En 2019 Dargaud publiait une collection de BD de science fiction, intitulée Visions du futur. Parmi elles on retrouvait le très cérébral Soon, mais aussi Mécanique Céleste, un album qui nous embarque dans le futur d’une toute autre manière. Bienvenue dans un monde où les destins se jouent… à la balle au prisonnier !
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Nous nous donnons 5 citations et 5 paragraphes pour vous convaincre.
Mécanique Céleste (2019)
par Merwan
Nous sommes en 2068 dans la forêt de Fontainebleau. La jeune Aster vit seule dans une cabane dans un arbre, et passe ses journées à explorer les vestiges du passé avec son pote Wallis. Si lui est citoyen de Pan, elle n’a pas droit à ce statut. À Pan, on survit comme on peut, on se nourrit de riz et on troque la poudre des obus dénichés dans de vieilles caches d’arme contre l’essence récupérée dans les pompes abandonnées. Un soir, ce système déjà précaire est perturbé par l’arrivée d’un mystérieux équipage à bord d’un bateau étonnamment high-tech. C’est la délégation de Fortuna, qui vient leur imposer un marché : 25% de leur production de riz contre leur protection, ou ils détruisent tout.
Vous pouvez faire appel à l'arbitrage par la mécanique Céleste !
Au premier abord, la situation semble mal partie pour les citoyens de Pan. Mais un manifestant émerge du bateau de Fortuna et les incite à demander l’arbitrage par la Mécanique Céleste. Sans même savoir de quoi il retourne, le peuple de Pan choisit cette option. C’est donc la Mécanique Céleste qui décidera du sort de la cité, et ils découvriront très vite qu’il s’agit en fait d’un jeu de balle au prisonnier.
Agile et astucieuse, Aster va rejoindre l’équipe et tenter de défaire la très évoluée et belliqueuse cité de Fortuna. En trois parties, le sort de la petite coopérative rizicole sera décidé.
La survie de Pan repose sur un jeu de ballon…
En partant de ce principe surprenant, Merwan tricote un récit prenant, avec une héroïne à la fois un peu allumée, mais aussi attachante dans son statut d’outsider. L’auteur parvient à exposer la situation initiale sans tomber dans la description artificielle, et sans trop en dévoiler. Dès les premières pages, on veut en savoir plus sur ce qui est arrivé au monde, et quelles sont les pressions politiques qui pèsent sur ces différentes cités.
Ainsi, on découvre le monde à travers les yeux d’Aster, qui était jusque-là persuadée qu’en-dehors de sa forêt ne se trouvait que désolation. Cet univers laissé à l’abandon et empoisonné, à la manière d’un Tchernobyl du vingt-et-unième siècle, est merveilleusement représenté graphiquement. Les paysages sont travaillés, la végétation abondante, les couleurs à la fois magnifiques et malades. Quant aux personnages, ils ont tous une « gueule », si marquante qu’on les entendrait presque parler.
YAAAAAH !!!
Si Soon et Mécanique Céleste ont la particularité d’être toutes deux des bandes dessinées de science fiction, la ressemblance s’arrête là. L’album de Merwan nous propose un récit spontané, plein de fougue, frais sans être léger : de l’issue de ces trois matchs dépend la survie de Pan.
Si Merwan a eu l’idée de ce principe d’arbitrage par balle au prisonnier, c’est sans doute en pensant à toutes les belles scènes d’action qu’il devrait représenter. Chaque match est haletant : les actions sont si bien dessinées qu’on plonge à fond dans le récit, on suit la balle des yeux et on s’émerveille devant les retournements de situation. L’album est épais mais se lit à toute vitesse, embarqué par la course des balles et les bonds des joueurs. L’auteur s’amuse avec les onomatopées, qui viennent habiller le décor et rendre l’action encore plus intense.
Ils se battent pour un principe. Prends-en de la graine.
Comme dit plus haut, derrière ces matchs se posent des questionnements très politiques. Car si c’est la liberté de Pan qui est en jeu, une autre nation, Cères, a tout intérêt à venir prêter main-forte à nos héros pour faire flancher l’oppresseur Fortuna. Au fil des matchs, on découvre aussi les tensions qui se jouent au sein même de cette citée plus évoluée, mais pas plus paisible. Si l’album est une pépite, ce n’est pas non plus un sans faute. Et c’est justement là où Merwan pêche un peu.
On est tellement emporté par l’action sur le terrain, qu’on en vient à moins s’intéresser aux dialogues « à côté ». Or, c’est bien de révolte dont nous parle l’auteur, et il semble avoir voulu en faire un point central de son récit. La révolte d’Aster, apatride, qui représentera quand même une cité, la révolte des citoyens de Pan face à l’oppresseur, et même celle des citoyens de Fortuna face à leurs dirigeants violents. Mais ces moments sont moins soignés et les dialogues sont moins marquants si bien qu’on a tendance à passer à côté.
Qui règne par la force périra par la force !
Finalement, c’est surtout le destin d’Aster et ses actions mémorables sur le terrain qu’on retient de Mécanique Céleste. Et c’est déjà un pur plaisir ! Avec ses graphismes à tomber par terre et son action trépidante, l’album vous embarquera dans un tourbillon de folie qui a de grandes chances de vous charmer.
Mécanique Céleste (2019) est édité chez Dargaud