cinéphile pour tous les fans des années 80, tout en parvenant à exister à l'écran. Je ne me suis ainsi jamais posé la question de la crédibilité de ce monde, et les quelques effets spéciaux numériques utilisés sont suffisamment bien intégrés pour ne pas détoner à l'écran.
« Paul... tu dois fuir Paul »
Revenons près de Paul, qui doit bon gré mal gré faire équipe avec Elma. La jeune fille veut en effet quitter son père, un homme violent, et rêve par la même d'échapper à une vie sans avenir. Suivre l'astronaute est alors pour elle un moyen de s'extirper de sa misérable caravane pour partir à l'aventure.
Paul, lui, a un plan en tête : il cherche une mystérieuse forêt dont il puise le souvenir dans ses rêves enfant, et peut-être plus encore dans la Lune rouge. L'astre essaye t-il de lui faire passer un message? La clé de la survie de l'espèce humaine se trouve-t-elle dans cette forêt fantasmée ?
Le temps est désormais compté pour le duo, d'autant plus qu'un mystérieux personnage, qui se révèlera rapidement être le frère du héros, est à leurs trousses. Ce personnage au physique menaçant est d'ailleurs doté de pouvoirs télékinésiques suite à un contact avec la Lune rouge. On ne connait pas ses intentions mais il est déterminé à retrouver Paul par tous les moyens, n'hésitant pas à laisser plusieurs cadavres sur son passage pour arriver à ses fins.
« La Lune rouge c'est pas la première fois que sa trajectoire croise celle de la Terre »
Le Dernier voyage devient peu à peu une aventure plus introspective que spectaculaire même si le film ne manque jamais d'action. La réponse que cherche Paul est cachée dans ses souvenirs et c'est en se remémorant son enfance, sa relation avec son père, scientifique de renom à l'origine de la création du Lumina, et les derniers instants passés auprès de sa mère mère qu'il comprendra que cette Lune rouge n'est pas qu'un astre débarqué par hasard.
Comme Oxygène, dont je vous parlais il y a quelques semaines, Le Dernier Voyage nous rappelle de tirer partie de notre expérience, de notre relation aux autres et de nous plonger dans notre imaginaire pour surmonter les difficultés. Sans hasard, c'est dans une salle de cinéma que Paul W.R. prendra conscience du danger que l'Humanité encourt à pulvérisant la Lune rouge, et cherchera une autre voie, plus pacifique.
Le cinéma peut-il changer le monde ? C'est un message un peu tarte à la crème, je vous l'accorde, mais le réalisateur semble le penser et au fond moi aussi.
L'autre grand thème qui irrigue Le Dernier Voyage est bien entendu l'écologie et la défense de l'environnement. Plus qu'un simple élément de science-fiction posé là sans raison, la Lune rouge est un symbole, une métaphore même de la catastrophe qui nous guette si nous ne faisons rien pour prendre soin de notre planète.
« C'est normal d'avoir peur... mais tu en es capable »
J'ai souvent dit, avec beaucoup de mauvaise foi c'est vrai, que le cinéma français est cantonné à des comédies bas du front et des drames dans de luxueux appartements parisiens. Le Dernier Voyage vient de me prouver, en un peu plus d'une heure et demi, que j'avais tort.
Il est possible de faire de la science-fiction hexagonale qui a de la gueule et qui a du sens. Il est possible de proposer des scènes de combat futuristes sur du Eddy Mitchell sans franchir la frontière du ridicule. Il est possible de transcender ses glorieuses références pour tracer sa propre voie.
Je vous invite donc à vous ruer en salles pour découvrir et soutenir Le Dernier Voyage qui, je l'espère, sera le point de départ d'un nouveau cinéma de science-fiction à la française, aussi ambitieux qu'exigeant.
Le Dernier Voyage est actuellement en salles.
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