Oracle cyborg

La fin du monde est un sujet vu et revu dans le domaine de la SF. Pourtant, avec La mort de l’oracle cyborg, vous allez plonger dans un roman pas comme les autres, entre thriller et voyage mystique futuriste, et risquez de ne pas ressortir intacts de votre escapade dans la Cité. Bienvenue à RESURGA !

8 /10
La mort de l’oracle cyborg
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Les plus
  • Vous êtes curieux de visiter un futur atypique, basé sur la religion
  • Vous aimez quand l’imagination prend le pas sur l’action
  • Vous appréciez les références à la pop culture du XXe siècle
Les moins
  • Vous détestiez les cours d’histoire de la Grèce en primaire
  • Vous aimez les batailles spatiales et quand ça cartonne dans tous les sens
  • Vous préférez la SF qui reste dans les clous

La mort de l’oracle cyborg (2021)

Jordan A. Rothacker

L’oracle cyborg de Delphes a été assassiné. Fraîchement promue de la Profane vers la Sacrée, l’inspectrice Edwina Casaubon va devoir faire équipe avec le fameux inspecteur Logicowitz afin de faire toute la lumière sur ce meurtre sordide qui agite la Cité.

Cette semaine, nous prenons un peu de bon temps et faisons relâche après le pavé qu’a été Quantika. C’est donc un roman court que nous vous présentons aujourd’hui, du genre qui se mange en moins de 2 heures — ce qui n’enlève toutefois rien à sa qualité, bien au contraire.
La mort de l’oracle cyborg est un livre assez atypique dans son approche de la SF, en incombe à son auteur, titulaire d’une maîtrise en religion. Jordan A. Rothacker met ainsi à profit sa formation pour nous décrire avec brio un futur atypique, bien loin des poncifs habituels du genre.

Ce sympathique ouvrage est édité depuis décembre 2021 aux Éditions du 38, dans la collection Domaine étranger. Dirigée par Jean-Yves Cotté, cette dernière vise à faire découvrir des auteurs des quatre coins du monde, la traduction étant réalisée par le directeur lui-même.

Fiche technique La mort de l’oracle cyborg

« Après dix ans aux Homicides Profanes, mon transfert à la brigade des Homicides Sacrés de la Sécurité de la Cité avait été approuvé »

Notre histoire se déroule en 2220. Une fois de plus, notre belle planète bleue a fait les frais de nos sales habitudes. Après avoir bien tout déglingué sur Terre, les quelques millions de survivants de la fin du monde se sont réfugiés sous des dômes auto-suffisants, alimentés par l’énergie solaire. Vous allez nous dire que, jusque là, il n’y a rien de bien original. Attendez plutôt de voir la suite.

Il faut souvent une grande défaite pour apprendre de ses erreurs. C’est exactement ce qui se passe dans le roman de Jordan A. Rothacker. L’humanité prend en effet conscience que la Katastrophe – oui, oui, avec un grand K – a été causée par un « dieu ». Un dieu terrible, pernicieux et adulé par tous : Kapital.
Hé oui, il aura fallu que le monde s’écroule pour que le capitalisme effréné en fasse de même. C’est donc dans un univers totalement différent du nôtre que nous allons évoluer, libéré des chaines du « pognon tout puissant » et autres « business is business ». On mène alors une enquête aux côtés de l’inspectrice Edwina Casaubon, l’occasion de voyager dans un monde totalement nouveau, mêlant SF et religion avec brio.

« J’ai toujours pensé, et redouté, que Tirésias Pythie connaîtrait une fin violente. »

Dans La mort de l’oracle cyborg, l’humanité est en effet devenue très pieuse. La religion n’a cependant pas la même portée, ni le même fonctionnement que ce qu'on connaît. Ecrasés par la culpabilité des dégâts du capitalisme, les habitants de la Cité sous le dôme se sont tournés vers les dieux, et chaque citoyen œuvre pour le bien commun et celui de la Cité, gardant la liberté de choisir le panthéon qui lui plaît. Mieux encore, certaines personnes « incarnent » les dieux, améliorant leur aptitudes grâce à la technologie. Et le top du top : vous pouvez croire à Chtulhu si le cœur vous en dit !

Faut-il être adepte de l’histoire des religions pour apprécier La mort de l’oracle cyborg ? On vous rassure, ce n’est pas nécessaire. L’écrivain utilise avant tout cette dimension pour assoir son univers pour le moins original et donner de la substance à son enquête. Car c’est bien un thriller que nous avons entre les mains, et ce, même si l’intrigue est relativement courte…

Après la mort de l’Oracle de Delphes, sauvagement assassiné, c’est la Brigade des Homicides Sacrés qui doit faire le jour sur les événements et faire payer le coupable. Rapidement, si possible, afin d’éviter des retombées négatives sur le fonctionnement parfaitement huilé de la Cité. Fraîchement transférée de la Profane, l’inspectrice Edwina Casaubon va ainsi faire équipe avec le plus fin limier du dôme : l’inspecteur Rabbi Jakob Rabbinowitz, alias Logicowitz. Pour ceux qui se poseraient la question : non, il n’y a aucun rapport avec le célèbre personnage barbu incarné par De Funès !

« Leur agitation trahissait une certaine nervosité. Suspect. Coupables ? »

Autant l’avouer, je ne suis pas spécialement fan des romans d’enquête, ni même de lectures spiritualistes. Néanmoins, le mélange proposé par Jordan A. Rothacker fait mouche, renforcée par la construction de l’inspecteur Logicowitz, qui a une façon de procéder bien à lui, une sorte de raisonnement « inversé » qui consiste à éliminer tout ce qui est impossible pour en déduire les pistes envisageables. Tout ça en accomplissant ses devoirs religieux.

Au premier abord, on pourrait d'ailleurs craindre que ce pan religieux du roman le rende insipide. Ce n'est pas le cas, tout simplement parce que Jordan A. Rothacker fait une utilisation très savante de la SF : l’Oracle de Delphes est avant tout un cyborg transgenre dont les modifications lui permettent une certaine préscience. Le monde de Rothacker est vraiment en marge du nôtre, et c'est très plaisant.

L’enquête nous fait alors traverser les différentes strates de cette société étrange, où chaque personne est importante, peu importe son sexe, son avis et son opinion religieuse. Plus original encore, des vestiges du passé pointent tout au long du récit. On apprend par exemple que David Bowie est considéré comme un prophète des temps anciens, ou, comme nous le disions précédemment, que les dieux imaginés par Lovecraft sont révérés comme de vraies divinités en 2220. C’est assez fun, et ça change des récits SF qu’on croise d’ordinaire !

« Le plus plausible dans cette affaire, c’est que quelqu’un a entendu quelque chose qui ne lui a pas plu. Quelque chose de si épouvantable qu’il en est venu à tuer. »

Guidés par Logicowitz, notre lecture nous amène à parcourir la Cité de long en large, à découvrir le Tartare, une sorte de morgue high-tech, ou encore la Peachtree Tower, centre névralgique de la ville sous le dôme. Au rythme des descriptions, on déambule dans les bars à débats très animés et dans les bas-fonds où règnent les nihilistes.

Chaque journée de l'enquête est l’occasion de découvrir un nouveau pan de ce monde post-Katastrophe, et des mœurs nouvelles, qui sembleraient probablement choquantes pour beaucoup de nos contemporains. En 2220, plus personne ne cache quoi que ce soit. Comme aux temps grecs qui ont inspirés l’auteur, la liberté est reine à la Cité. Le changement de genre est devenu monnaie courante, si le travail existe toujours, il n’est plus du tout assujetti à l’argent qui a disparu en même temps que Kapital tout comme les guerres.

Mais toute pièce a son revers. Le drame causé par la Katastrophe a modifié en profondeur les humains. Le « Sombre-espoir » est un mal qui se traduit pas d’horribles rêves macabres nés de la culpabilité des morts causées par le capitalisme. Il faut ainsi composer avec un arrière-plan sombre qui recouvre de son voile les merveilles de la Cité. La narration de Jordan A. Rothacker n’est pas toujours parfaite mais elle marque ses lecteurs : on prend plaisir à se balader dans sa Cité du futur, aussi belle que noire.

« Il fallait faire taire cette bouche. Je devais mettre un terme à cette histoire… »

Nous arrivons au terme de notre voyage futuriste. Nous ne vous dévoilerons bien sûr pas le fin mot de l’histoire, ce serait vous gâcher le plaisir de la lecture et surtout de la découverte de l’univers sorti de l’imagination fertile de Jordan A. Rothacker. Les 162 pages de cet ouvrage se lisent de toute façon d’une seule traite.

Au risque de nous répéter, il ne faut pas être rebuté par le côté religieux très présent dans ce livre, mais il y a suffisamment de références en notes de bas de page pour orienter le lecteur qui pourrait buter sur certains concepts. De même, les nombreuses références à la pop culture actuelle sont bien expliquée de façon à maintenir une immersion totale dans le récit. Ce petit roman fût donc une agréable surprise que nous vous encourageons à découvrir, surtout si vous voulez sortir des sentiers battus de la science-fiction plus « terre à terre ».

N'hésitez pas à nous partager vos retours sur La mort de l’oracle cyborg, et d'ici là portez-vous bien et n’oubliez pas d’œuvrer pour le bien de la Cité. RESURGA !

Conclusion
Note générale
8 / 10

La mort de l’oracle cyborg nous emmène dans un futur où la foi règne. Avec son univers très original, ce roman court séduira les amateurs de thriller et de SF qui cherchent une lecture qui sort des sentiers battus.

Les plus
  • Vous êtes curieux de visiter un futur atypique, basé sur la religion
  • Vous aimez quand l’imagination prend le pas sur l’action
  • Vous appréciez les références à la pop culture du XXe siècle
Les moins
  • Vous détestiez les cours d’histoire de la Grèce en primaire
  • Vous aimez les batailles spatiales et quand ça cartonne dans tous les sens
  • Vous préférez la SF qui reste dans les clous

La mort de l’oracle cyborg (2021) est édité chez Les Éditions du 38 en version papier. Le roman est aussi disponible sur 7Switch en version EPUB et sur Amazon en version Kindle.