Qu'est-ce que l'IMAX ? Du mythe à la modernité

Romain Heuillard
Publié le 29 janvier 2016 à 16h23
Présenté à l'exposition universelle de 1970, l'IMAX jouit encore d'une grande notoriété et reste associé au cinéma grand spectacle. Près d'un demi-siècle plus tard, il connait même un regain d'intérêt. Mais qui sait ce que c'est vraiment ?

Né dans les années 1980, j'ai connu les grandes heures de la Géode et du Futuroscope, deux monuments de l'audiovisuel. Or ces parcs d'attractions sont deux des premiers lieux à avoir accueilli l'IMAX en France. Ils ont contribué à son assimilation par l'inconscient collectif. Comme nombre d'entre vous, j'associe donc cette marque au grand spectacle et aux bons souvenirs d'enfance.

Mais lorsque la société IMAX s'est jointe, le mois dernier, à la promotion du dernier Star Wars, je me suis rendu compte que je ne savais pas vraiment, bien que je sois porté sur la technique au cinéma, ce que désignait ce mot. J'ai alors entrepris de combler mon ignorance, ce qui n'a pas été une mince affaire. Récapitulons.

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Tout le monde connait l'IMAX, mais qui sait ce que c'est vraiment ?

C'est que le site internet officiel multiplie les promesses, les superlatifs, sans jamais les justifier, sans jamais livrer de concret. L'IMAX offre « l'expérience cinématographique la plus immersive », « l'image la plus spectaculaire », « une sonorisation palpitante ». Comment ? La rubrique « la différence IMAX » du site internet ne le dit pas, ou presque pas.

Pas plus que le « mini documentaire » intitulé « Les coulisses du tournage de Star Wars : le réveil de la Force  (ci-dessous). En fait de coulisses, on y voit les acteurs et producteurs nous dire à quel point ils s'étaient réjouis de voir les caméras IMAX sur le plateau, mais sans jamais nous expliquer pourquoi. Une vidéo promotionnelle banale, en somme.

Il aura fallu solliciter un entretien avec Andrew Creeps, président d'IMAX Europe, pour en savoir plus.

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La démesure de l'argentique

Initialement, du temps de l'argentique, l'IMAX c'était une salle de cinéma dont l'écran immense recouvrait la quasi-totalité du champ de vision des spectateurs. Les écrans mesuraient ainsi jusqu'à 30 m de large et 20 m de haut, soit l'équivalent d'un immeuble de 7 étages et une surface colossale de 600 m².

Pour maintenir une bonne définition d'image, l'IMAX avait donné naissance à un nouveau procédé de tournage et à des caméras spécifiques.

Avec une pellicule courante de 35 mm, qui défile à la verticale et sur laquelle chaque trame occupe quatre perforations, un grain de l'image occupe un point d'environ 5 mm² sur un écran de 10 x 5 m. Avec la pellicule 70 mm de films comme Ben-Hur ou Lawrence d'Arabie, les trames passent à 5 perforations. C'est néanmoins insuffisant pour maintenir une définition satisfaisante sur un écran de 30 m, sur lequel le grain occuperait 1 cm².

IMAX a donc renversé la pellicule, pour la faire défiler à l'horizontale et porter à quinze perforations la taille d'une trame. Il faut alors 6 km de pellicule par heure. À titre de comparaison, le 35 mm ne défile qu'à environ 1,5 km par heure, quatre fois moins vite.

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L'IMAX argentique était en contrepartie excessivement cher, de l'équipement de tournage à l'équipement de projection et en passant par la pellicule. Le procédé est donc resté réservé à quelques documentaires, pour des démonstrations technologiques et des parcs d'attraction bien plus que pour le 7e art.

La régression du numérique

Si on trouve sans difficulté les caractéristiques de l'IMAX analogique, on ne peut pas en dire autant de l'IMAX numérique. C'est que le procédé a perdu de sa superbe !

Désormais la salle IMAX type dispose d'un écran de 15 x 9 m, c'est-à-dire de 135 m², plus de quatre fois plus petit qu'autrefois. Certes, sans pour autant verser dans la démesure d'antan, c'est toujours très grand. D'autant que l'écran « légèrement incurvé » et la disposition optimisée des fauteuils sont supposés garantir une meilleure immersion que dans une salle conventionnelle.

On retrouve un ratio d'image moins panoramique que le format dit CinemaScope (2,35:1), plus haut, supposé être plus immersif, de 1,89:1. L'IMAX numérique exploite par ailleurs deux projecteurs, qui superposent l'image afin de maximiser la luminosité.

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L'IMAX numérique souffre de la comparaison

L'ennui c'est que l'IMAX moderne souffre de la comparaison. Avec l'IMAX analogique, pour commencer, par rapport auquel il est une franche régression. Mais aussi et surtout avec des salles de cinéma numériques modernes qui ne se réclament pourtant d'aucun label.

C'est que la plupart des copies numériques IMAX Digital Format et les projecteurs de la plupart des salles IMAX ne sont qu'en définition 2K (2048 pixels de large). Or c'est la définition des salles de cinéma numériques ordinaires, et c'est à peine mieux que la Full HD (1920 pixels de large) dont jouissent la majorité des foyers dans leurs salons.

Il resterait bien la taille de l'écran... si seulement certaines salles IMAX n'étaient pas des salles préexistantes qu'on se serait contenté d'équiper de double projecteurs certifiés IMAX. Ce qui, comme on vient de le voir, n'est qu'un modeste gage de différenciation. Dans de telles salles, le seul gain est une luminosité supérieure.

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Dolby Cinema et Laser Ultra en embuscade

IMAX a finalement rehaussé ses spécifications au mois d'avril 2015. Elles prévoient désormais une double projection laser, en 4K, un espace colorimétrique étendu Rec.2020, un taux de contraste double de l'IMAX argentique et une sonorisation sur 12 canaux.

Mais l'IMAX ne fait que combler son retard, et en partie seulement, sur une nouvelle certification concurrente, Dolby Cinema, lancée en décembre 2014. Celle-ci va même plus loin, en prévoyant un taux de contraste pas seulement élevé, mais très élevé, avec le procédé du HDR, de la plage dynamique étendue.

Pire, certains cinémas modernes ont devancé Dolby. Le réseau de cinémas Kinepolis, par exemple, a développé son propre label « Laser Ultra » et équipé certaines salles, dès l'automne 2014, d'un (unique) projecteur 4K ultra lumineux (60 000 lumens), et d'une sonorisation Dolby Atmos. Et des salles haut de gamme équipées en 4K voire en double projection font leur apparition aux quatre coins de la France, sans s'en vanter spécialement, depuis quelque temps déjà.

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10% de la durée d'un film vraiment en IMAX

« Une chaîne est aussi solide que son maillon le plus faible », dit le dicton. Or il reste justement un gros problème pour l'IMAX : la captation.

Les films dits IMAX bénéficient au minimum d'un remastering numérique spécifique, adapté aux particularités des projecteurs certifiés. Mais les spectateurs ne profitent de l'expérience IMAX complète que pour une fraction du film, au mieux pendant 10 % de la durée de la séance.

Même pour une super production comme Star Wars Episode VII, les caméras IMAX ne sont effectivement utilisées que pour quelques scènes. En pellicule, on ne filme (quasi) plus en 70 mm 15 perforations, on filme dans le meilleur des cas en 70 mm 5 perforations, voire seulement en 35 mm 4 perforations. Certes, de nos jours on numérise puis on post-produit au mieux en 4K, on renonce donc de toute manière à la définition équivalente à environ 10K du « 15/70 ». Mais on renonce aussi à son rendu spécifique, notamment au rendu caractéristique des perspectives et des effets de la profondeur de champ.

En numérique, la quasi-totalité des caméras de cinéma sont équipées de capteurs 4K au format 35 mm. On ne trouve des caméras numériques équivalentes au 70 mm 5 perforations, telles que l'Arri Alexa 65, que depuis le début de l'année 2015.

En somme, dorénavant, excepté pour 15 minutes de film, l'IMAX ne décrit plus qu'une procédure de remastering et de projection, qui ne se distingue pas outre mesure des techniques déjà en vigueur dans l'industrie du cinéma.

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Courir après 5 salles en France ?

Reste enfin à assister à une séance en IMAX. S'il y a 1 000 écrans dans le monde, on ne recense à ce jour que cinq cinémas en France1 (plus cinq parcs d'attraction qui ne projettent que des documentaires). Au Royaume-Uni, dont la population est comparable, on en compte une quarantaine. Mais Andrew Creeps est optimiste, c'est son métier, et il s'attend à ce que le nombre de salles double en France d'ici un an à un an et demi.

Mais vous l'aurez compris, il est inutile de courir après les salles IMAX. Certes, le label a le mérite de garantir de bonnes prestations, parmi les meilleures. Mais vous fréquentez peut-être déjà sans le savoir une salle qui fait aussi bien. Bientôt, de nouvelles salles Laser Ultra ou Dolby Cinema offriront le même niveau de prestation. Et on ne peut qu'espérer que ces développements inciteront les cinémas à être moins opaques sur les conditions de projection de leurs séances.

En tout cas, vous saurez désormais à quoi vous en tenir. Ces temps-ci, IMAX assure d'ailleurs la promotion de Deadpool et du reboot de Spider Man. Bonnes séances !

1 Gaumont Disney Village à Marne-la-Vallée, Pathé Quai d'Ivry à Ivry-sur-Seine, Gaumont au Grand-Quevilly, Pathé Carré de Soie de Vaulx-en-Velin, Gaumont Labège banlieue Sud-Est de Toulouse et bientôt Pathé Grand Ciel à la Valette du var / La garde.

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Romain Heuillard
Par Romain Heuillard

C'est vers l'âge de 12 ans, lorsque j'ai reçu mon premier ordinateur (un Pentium 100), que j'ai décidé d'abandonner ma prometteuse carrière de constructeur de Lego pour me consacrer pleinement à ma nouvelle passion pour l'informatique. Depuis je me suis aussi passionné pour l'imagerie en général et pour la photo en particulier, mais je reste fan de sujets aussi obscurs que les procédés de fabrication de composants électroniques ou les microarchitectures de processeurs, que l'infiniment grand et l'infiniment petit. Je suis enfin foncièrement anti-DRM et pro-standards ouverts.

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