Critique Dealers de nuages : vous reprendrez bien une petite dose de post-apo ?

Non, vous ne rêvez pas : dans le futur, les nuages vaudront cher. C’est du moins comme ça que ça se passe dans le dernier roman de Stéphane Desienne. C’est français, ça s’appelle Dealers de nuages et on décortique ça en détail dans cette critique.

Dealers de nuages (août 2021)

Stéphane Desienne, édité aux Éditions du 38 

Décidément, Stéphane Désienne aime les ambiances post-apocalyptiques. Après l’excellent Toxic où se mêlaient aliens et zombies dans une joyeuse pagaille, l’auteur français nous emmène cette fois dans un univers où les humains sont au bord de l’extinction suite au réchauffement climatique.

Nous vous voyons déjà lever les yeux au ciel en pestant contre un énième roman sur le sujet… Ne partez pas tout de suite, Dealers de nuages vaut son pesant d’or. Contrairement à Damasio ou Ligny qui imposent un message fort aux lecteurs, Desienne voit plutôt l’apocalypse comme un grand terrain de jeu lui permettant de mettre à l’épreuve ses personnages.

Le roman se veut donc assez léger sur le côté écolo, ce qui permet de profiter au mieux de ses presque 300 pages d’action non-stop, habile mix entre Mad Max et Le salaire de la peur. N’oubliez pas de prendre une boisson fraîche, ça va chauffer du côté de Bellerive !

« Ce nuage est à moi ! Ils ne me le prendront pas ! »

Bienvenue à Bellerive, charmante bourgade du sud de la France. Température moyenne : 29°C en hiver. Précipitations : en général le 36 de chaque mois. Notre beau pays ressemble maintenant à une carte postale du Grand Canyon, les sourires sur les visages en moins. Tout est dévasté par la canicule permanente et le sable venu du sud. Le seul moyen de retrouver un peu du monde d’avant est de voyager jusqu’en Norvège et de passer les murailles qui ceinturent les pays les plus au nord du globe.

C’est dans cette chaude ambiance d’été permanent que nous faisons la découverte de Bellerive. Le village survit grâce au commerce et à la récolte de la rosée. Son placement au pied des Alpes lui offre quelques pluies occasionnelles, et les habitants ont un avantage en la présence d’un vénérable Canadair, entretenu avec amour par Zürich et piloté par Emiliana, notre héroïne. Grâce à plusieurs modifications, l’avion est maintenant en mesure d’ensemencer les nuages qui passent de temps en temps au dessus de la région.

Nos héros doivent toutefois affronter un ennemi de taille : les Croix-Noires. Cette communauté de pillards dispose aussi de son propre système de récupération d’eau et de plusieurs avions de chasse rafistolés. La bataille est donc rude, chacun tentant de s’accaparer les nuages dès qu’ils apparaissent. C’est d’ailleurs sur l’une de ces courses à l’eau que débute le roman de Stéphane Desienne, action qui s’interrompt bien vite alors que survient un nouveau problème…

« Soit nous avons un problème de stockage, soit un problème de sabotage »

L'apocalypse ne suffisant pas, pourquoi ne pas rajouter un petit sabotage dans le lot ? Autant vous prévenir tout de suite, Stéphane Desienne aime mettre ses protagonistes dans l’embarras. Après une bataille rangée et un crash en bonne et due forme, nos héros découvrent donc qu’ils sont victimes d’un sabotage touchant le bio-kérosène utilisé dans leur Canadair.

On retrouve ici le petit goût du sadisme propre à l’auteur français. Ses héros vivent à toute vitesse, enchaînent les péripéties sans temps mort. On ne s’ennuie pas un instant sur Dealers de Nuages. Le côté écologique passe ainsi au second plan, le romancier appuyant avant tout le trait sur l’action.

Il n'y a toutefois pas que l’action qui prime dans ce livre. Les héros profitent de personnalités relativement fouillées, ils ne sont pas là uniquement pour faire de la figuration. Sans atteindre des sommets de psychologie, le roman nous fait vitre éprouver un certain attachement aux personnages et leurs différents caractères, souvent bien trempés par l’obligation de survivre en milieu post-apocalyptique.

« Elle ne se souvient de rien. Elle et son gamin sont heureux et je… ne peux pas briser ça. »

Continuons d’ailleurs sur le côté psychologique des protagonistes. Après quelques dizaines de pages, on apprend qu’Emiliana, la pilote casse-cou chasseuse de nuages est amnésique. Un grand classique de la littérature, utilisé ici à très bon escient. Stéphane a le tact de ne pas faire de l’amnésie le fil conducteur de son livre. Oui, Emiliana a perdu la mémoire, mais elle en vit très bien.

Les informations sur cette amnésie sont libérées au compte-goutte, sans jamais venir prendre le dessus sur la principale motivation de nos héros : la survie. Ce n’est qu’à la toute fin du roman que la vérité sur les origines d’Emiliana éclatera. On vous laisse le plaisir de la découverte !

Revenons à nos moutons. Suite au sabotage, Bellerive se voit offrir une occasion en or. Un informateur indique aux habitants où dégoter de pleines citernes de kérosène de qualité, contre la promesse de profiter d’une partie du magot lui aussi. Et comme une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, une caravane de passage accepte de se joindre à la fête. Tous les ingrédients sont réunis pour un road trip mouvementé à travers le désert français.

« Je vous octroie trois véhicules armés de mitrailleuses et une douzaine d’hommes. »

C’est parti pour le plus gros morceau de Dealers de Nuages. Si vous avez aimé des chefs-d’œuvre comme Mad Max et Le salaire de la peur, dont nous parlions en début d'article, alors vous devriez apprécier ce que vous allez trouver dans le roman de Stéphane Desienne. Après les négociations, place à l’action !

Guidés par Emiliana, les volontaires de Bellerive partent à l’aventure avec les hommes de Sofiane, reine de la caravane de passage près du village. Une idylle va d’ailleurs voir le jours entre les deux femmes, au grand dam de Tess, actuelle amante de notre pilote de l’extrême. Notre héroïne va ainsi se retrouver entre plusieurs feux : ceux des Croix-Noires et ceux de ses prétendantes. Le voyage jusqu’à l’ancienne base militaire contenant les citernes va donc se révéler mouvementé.

Environ deux tiers du livre sont consacrés à cette expédition qui nous fera voyager aux abords du Lac Léman, totalement vidé de son eau. Entre embuscades des Croix-Noires et joutes sentimentales, l’auteur français ne laisse aucun temps mort à ses lecteurs, ni à ses protagonistes. On apprécie l’équilibre qu’arrive à instaurer Stéphane Desienne à l’ensemble, aucun élément ne prenant le pas sur l’autre. L’histoire se déroule le plus naturellement du monde, sans jamais s’enliser sur un thème ou un autre.

« Allons faire tomber cette putain de pluie, Met’. »

Il est bientôt temps de clore cette critique SF. C’est au terme d’un duel dantesque que s’achèvera l’aventure d’Emiliana, que nous vous invitons à découvrir sans tarder dans Dealers de Nuages. Très rapide à lire, ce roman montre toute la maitrise de Stéphane Desienne pour la SF et l’anticipation. L’auteur, très prolifique, ne cesse d’affiner sa plume à chacune de ses œuvres. C’est donc avec avidité que nous attendons ses prochains romans !

Si vous n’avez jamais eu l’occasion de lire un de ses livres, voici une sélection, lue et approuvée par nos soins :

• Jachère
• Toxic
• Zoulag 
• Exil

La plupart de ces romans sont disponibles aux Editions du 38, petite maison indépendante qui édite l'auteur depuis plusieurs années. N’hésitez donc pas à jeter un œil à leur catalogue, il recèle de petites pépites qui n’ont rien à envier aux plus grosses maisons d’édition.